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Liban - #LaRépubliquePoubelle / Crise des déchets

L’annonce des résultats des appels d’offres reportée, tout le monde s’en lave les mains

Le ministre de l'Environnement a annoncé hier, à la surprise générale, que l'ouverture des plis financiers pour la gestion des déchets ne serait effectuée que dans une semaine.

Le ministre Machnouk annonçant le report de l'ouverture des plis financiers en présence des médias et de bon nombre d'entrepreneurs. Photo Ibrahim Tawil

Dehors, les déchets s'empilent, les manifestants se heurtent aux policiers, les régions s'insultent l'une l'autre en raison du déversement nocturne et illicite des ordures dans les contrées éloignées. Mais au siège du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), où se tenait hier la réunion de la commission ministérielle chargée du dossier des déchets ménagers et à l'issue de laquelle devaient être annoncés les résultats des appels d'offres pour la gestion des six régions du plan national, les échos de ces problèmes semblaient parvenir à peine aux oreilles des responsables.

La conférence de presse tant attendue du ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk s'est soldée par une annonce... de report de l'ouverture des plis financiers jusqu'à mardi. Les journalistes avaient d'ailleurs pu constater que les caisses contenant les dossiers financiers des compagnies, totalement fermées, ont été introduites en salle de réunion vers 16h20, et en ont été ressorties, tout aussi hermétiquement fermées, juste après la conférence de presse.

La réunion se déroulait en présence de M. Machnouk, du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, du ministre des Finances Ali Hassan Khalil, du ministre du Développement administratif Nabil de Freige, du secrétaire général du Conseil des ministres Fouad Fleifel, et du président du CDR Nabil el-Jisr.
La raison du report invoquée par M. Machnouk est purement technique. « Il est apparu à la commission qu'il faut plus d'un rapport d'évaluation pour chaque région, a-t-il expliqué. En effet, certaines régions ont été évaluées par un consultant international, d'autres par plus d'un. Il nous faut un travail mieux coordonné afin que chaque région bénéficie de plus d'une évaluation. »
Et d'ajouter : « Nous nous voyons obligés de reporter l'ouverture des plis financiers jusqu'à ce que cette étude soit finalisée, ce qui prendra quelques jours. Le délai a été fixé à mardi prochain. La commission se réunira à nouveau, nous convierons une fois de plus les entrepreneurs. Nous voulons que cette opération soit effectuée avec toute la transparence nécessaire. » Interrogé sur les trois consultants étrangers, il a précisé qu'il s'agissait du bureau danois Rambol et des bureaux allemands Fichtner et Igip. À la question de savoir si l'ouverture finale des plis constituerait une solution au problème des déchets, il a eu cette réponse énigmatique : « Nous répondrons à cette question mardi prochain. »

(Lire aussi : La forêt de Baabda sauvée des ordures)

 

Raisons techniques ou politiques ?
Aussitôt la conférence de presse terminée, les spéculations allaient bon train sur les « réelles » raisons de ce nouveau report. Une personnalité politique de premier plan indique à L'Orient-Le Jour que « ce sont probablement les grands requins qui ont eu recours au report de l'ouverture des plis afin de mieux décider du partage des parts ». Selon cette personnalité, les « ténors » parmi les entrepreneurs seraient déjà en train de débrouiller des terrains au Nord, que ce soit par remblai sur la mer ou dans le Akkar, pour pouvoir répondre à la demande de Beyrouth.
De leur côté, certains grands entrepreneurs interrogés ont avoué, sous le sceau de l'anonymat, être « découragés par l'atmosphère ambiante », démentant toute intervention politique en leur faveur.

Interrogé par L'Orient-Le Jour sur le déroulement de la réunion, Nabil de Freige assure pour sa part que « la raison donnée par M. Machnouk pour le report de l'annonce des résultats des appels d'offres est parfaitement conforme à ce qui s'est déroulé durant la réunion. Si j'avais senti un tant soit peu qu'il y avait anguille sous roche, j'aurais quitté la commission », affirme-t-il. « Le jour où nous avons approuvé le cahier des charges, le 15 janvier dernier, nous avions soulevé la question de l'examen technique des dossiers par des consultants, poursuit-il. J'avais alors proposé Rambol, d'autres ont préféré qu'il y ait deux consultants étrangers plutôt qu'un seul. Cela a été décidé. »
Le ministre confirme donc que certains dossiers ont été évalués par un seul consultant, d'autres par plus d'un consultant. « Dans le contexte politique actuel, on ne pouvait se permettre d'ouvrir la voie à des critiques, dit-il. Nous avons donc décidé d'ajourner l'ouverture des plis financiers quelques jours, nous donnant le temps qu'il faut pour finaliser le tout, d'où le délai de mardi. »
M. De Freige explique que l'ouverture des dossiers financiers après l'évaluation technique est une procédure normale. « Il est nécessaire de s'assurer que les sociétés qui ont présenté des dossiers sont habilitées à entreprendre le travail de collecte, de transport et de traitement des déchets, souligne-t-il. C'est après cela qu'on ouvre les plis financiers. »
Mais le pays croule sous les déchets et les ministres semblent prendre leur temps... « Vous croyez que les ministres ne croulent pas eux aussi sous les déchets ? répond-il. Mais cette procédure prend du temps. Chaque consultant doit étudier le dossier séparément, or les experts travaillent jour et nuit. »


(Lire aussi : « Il faut tout miser sur les municipalités », estime un activiste de Terre-Liban)



Tel n'est pas l'avis de Riad el-Assaad, un des entrepreneurs ayant présenté un dossier pour Beyrouth (South for Construction), qui pense que l'ajournement « est dû à des mésententes politiques. Je pense que certains veulent un deal plutôt qu'une compétition, ajoute-t-il. À mon avis, il aurait fallu laisser l'affaire aux mains de Mohammad Machnouk. Or chaque homme politique qui veut que la compagnie qu'il appuie soit sélectionnée fait pression de son côté. Le report est une des méthodes employées, parce qu'une fois les dossiers financiers ouverts, il sera trop tard. »
L'entrepreneur affirme à L'Orient-Le Jour que « le principal nœud reste Beyrouth, autour de laquelle l'entente politique tarde à se préciser », sans s'étendre davantage sur la signification de ce « nœud ». « Mais pourquoi faudrait-il une entente autour de Beyrouth, pourquoi ne pas laisser le processus technique prendre son cours ? » se demande-t-il.
Riad el-Assaad, qui était présent hier au CDR en marge de la réunion de la commission mais qui a quitté tôt, en signe de mécontentement, dénonce « une mauvaise gestion ». « Pourquoi ont-ils convié les entrepreneurs pour ensuite les garder hors de la réunion ? » lance-t-il. Et, surtout, il soupçonne que certains entrepreneurs privilégiés ont pris part à la réunion de la commission, alors que les autres attendaient dans la salle adjacente.
Nabil de Freige dément tout en bloc. « Ce n'est pas vrai. Il n'y avait pas d'entrepreneurs avec nous durant la réunion, cette information est sans aucun fondement », dit-il. « D'autre part, poursuit-il, je ne permets à personne de dire que nous étions dans une logique de partage des parts et de mésentente politique, le report était de nature purement technique. »

 

(Infos pratiques : Qui contacter pour recycler les déchets triés)

 

Une décharge au Akkar ?
Dans la foulée des informations concernant le report de l'ouverture des plis financiers, la possibilité de la désignation, dans le Akkar, d'un terrain de décharge devant accueillir une partie des déchets de Beyrouth, par l'entremise du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk qui a visité le caza récemment, a été évoquée par une source bien informée. Le nom du député Mouïn Merhebi, farouche opposant à tout projet de décharge dans son caza, a été mêlé à cette affaire.
L'Orient-Le Jour a contacté M. Merhebi, qui a confié avoir tenu récemment une réunion avec 36 personnalités du caza pour dissiper certaines craintes liées à l'établissement de décharges. Il s'est ensuite lancé dans une longue tirade sur le développement qu'on refuse au Akkar, sur les revendications concernant l'adoption de deux décrets pour la construction d'une branche de l'Université libanaise dans le caza, ainsi que sur la construction d'une autoroute qui le parcourt de bout en bout.
Cela signifie-t-il que le Akkar pourrait accepter l'établissement d'une décharge si on répond favorablement à ses demandes de développement ?
« Pas du tout, nous refusons absolument le principe de l'échange, dit-il. Mais si nos droits sont respectés, alors nous pourrions discuter de nos devoirs et faire notre part, dans le cadre du devoir national. Il n'y a toutefois pas un projet immédiat de décharge, et tout projet de ce type devrait être accompagné des études nécessaires. »

 

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commentaires (8)

Vous vous plaignez de vos députés ou ministres. N'êtes-vous ceux qui les ont soutenus lors des élections ? C'est à vous que je m'adresse Société libanaise. Vous êtes responsables de votre merde. Nous vous avions dits de ne pas aller voter mais il suffit juste d'un pot-de-vin et le tour est joué ! Aux prochaines élections, je vous engage dans la vraie bataille, la vraie transparence, la vraie élection.

Attie Maha

13 h 30, le 25 août 2015

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Commentaires (8)

  • Vous vous plaignez de vos députés ou ministres. N'êtes-vous ceux qui les ont soutenus lors des élections ? C'est à vous que je m'adresse Société libanaise. Vous êtes responsables de votre merde. Nous vous avions dits de ne pas aller voter mais il suffit juste d'un pot-de-vin et le tour est joué ! Aux prochaines élections, je vous engage dans la vraie bataille, la vraie transparence, la vraie élection.

    Attie Maha

    13 h 30, le 25 août 2015

  • C'est c'la, tout le monde s'en lave les mains, et chacun dans l'eau sale de son "Ponce Pilate" respectif.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 33, le 20 août 2015

  • Remarquons la formule "avec toute la transparence nécessaire". Depuis quand la transparence existe chez ceux qui nous ont gouvernés depuis 1943 ? Depuis le sultan Salim (el-Khoury) jusqu'à nos sultans actuels qui exercent dans la transparence la plus opaque. Vous les connaissez, non ?

    Un Libanais

    14 h 29, le 20 août 2015

  • ET CHACUN ¨POUSSE... ET ¨POUSSE... ET POUSSE... EN FAVEUR D'UN OFFRANT !!! SINON CE N'EST PLUS DU LIBANAIS.... 3ABBI IL JAYBÉ... YABA... MÊME DANS LA POURRITURE... LES POURRIS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 48, le 20 août 2015

  • SILENCE....LE MINISTRE TRAVAILLE SURTOUT NOS DÉPUTÉS QUI REPRÉSENTENT LE PEUPLE DORMANT. CES DÉPUTÉS COURENT À GAUCHE ET À DROITE, ILS DORMENT PLUS. ILS SONT MOTIVÉS. ILS NOUS REPRÉSENTENT PARTOUT.

    Gebran Eid

    13 h 42, le 20 août 2015

  • ..."or les "experts"...???...travaillent jour et nuit..." Monsieur Nabil de Freige, jusqu'à cette affirmation ridicule, j'avais du respect et même parfois de l'admiration pour vous ! Si ces "experts" travaillent effectivement jour et nuit...comment justifier un nouveau report de la réunion jusqu'à mardi prochain ? Cela signifie encore 6 jours de montagnes de déchets qui s'accumulent partout sous notre soleil écrasant du mois d'août ! Mais vous TOUS: IRRESPONSABLES-INCAPABLES, bien à l'abri de vous bureaux et demeures munis de tous les conforts imaginables, vous n'en avez manifestement "rien à foutre"...!!! Et dire que beaucoup s'adressent encore à vous tous en vous disant:"Votre Excellence"... Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 11, le 20 août 2015

  • Partage des parts ?????????????on a envie de vomir...une honte !!!!!!!!!!!

    Soeur Yvette

    09 h 49, le 20 août 2015

  • La magouille pue ...autant que les ordures sur les trottoirs...

    M.V.

    07 h 45, le 20 août 2015

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