Rechercher
Rechercher

Économie - Splendeurs et misères économiques

L’économie expliquée aux chefs d’État

Né à Beyrouth, Michel Santi est un macroéconomiste franco-suisse qui conseille des banques centrales et des fonds souverains. Il est notamment l’auteur de « L’Europe, chroniques d’un fiasco économique et politique » et de « Misère et opulence ».

L'austérité est souvent présentée comme un passage obligé du redressement de nos économies. Nos gouvernements seraient censés réduire leurs dépenses et leurs emprunts afin de restaurer la confiance, évitant au passage d'hypothéquer la richesse des générations futures, pour reprendre une formule convenue et galvaudée. Nos responsables politiques laissent certes trop facilement filer les dépenses publiques, principalement pour des motifs démagogiques, alors que le gaspillage des ressources devrait au contraire être maîtrisé. Toutefois, cette discipline et cette rigueur ne rompront pas la spirale récessionniste qui menace de nombreux pays.
S'il est incontestable que l'amélioration de ma condition financière est nécessairement dépendante de l'augmentation de mes revenus ou de la diminution de mes dépenses, les problèmes auxquels je suis personnellement confronté ne sont en rien similaires à ceux que la société doit gérer. Pour cette dernière, la demande agrégée égale très précisément la dépense agrégée. Par conséquent, toute réduction de mes dépenses ayant pour objectif d'assainir ma condition financière aura finalement un impact négatif sur le revenu global de la société.
Si, par ailleurs, je souhaite augmenter mes dépenses sans creuser mes emprunts, je devrai donc fatalement faire appel à mon épargne. Cette logique est inexorable : si la consommation de la société doit progresser sans aggraver son endettement, l'épargne devra être sollicitée. Certes, l'économie postcrise devra obligatoirement être refondée sur des valeurs saines comme l'épargne. En attendant, cette épargne entrave la résolution de notre problème immédiat en freinant l'augmentation de la demande agrégée et de l'investissement au sein de nos économies.
Keynes avait identifié ce paradoxe de la frugalité qui enseigne que la promotion de l'épargne par temps de crise ne fait qu'accentuer la récession. Les défis de la société ne sont donc pas équivalents aux miens, tout comme les mesures de consolidation de nos économies à long terme ne sont pas similaires aux actions qu'il convient d'entreprendre aujourd'hui afin que cette récession ne se transforme en dépression. Certaines décisions susceptibles d'améliorer nos conditions sur le long terme ne font même que la détériorer aujourd'hui. Si le réflexe consistant à épargner et à se désendetter en présence de tourmentes économiques et financières semble compréhensible, cette recette conduit néanmoins à la ruine dès lors que ces comportements se généralisent à l'ensemble des acteurs de l'économie. En provoquant l'anémie de l'investissement et de la consommation – et par voie de conséquence de l'activité –, la rigueur par temps de crise contracte les revenus disponibles et appauvrit la société dans son ensemble. Bref, s'il est vrai que nous sommes ruinés, il serait d'autant plus urgent d'accroître nos dépenses !
En définitive, la gestion des cordons de la bourse de l'État en « bon père de famille », systématiquement invoquée par les responsables politiques, n'est donc qu'une métaphore simplificatrice ayant de la peine à masquer leur incompétence en matière économique. En effet, lorsque la demande agrégée se contracte et que l'investissement ralentit dangereusement, la dépression est immanquablement au rendez-vous si l'État n'intervient pas pour restaurer la confiance.

L'austérité est souvent présentée comme un passage obligé du redressement de nos économies. Nos gouvernements seraient censés réduire leurs dépenses et leurs emprunts afin de restaurer la confiance, évitant au passage d'hypothéquer la richesse des générations futures, pour reprendre une formule convenue et galvaudée. Nos responsables politiques laissent certes trop facilement filer...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut