La nouvelle est tombée comme un couperet pour les 320 employés d'Alarab. Bahreïn a ordonné le 9 février la fermeture de la chaîne, en affirmant qu'elle n'avait « pas obtenu les autorisations nécessaires ». La télévision, lancée le 1er février à Manama, aura diffusé des programmes pendant moins de 24 heures avant de devoir les interrompre.
« Nous ne savons pas ce qui nous attend. L'administration de la chaîne n'a pas encore pris de décision concernant les employés ni nos salaires », affirme à L'Orient-Le Jour Rami*, libanais de 28 ans, du département technique. « Nous ne savons pas si la chaîne obtiendra à nouveau l'autorisation d'émettre ou si nous serons obligés de déménager dans un autre pays. Ces deux options ont été évoquées par l'administration. Nous ne savons pas non plus si nous serons licenciés et si nous devrons rentrer au Liban », souligne le jeune homme, joint au téléphone.
Rami, qui travaillait au Liban en free-lance, a quitté le pays il y a sept mois afin de s'installer à Bahreïn. Il fait partie de ces nombreux jeunes Libanais qui émigrent à la recherche d'une stabilité financière. « L'offre était alléchante. Les conditions idéales. Mes revenus ont augmenté de 60 %. Pour la première fois j'ai le sentiment que ma carrière démarre. Décidément, la malchance nous suit partout », dit-il, amer, en refusant de donner le montant exact de son salaire.
Selon les personnes interrogées, Alarab proposait des rémunérations légèrement supérieures à celles de ses concurrentes. Sur les quelque 150 Libanais employés par Alarab, nombreux sont ceux qui ont quitté leurs fonctions dans des chaînes comme al-Jazira et al-Arabiya, ou encore BBC, et Sky News Arabia pour des motifs financiers ou en raison d'une promotion.
C'est le cas de Sami*, 32 ans, originaire de Beyrouth. Il a décidé de quitter une chaîne concurrente pour un meilleur poste au sein de la rédaction d'Alarab. « Qui dit promotion dit augmentation de salaire. Le mien a progressé de 20 % à plus de 5 000 dollars. À présent je me vois regretter ma décision, si je me retrouve au chômage. Qui voudra m'embaucher ? Sûrement pas mon ancien employeur », reconnaît-il. « Mais il est de plus en plus clair que notre place n'est plus à Bahreïn. Dans un autre pays ? Ce sera une affaire titanesque s'il faut déménager les studios et le matériel. La mise en place de toute l'infrastructure a nécessité cinq ans », souligne Sami, qui se rend quotidiennement aux locaux de la chaîne.
Le lancement d'Alarab avait en effet été reporté maintes fois depuis l'annonce du projet en 2010 par le prince al-Walid.
Commencer à vendre les meubles et faire les valises? Les deux jeunes hommes y ont sérieusement pensé. « Bahreïn, c'est fini pour nous, à moins d'un miracle », souligne Rami, qui regrette un pays où il fait bon vivre. Mais les deux hommes sont catégoriques : « Nous ferons tout pour ne pas rentrer au Liban et nous retrouver dans la précarité. Les salaires de 800 dollars, c'est du passé. »
*Les noms des personnes interrogées ont été changés pour préserver leur anonymat, la direction leur ayant interdit de communiquer sur le sujet.
Pour mémoire
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Pourquoi le Bahrein ?! C'est incomprehensible. Ce type de chaine ne peut fonctionner correctement qu'a Londres ou Beyrouth.
16 h 27, le 13 février 2015