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Lifestyle - Tous les chats sont gris

Faqra, Faraya la nuit, rencontres au sommet...

Ski, barbecues et randonnées ne sont pas tout sur les hauteurs des fausses jumelles Faqra et Faraya. Le week-end dernier, pour la fête de l'Assomption supposément, tout un réseau de mondains déplaçaient leurs rituels de nuit sur ces cimes du Kesrouan. Et la montagne, elle, s'aventurait en hors piste...

Photo G.K.

C'est triste, mais il faut se rendre à l'évidence. Non, on ne va plus à la campagne pour retrouver ses racines et non, la montagne n'est malheureusement plus ce lieu pittoresque et paysager, cet espace à conserver, à sanctuariser même. Non, on n'emprunte plus les chemins sinueux pour les paniers d'osiers qui valsent comme les jupes de filles, pour l'arak qui rafraîchit dans la rivière, pour cette boulimie de sérénité et cette bonne franquette à ciel ouvert. Les citadins libanais enrichis nous crachent leur réussite à la figure en achetant ou construisant des résidences secondaires. C'est le syndrome comtesse de Ségur dans Les Vacances, avec une relation domaniale à la campagne, un usage mondain de la résidence. On érige des demeures avec courts de tennis et piscines, on y donne des fêtes.

En mode effusion
Pendant que d'autres s'échinent encore à questionner, voire carrément nier l'éclosion de cette société d'embrassades et de mondanités, les rich and (not) famous, avec une paille dans la bouche et des fleurs dans les cheveux, dessinent confortablement les contours de leur monde et s'amusent à déplacer leur bulle so select là où les mène la fumée de leurs cigares. La fête de la Vierge Marie est, en l'occurrence, une bonne occasion pour eux de coloniser Faqra et Faraya, et transformer ces villégiatures jumelles en biotope d'une faune huppée. Rêve de poupées blondes en combinaisons griffées et fantasme exotique pour princes et oligarques du Golfe. Leur programme journalier se remplit de petites activités. Les après-midi sont organisés des expositions, dispositifs à faire dépenser de l'argent sur des choses plus ou moins inutiles. Sinon, ça discutaille dans les lobbies d'hôtel, dans les restaurants ou dans les spas à agencer le programme de la soirée ou comparer les itinéraires de voyage de la fin du mois.

Pluie d'étoiles
Dès que le soleil vire au mordoré et qu'il est l'heure au vin de tourner au rosé, on se donne rendez-vous au « Montagnou » qui n'a de montagnard que le nom et les 2 000 mètres d'altitude. On y est (plutôt mal) accueilli par un proprio aux airs d'ours mal léché qui nous explique à l'entrée, d'un air agacé, que non, il n'y a plus de places au bar. Les habitués sont là depuis ce matin, une peau d'homard à cinq pattes, mâchant leurs cigares phalliques avec lunettes miroir et panama en costume national. « On se sent comme à la maison », rit une vacancière en piochant dans son verre alcoolisé. « Je t'attends demain soir chez moi à Faqra, c'est intime, nous sommes cinquante personnes. » « J'ai même prévu un valet parking chérie ». Nous voilà rassurés. Pendant que des bras en l'air s'agitent au son de Homeless, un des cartons de cet été, quelque chose se prépare au bord de la piscine. La Barbie locale pose comme une dauphine au concours de Miss univers, rentre le ventre, contemple l'horizon et donne enfin le signal à sa copine pour immortaliser le moment sacré. Car ce week-end de mi-août, il n'y avait pas besoin d'être à Faqra ou Faraya pour savoir ce qu'il s'y tramait. Les fêtards inondaient les réseaux sociaux d'images : untel se resservant de la fondue, tel autre vidant un verre... Les deux petits villages devenaient le décor d'une myriade de selfies, où des adulescents friqués diffusent des photos de leur dernier joujou : précieuse berline ou sac monogrammé.

Ville à la montagne
Dans les rues, les vélos rouillés qu'on louait auparavant à Kferdebian ont été troqués contre des quads, comme dans une mauvaise version d'un conte des frères Grimm. À bord de ces monstres à quatre pattes, on se fraye un chemin dans les embouteillages cyclopéens. Pour se rendre à la party du jour ou pour jouer la carte faussement terroir dans l'un des restaurants arabes de la région, à savoir « Khaymet el-Hor », affilié à un établissement cinq fois étoilé, ou « Chez Fawzi », qui sonne plus comme paradis de show off que cantine de montagne. Beyrouth a même déplacé un grand nombre de ses restaurants dans le jurd du Kesrouan. Des restaurants fusion (avec tout ce que ça peut vouloir signifier), des burgers gourmets et même des foodies branchées pour ceux qui ne peuvent pas se passer d'un barbecue organique. Une frénésie nocturne qui durera jusqu'à la trêve du 16 août, renvoyant tout ce beau monde à l'anonymat de la ville.
D'autres, les purs et durs de la région, ceux qui envisagent Faqra et Faraya plutôt en madeleines de Proust qu'en cake sans gluten, décideront de rester pour éviter les embouteillages de cette fin de week-end. Mais aussi pour cette mélancolie des jours qui raccourcissent, pour ce sentiment d'être les derniers vivants sur ces cimes désormais abandonnées. Pour ces volets qu'on clôt, pour ce mobilier d'extérieur qu'on ré-engonce dans des housses couleur fantôme. Pour ces étés qu'on voudrait prolonger et qui vieillissent de plus en plus vite.

 

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Oui, bien senti... ça a aussi, "ca pue"!

NAUFAL SORAYA

07 h 16, le 22 août 2015

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Commentaires (1)

  • Oui, bien senti... ça a aussi, "ca pue"!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 16, le 22 août 2015

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