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Liban - Rapt an I

Militaires otages : l’infini ras-le-bol des familles

Les parents des militaires enlevés à Ersal menacent de recourir à l'escalade, si les responsables politiques ne réactivent pas le dossier.

Grands et petits ont allumé des bougies à l’intention des militaires otages. Photo Sami Ayad

Statu quo. C'est ainsi que les familles des militaires enlevés le 2 août dernier à Ersal par des jihadistes du groupe État islamique (EI) et du Front al-Nosra résument une année d'attente, marquée par l'espérance, la colère et la déception... Aucun progrès dans le dossier de leurs proches n'ayant été perçu à ce jour.

À l'occasion du premier anniversaire de l'enlèvement des militaires, les familles ne cachent pas leur irritation. Elles en veulent à toute la classe politique qui « a relégué ce dossier au deuxième plan de ses priorités », mais surtout au peuple, « qui ne sait manifester sa solidarité avec l'armée que sur Facebook et les réseaux sociaux », comme l'affirme à L'Orient-Le Jour Marie Khoury, sœur du soldat Georges Khoury, otage du Front al-Nosra.
Lors des combats sanglants qui ont opposé, en août 2014, près d'une semaine durant l'armée aux jihadistes du Front al-Nosra et du groupe EI, plus d'une trentaine de soldats et de policiers ont été pris en otages. Quelques semaines plus tard, quatre soldats et un policier ont été relâchés. Du jour de leur enlèvement et jusqu'au 5 décembre 2014, quatre militaires et un policier ont été soit décapités, soit tués par balle. À ce jour, vingt-cinq militaires (treize policiers et douze soldats) sont toujours retenus par les jihadistes. Seize d'entre eux sont aux mains d'al-Nosra et neuf aux mains de l'EI.

 

(Dossier : Qui sont les militaires libanais otages des jihadistes?)


« Si notre cause n'est pas soutenue par le peuple, si elle va rester la seule cause des familles, je ne vois pas de solution, poursuit Marie Khoury. Cela fait un an que nous nous battons seuls. Les gens ne savent faire preuve d'allégeance à l'institution militaire que par des phrases qu'ils postent sur les réseaux sociaux. Comment traduisent-ils cette allégeance ? En recevant le cercueil des victimes qu'ils aspergent de riz ? Faire preuve d'allégeance ne signifierait pas plutôt se mobiliser pour modifier une équation ? Samedi, nous avons organisé une cérémonie place Riad el-Solh (lieu du sit-in qu'observent les familles des militaires) pour marquer le premier anniversaire de leur enlèvement. On était à peine 120 personnes ! »
Marie Khoury, qui rappelle que plusieurs médiateurs ont été chargés du dossier, mais que celui-ci « n'a pas avancé d'un iota. Au contraire, toutes ces initiatives ont été soldées par des échecs, déplore-t-elle. Il n'y a aucune lueur d'espoir, bien que le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, insiste à déclarer le contraire, affirmant que les négociations sont sur le bon chemin, que le dossier est presque clos et qu'il ne reste plus qu'à exécuter les termes de l'accord conclu. En réalité, il n'y a rien de tout cela ».

Flou total
Marie Khoury ne mâche pas ses mots, ni ne cache sa colère. « Cela fait un an que nous tapons à toutes les portes, mais en vain, s'insurge-t-elle. Ils ne daignent pas nous parler, parce qu'ils appartiennent à la classe supérieure de la nation, alors que nous appartenons à la classe pauvre. Et lorsque cette classe est lésée, personne ne descend dans la rue pour la soutenir ou la défendre. Les responsables refusent de partager avec nous les informations qu'ils détiennent sur nos proches. Ils estiment que le fait de maintenir le secret sert mieux la cause. C'est absurde. »
Et Marie Khoury d'ajouter : « Le gouvernement ne se soucie pas de nos proches. Entre notre dossier et celui des déchets, il accorde une priorité aux déchets, parce que la population est descendue dans la rue. Cela fait deux mois que le dossier n'a pas été mis à l'ordre du jour du Conseil des ministres ! Je n'ai pas peur qu'ils prennent mal mes propos. Mon frère est plus cher que tout. Je ne veux plus rien du Liban. Que mon frère rentre sain et sauf, et on verra ! »


(Pour mémoire : Kahwagi : Les militaires otages resteront le souci majeur de l'armée jusqu'à leur libération)


Wadha Hassan est, quant à elle, dans l'incertitude totale sur le sort de son mari, Khaled Mokbel Hassan, soldat otage de l'EI. « Contrairement aux familles des militaires otages du Front al-Nosra, nous sommes dans l'ignorance la plus totale du sort de nos proches, confie-t-elle. Cela fait huit mois que nous n'avons pas de leurs nouvelles. Certains nous disent qu'ils ont été tués depuis sept mois déjà, d'autres nous disent qu'ils sont dans le jurd de Ersal. Nous sommes dans le flou total. Les négociations concernant le dossier n'ont même pas été entamées avec l'EI. Les ravisseurs de nos proches réclament la libération des islamistes de Roumieh. Que le gouvernement le fasse, puisque de toute façon ils sont en train de diriger le pays depuis leurs cellules. Mais nos responsables ne sont pas concernés par notre dossier. S'ils l'étaient vraiment, ils auraient pu trouver un moyen de les libérer au bout d'une semaine. »

Nizam Mghayt, frère du soldat Ibrahim Samir Mghayt otage de l'EI, affirme pour sa part que les familles « ne resteront pas les bras croisés ». « Si aucun progrès n'est perçu au cours des prochains jours, nous allons recourir à l'escalade, annonce-t-il. Nous allons mobiliser les gens et exercerons une pression sur les responsables pour accélérer le dossier. S'ils ne coopèrent pas, notre action s'étendra aux régions touristiques. »

 

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