Il est parfois des similitudes troublantes à des décennies d'intervalle. Dans les années soixante et soixante-dix du siècle dernier, les Libanais se déchiraient littéralement autour du statut et de l'action de ce que l'on nommait alors, non sans un certain culot, la « résistance palestinienne » au Liban-Sud.
A-t-on jamais vu une organisation étrangère opérer en tant que résistance à partir du territoire d'un État souverain, plongeant de ce fait le pays dans un cercle vicieux d'attaques et de représailles destructrices ? Il faut dire qu'en ce temps-là, pour une bonne moitié des Libanais, cette situation n'avait rien d'anormal. On sait où cela allait mener...
Ce qu'on retiendra, pour la leçon d'histoire, ce sont les campagnes de dénigrement menées tambour battant à l'époque contre l'État et l'armée libanaise, que l'on accusait au mieux d'inaction ou de laxisme et au pire de chercher à pactiser avec l'ennemi. Près d'un demi-siècle plus tard, on s'apprête à resservir le même plat, cette fois-ci dans l'est du Liban.
Les campagnes de jadis avaient fini par créer un contexte tel que les diverses organisations palestiniennes armées prirent l'habitude d'agir dans la plus grande impunité, alors même qu'elles ne mettaient en œuvre que les stratégies contradictoires de régimes arabes rivaux, et jamais une politique réfléchie et démocratiquement agréée en vue de libérer la terre.
Plus tard, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les joueurs ne seront plus les mêmes. Mais la règle du jeu ne changera guère. L'Égypte, l'Irak, la Libye sortiront par la fenêtre ; l'Iran entrera par la grande porte, aidé par son complice omniprésent, Hafez el-Assad. La résistance se « libanisera », certes, en ce sens que ses exécutants seront désormais des individus détenant la nationalité libanaise, mais on continuera plus que jamais à mettre en œuvre la tactique de dénigrement de l'État et de sa troupe... afin de justifier l'idée même de résistance hors du cadre étatique.
Ainsi, jusqu'en 2000, l'armée libanaise sera constamment interdite de séjour au Liban-Sud et chacun des joueurs (essentiellement Israël, la Syrie et le Hezbollah) lui signifiera tour à tour cette interdiction à de multiples occasions. Entre 2000 et 2006, la troupe sera autorisée à y opérer un déploiement symbolique, mais ce n'est qu'après la guerre de juillet que cette région trop longtemps mise à l'écart entrera de nouveau dans le giron de l'État. Depuis, le Liban-Sud est l'un des secteurs les plus calmes du pays, en dépit des péroraisons martiales saisonnières des uns et des autres.
Il y a une semaine, le secrétaire général du Hezbollah a donné le « la » pour ce qui est de la situation à la frontière orientale. Son désormais protégé, Bachar el-Assad, est aux abois à Damas. Il convient de l'aider coûte que coûte, faute de quoi il pourrait en venir à perdre sa capitale. Cela passe nécessairement par une stratégie transfrontalière qui n'a que faire des considérations souverainistes. Mais il y a un écueil : l'armée libanaise. Celle-ci a beau être tendue comme un arc, et avec elle l'ensemble du peuple libanais, face au terrorisme jihadiste, Hassan Nasrallah sait qu'elle ne deviendra pas un outil de l'axe irano-syrien. Et pour commencer, elle ne fera pas fi des frontières.
En annonçant la levée de régiments populaires – cette « Brigade de la citadelle » dont il est fortement question ces jours-ci pour seconder ou remplacer l'armée dans les hauteurs de Ersal –, le secrétaire général du Hezbollah aura donc entamé le travail de dénigrement décrit plus haut.
Puis viendront les comparses faire écho à la voix du maître...
Élie FAYAD
A-t-on jamais vu une organisation étrangère opérer en tant que résistance...
commentaires (8)
Tout le monde a droit à une Seconde chance, d'ailleurs ceux qui trouvaient normal la présence des palestiniens au LIBAN, se sont la meme qui ont finalement compris de mettre en avant le LIBAN D'ABORD !!! Et ceux qui font semblant de les combattre morderont la poussière !!
Bery tus
17 h 57, le 02 juin 2015