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Campus

Jeunes diplômés à la croisée des chemins

Instabilité politique, économie en berne et problèmes sociaux, voilà un cadre bien morose pour se lancer dans la vie. Pourtant, ce mois-ci a vu défiler des centaines de nouveaux diplômés en toges noires et sourire radieux. Campus a été à la rencontre de ces jeunes afin d'explorer avec eux leurs perspectives d'avenir.

Marwan Charara.

Une douzaine d'étudiants de différentes filières et de diverses universités nous ont fait part de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs appréhensions. Ces jeunes essaient de percer, de changer le monde et de se réaliser. À chacun sa recette, ou son talisman. Leurs combats se ressemblent, mais ne sont pas identiques. Fiers de leurs parcours, de leurs diplômes, ils revendiquent une place au soleil, dans un pays sans président depuis plus d'un an, avec près de deux millions de refugiés en proie à un taux de chômage de 22 %.

Instabilité politique et sécuritaire
Priorité de tous les jeunes : la stabilité politique et sécuritaire vient en tête de liste. Prêts à affronter tous les défis, ils refusent de revivre les affres de la guerre. Pour Bilal, 21 ans, fraîchement diplômé en économie et sciences politiques de l'AUB, « l'important est de pouvoir circuler en toute sécurité ; au moindre dérapage sécuritaire, je suis prêt à tout quitter ».
Évitant les projets à long terme, ils ne vivent que dans l'instant présent. Pour Toni, jeune diplômé en pharmacie de l'USJ, l'insécurité est dans l'air. « Je ne sais pas de quoi demain sera fait et je ne suis pas prêt à investir dans une officine tant que la situation n'est pas stable. »
Malgré un net attachement à la patrie et à la famille, la situation politique est souvent une source d'angoisse. Rola, jeune diplômée en communication de l'UL, trouve la situation intenable. « C'est une honte de vivre dans un pays sans président et où tous les partis politiques se déchirent. »
Bien que la plupart des jeunes ressentent du dégoût et une indifférence totale envers la vie politique, ils dénoncent tous les responsables sans exception. « Les politiciens ne servent que leurs propres intérêts et sont indifférents au sort des citoyens », affirme Nour, 20 ans, diplômée en droit de la filière francophone de l'UL.

Ici, ailleurs ou dans l'entreprise familiale
Le principal défi de ces jeunes audacieux et motivés reste de décrocher un premier emploi au plus vite. Farah, 23 ans, diplômée en pharmacie de l'USJ, considère que le marché est saturé. « Les pharmacies sont à chaque coin de rue, donc je préfère chercher un poste de marketing dans une société pharmaceutique. »
Dans un pays au taux de chômage galopant, plusieurs envisagent déjà de tenter leur chance sous des cieux plus cléments, quitte à revenir lorsque la situation s'améliorera. Marwan, 22 ans, diplômé en génie chimique de l'AUB, estime que son domaine est presque inexistant au Liban. « Le domaine pétrolier est ici très réduit, si je décide de rester je dois opter pour un autre secteur. Et dans les pays arabes, les Libanais sont généralement mal vus, donc c'est compliqué d'obtenir un visa », confie-t-il.
D'autres préfèrent suivre les traces des parents, estimant que c'est le chemin le plus sûr. Gabriel, 22 ans, diplômé en médecine dentaire de l'USJ, compte suivre le parcours paternel. « J'ai la chance d'avoir un père dentiste, donc mon cabinet est fin prêt, je n'ai qu'à prendre la relève. Je crois que c'est un énorme investissement pour un jeune dentiste de s'installer à son compte de nos jours. » Pour Samer, 25 ans, diplômé en médecine générale de l'USJ, le problème ne se pose pas : « J'ai encore cinq années de spécialité, donc l'insertion professionnelle n'est pas pour demain. »

Positifs et actifs, malgré la situation
Marché saturé et salaires dérisoires, ces jeunes ne baissent pourtant pas les bras, plusieurs jonglent entre deux spécialités et n'ont aucun problème à travailler dans un domaine différent du leur. Bilal joue de la musique le soir et monte avec quelques amis sa propre start-up. Rola pense que si l'opportunité se présente, elle n'hésitera pas à quitter le Liban pour se spécialiser ou pour travailler : « J'occupe actuellement un poste dans un secteur étranger à la communication, mais je préfère m'investir dans mon domaine. »
Aline, 23 ans, diplômée en communication de l'UL, voudrait préparer une thèse à Paris : « Cela devient une nécessité d'avoir un diplôme de troisième cycle pour être compétitif. » Charbel, 25 ans, diplômé en médecine générale de l'Usek, voudrait se spécialiser aux États-Unis : « J'espère pouvoir m'y installer aussi pour travailler car les opportunités y sont infinies. » Tous sans exception dénoncent le rôle controversé du piston, qui favoriserait les incompétents.

Une baguette magique pour changer le monde
Tous, malgré tout, se considèrent investis d'une mission de changement. Tony aimerait commencer par son village de Saydoun, au Sud : « Je voudrais pouvoir ouvrir un jour mon officine au village, aider à le reconstruire et à y installer un hôpital. » Nour, elle, veut rétablir une égalité sociale à travers un travail de bénévolat. Marwan milite pour les droits des femmes et des personnes ayant des handicaps : « 60 % des bâtiments au Liban ne sont pas accessibles aux handicapés. »
Finalement, tous aimeraient rester ou revenir au Liban un jour. Pour Bilal : « Posséder une Bentley en Europe n'aura jamais le même goût que de l'avoir au Liban, entre les siens. »


Et du côté de l'université...
Trois questions à Fouad Maroun, secrétaire général de l'USJ

Que pensez-vous des inquiétudes des jeunes diplômés ?
Ces inquiétudes sont normales au début de la vie active, nous sommes tous passés par là. Mais nos étudiants sont très bien préparés de par leurs formations et un travail de longue haleine qu'on entreprend avec eux à travers des ateliers de préparation où on les épaule dans leurs choix concernant les débouchés, la rédaction de CV et de lettres de motivation. Et, finalement, à travers les différents clubs – club de musique, club de théâtre, club laïc, club des anciens de Jamhour, etc. – où ils font l'apprentissage de la vie.

Face au malaise social que ressentent aujourd'hui les jeunes, que faites-vous pour y remédier ?
Nous les initions aux valeurs de la citoyenneté, de la démocratie et du leadership. Plusieurs projets vont dans ce sens : le Parlement des étudiants qui a examiné différents projets de lois, tel un nouveau code de la route, le mariage civil... Nous les initions également aux techniques du débat démocratique afin de les éveiller à l'écoute de l'autre, aux valeurs de tolérance et d'ouverture.

Que pouvez-vous dire du rôle que joue l'État pour faciliter l'intégration professionnelle des jeunes ?
Le gouvernement est absent à ce niveau-là. Il ne fait rien de particulier concernant les jeunes. Il y a bien l'Office national de l'emploi qui épaule les personnes à la recherche de travail, mais c'est une structure générale qui n'est pas dédiée aux jeunes.

Une douzaine d'étudiants de différentes filières et de diverses universités nous ont fait part de leurs rêves, de leurs espoirs et de leurs appréhensions. Ces jeunes essaient de percer, de changer le monde et de se réaliser. À chacun sa recette, ou son talisman. Leurs combats se ressemblent, mais ne sont pas identiques. Fiers de leurs parcours, de leurs diplômes, ils revendiquent une...

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