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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Le malheur des Grecs fait le bonheur des eurosceptiques

Récupéré sur toute la scène politique européenne par des partis d'extrême droite comme d'extrême gauche, le « non » grec aux propositions des créanciers d'Athènes a mis en évidence les faiblesses du système européen, tout en donnant du crédit à ses détracteurs. Tentant de tirer profit du référendum grec du 5 juillet en s'imposant comme des alternatives crédibles sur leurs scènes politiques nationales respectives, les différents partis eurosceptiques optent pour des stratégies radicalement opposées. De Podemos en Espagne à l'Ukip en Grande-Bretagne, en passant par le Front national et le Front de gauche en France, tous se positionnent du côté du « peuple grec » et ne cessent de critiquer les institutions européennes. Mais alors que les partis d'extrême gauche lient plus ou moins leur avenir à celui de Syriza et demandent une réforme de l'Europe, les partis d'extrême droite, eux, profitent de la jurisprudence grecque pour réclamer non seulement une sortie de l'Europe, mais le dynamitage parfois pur et simple du concept même d'union.
Une Europe solidaire et réformée contre une Europe protectionniste et nationaliste : voilà le débat actuel entre les deux extrêmes de l'échiquier politique du Vieux Continent. Deux stratégies frontalement opposées, deux courses effrénées à la récupération politique d'une tragédie.

À Madrid, des militants du mouvement Podemos collent une affiche à côté du drapeau grec sur laquelle on peut lire, en espagnol, « unis contre l’austérité ». Gérard Julien/AFP

ESPAGNE


Pourquoi Podemos commence déjà à s'éloigner de Syriza

 

Au lendemain de la victoire du « non » lancé par le peuple grec aux divers plans de sauvetage mis en avant par les créanciers de la Grèce, c'est vers Madrid, où le mouvement Podemos a remporté d'une façon retentissante les élections locales il y a quelques semaines, avec notamment les mairies de Madrid et Barcelone, que tous les yeux se sont tournés en premier.
D'abord parce que le jeune parti de gauche espagnol, estampillé « populiste » et « radical » par les médias européens, a fait de Syriza son modèle idéologique. Ensuite, parce que le mouvement, présidé par le très charismatique Pablo Iglesias, s'est tenu, au départ, de lier son sort à celui de son confère grec, et ce depuis sa naissance, il y a moins d'un an. En novembre 2014, lors d'une conférence organisée par Podemos autour de son programme politique, Pablo Iglesias, cofondateur du parti, a invité Alexis Tsipras, Premier ministre et président de Syriza, à le rejoindre sur le podium, soulignant l'importance d'une union des partis de gauche en Europe contre la politique d'austérité en marche depuis la fin de la crise financière de 2008. Et fin janvier, suite à la victoire historique de Syriza aux élections législatives grecques, Podemos avait organisé un rallye de célébration à Valence, auquel ont participé plus de 10 000 sympathisants.
Suivre les réactions de Pablo Iglesias et de son électorat comme le lait sur le feu n'a donc rien de très surprenant, à quelques mois des élections législatives espagnoles qui risqueraient, d'après certains sondages locaux, de faire basculer le gouvernement conservateur du Premier ministre et chef du Parti populaire (PP) Mariano Rajoy. Mais si l'ex-professeur d'université en sciences politiques, âgé de 36 ans, s'était empressé de montrer sa jubilation sur Twitter en accentuant sur « la victoire de la démocratie en Grèce », il a fini par se distancer des résultats du référendum grec, probablement pour éviter de payer le prix d'une désillusion qui pourrait s'installer progressivement auprès des partisans de Podemos.
« Les Espagnols sont assez divisés. Je pense qu'ils craignent la catastrophe financière. Si la Grèce s'enfonce dans une crise encore plus grave, ils prendront peur et voteront moins pour des partis antisystèmes », explique Barbara Loyer, directrice de l'Institut français de géopolitique (IFG) et auteure de plusieurs essais qui scrutent à la loupe les différentes facettes de la politique espagnole.

 

« Bons contre méchants »
Il n'en reste pas moins qu'il serait fort imprudent de réduire la nouvelle stratégie de Podemos à une simpliste application du slogan « La Grèce n'a rien à voir avec l'Espagne ». Surtout qu'en ce moment, le parti espagnol tient particulièrement à se détacher du cas grec. En plus de capitaliser sur ses acquis municipaux lors des élections du 24 mai, qui avaient vu la droite espagnole marquer le pire score de son histoire, Podemos semble avoir mis entre parenthèses sa diabolisation systématique des politiques européennes d'austérité : le parti privilégie visiblement les discours moins ciblés, mais tout aussi « antisystèmes » et tout aussi populistes.
« Pablo Iglesias, Inigo Errejon et Juan Carlos Monedero (cofondateurs de Podemos) sont des démagogues. Ils décrivent les difficultés des gens et désignent un fautif global. Ils opposent le système à la démocratie. Ils ne pensent pas que la démocratie est un système qui permet de gérer les rivalités d'intérêt, mais une sorte d'utopie de prise de pouvoir par les bons contre les méchants », insiste Mme Loyer.
Si une éventuelle victoire de Podemos aux élections législatives, en décembre, résulterait d'un effet boule de neige catalysé par Syriza et le peuple grec, tout reste incertain. Parce que Podemos va être jugé sur pièces dans sa gestion des deux plus grandes villes espagnoles. Parce que les rivalités internes commencent à prendre forme, notamment à cause des divergences sur l'orientation que devrait suivre le parti. Parce que les développements de la crise grecque pourraient, eux aussi, jouer sur l'opinion publique espagnole. Enfin, et surtout, parce que la situation économique en Espagne reste particulièrement fragile, ouverte à tous les vents.

 

(Lire aussi : L’Espagne n’est pas la Grèce, mantra de Madrid)

 

 

GRANDE-BRETAGNE


Un Brexit ? Tout dépend de... la Grèce

 



L'avenir du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne reste incertain. Emmanuel Dunand/AFP


Nigel Farage, chef tapageur du parti europhobe britannique Ukip, n'a pas attendu longtemps avant de faire entendre son avis sur la victoire de l'« oxi » en Grèce et sur ses conséquences.
« L'Union européenne se meurt devant nos yeux », a-t-il affirmé dans une tribune publiée par le journal conservateur britannique The Telegraph au lendemain de la victoire du non au référendum grec du 5 juillet sur les propositions des créanciers d'Athènes. « Le fait qu'une écrasante majorité de jeunes Grecs ait rejeté le diktat bruxellois est d'une énorme importance », a-t-il ajouté.
Il n'en fallait pas plus pour que certains observateurs établissent un parallèle entre les revendications d'Ukip, fleuron de l'extrême-droite européenne, et celles des partis d'extrême-gauche, comme le grec Syriza et l'espagnol Podemos.
Pourtant, il existe une énorme divergence en termes d'intérêts politiques entre Pablo Iglesias, leader de Podemos, et Nigel Farage. Si l'Espagnol espère voir le Premier ministre grec Alexis Tsipras obtenir satisfaction et la Grèce rester au cœur de l'Europe, le Britannique, lui, aimerait voir l'Union européenne (UE) se déchirer. Et son pays en sortir. Pour cela, Ukip, qui a remporté le plus de sièges aux élections européennes de 2014 au Royaume-Uni, table aujourd'hui sur une défaillance majeure des institutions européennes.
Charles Pattie, professeur de géographie à l'Université de Sheffield et spécialiste des partis politiques britanniques, estime qu'« en l'absence de majorité gouvernementale et d'élections à venir, l'Ukip n'a pour le moment aucun poids politique significatif au Royaume-Uni. Mais son influence sur l'opinion publique reste toutefois fort considérable ». Selon lui, « l'instrumentalisation de la situation grecque par l'Ukip a pour but, aujourd'hui, de convaincre les gens de voter pour un éventuel Brexit ».

 

À certaines conditions
Résumé par un mot-valise formé à partir de « British » et de « exit », le scénario de sortie du Royaume-Uni de l'UE (Brexit) se présentera aux Anglais sous forme d'un référendum d'ici à fin 2017. Initié par le Premier ministre britannique David Cameron et approuvé le 27 mai par le Parlement, ce référendum revient souvent à la une des médias britanniques depuis que le peuple grec s'est mobilisé pour dire « non » à ses créanciers.
En attendant, David Cameron soutiendra la position des europhiles de la classe politique britannique, mais sous certaines conditions : il sera d'accord pour que le Royaume-Uni reste membre de l'UE, mais dans le cadre d'une union reformée. Il exigera que Bruxelles se mêle moins des affaires de son pays, cherchera à rapatrier certains pouvoirs au nom de la souveraineté du Parlement britannique et durcir les conditions d'accès aux aides sociales pour les migrants de l'UE.
Ces exigences vis-à-vis de Bruxelles viennent surtout du fait que M. Cameron compte dans ses rangs de nombreux sympathisants du Brexit. La proposition de loi pour la tenue d'un référendum d'ici à fin 2017 a d'ailleurs été déposée en catastrophe par le Premier ministre lui-même, après qu'une centaine de députés eurosceptiques de son parti l'ont menacé d'une scission.
Mais si les Britanniques restent majoritairement réfractaires à l'idée d'un Brexit, M. Pattie estime que « tout dépendra de comment se redressera l'Europe sur le plan économique et de comment elle gérera la situation grecque. Si les Anglais perçoivent que la crise grecque a été contenue par les institutions européennes, ils voteront sûrement pour le maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Mais une détérioration de la crise grecque contribuera de façon considérable à une montée de l'euroscepticisme dans le pays ».
Les enjeux de la crise grecque sont donc primordiaux pour la carrière politique de David Cameron. Un Brexit affaiblira le Premier ministre aux yeux non seulement de son propre parti, mais de l'opinion publique en général, et renforcera les politiques conservatrices eurosceptiques, au risque de normaliser l'Ukip et son leader Nigel Farage auprès des électeurs britanniques.

 

(Lire aussi : Les Grecs du Liban dénoncent l'acharnement européen, mais invitent aux réformes)



FRANCE

Le Pen et Mélenchon récupèrent plus vite que leur ombre

 



À droite, Marine Le Pen ; à gauche, Jean-Luc Melenchon. Valery Hache/Pierre Verdy/AFP

 

Jusqu'à tout récemment, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen s'opposaient sur tous les sujets qui préoccupent les électeurs français, souvent lors de face-à-face télévisés devenus désormais légendaires. Pourtant, le leader du Parti de gauche et la présidente du Front national surfent aujourd'hui sur la même vague de récupération politique de la situation grecque.
À l'annonce du non massif des Grecs aux propositions des créanciers d'Athènes lors du référendum du 5 juillet dernier, « le Parti de gauche (...) s'est comporté comme si c'était lui qui avait gagné le référendum », estime Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS et spécialiste en politiques européennes comparées, alors que Marine Le Pen, elle, s'est empressée de déclarer qu'il s'agissait d'« une victoire du peuple contre l'oligarchie de l'UE », quelques minutes après la fin du comptage des voix.
Après les manifestations de soutien au peuple grec place de la République, les deux partis ont multiplié les déclarations incendiaires : alors que Marine Le Pen comparait ce lundi, lors d'une conférence de presse, l'euro à une « monnaie religieuse, sacrificielle, vaudoue » qui « ne fonctionne pas », le leader du Front de gauche, lui, a dénoncé un « accord arraché le pistolet à la tempe » et a appelé les députés français à voter contre « l'accord MerkHollande sur la Grèce ».


Mais si, dans la forme, le Front de gauche et le Front national pointent du doigt un fautif commun en ce qui concerne la situation grecque, ils proposent des solutions différentes. La présidente du FN considère que la Grèce devrait sortir de l'euro et revenir à sa monnaie nationale, tandis que M. Mélenchon estime que le moyen le plus efficace de mettre fin à la crise en Grèce serait d'annuler la dette publique du pays.
À la question de savoir à qui ces récupérations politiques profitent le plus, Karim Bitar, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), répond : « Il y a une vraie convergence de vues entre Syriza, Podemos et le Front de gauche. Mais les conditions politiques ne sont pas réunies pour une percée de Mélenchon en France. (...) C'est aujourd'hui l'extrême droite, au programme radicalement différent de celui de Syriza, qui profite du mécontentement populaire. »

 

 

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ESPAGNE
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commentaires (3)

Le malheur des Grecs fait le bonheur.... surtout des Turcs !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 09, le 18 juillet 2015

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Commentaires (3)

  • Le malheur des Grecs fait le bonheur.... surtout des Turcs !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 09, le 18 juillet 2015

  • COMME LE CALVAIRE DU CHRIST... AUX ANTI CHRIST !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 53, le 18 juillet 2015

  • le malheur des grecques , fait plutôt le bonheur des marxo-septiques....! car c'est un événement historique ...! les allemands ont bien rappeler à toute l'Europe ,que le mur de Berlin fut bien abattu il y a 26 ans ....! par de vrais démocrates ....et tempi pour l'ardoise que devront régler les nostalgiques...

    M.V.

    06 h 13, le 17 juillet 2015

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