La polémique politique habituelle et le blocage des institutions cachent mal la gravité de la situation sécuritaire. C'est comme si, toutefois, on cherchait à occuper la population avec des problèmes mineurs pour l'empêcher de comprendre que le Liban traverse une des périodes les plus critiques de son histoire. Une source sécuritaire précise à ce sujet que la frontière avec la Syrie est devenue une source d'inquiétude sérieuse. Les informations en provenance de l'étranger, reçues par les services de sécurité, rapportent que les combattants de l'EI auraient reçu des instructions pour se replier de Syrie vers le Liban, seul pays de la région où l'État est suffisamment affaibli pour leur laisser une certaine marge de manœuvre. Selon les rapports sécuritaires, l'EI serait considéré à la fois comme une menace et une opportunité par certains pays de la région. Ce qui renforce sa position et sa marge de manœuvre.
En Irak, par exemple, cette organisation terroriste pourrait servir à renforcer le poids de la communauté sunnite. C'est la raison pour laquelle Mossoul et la province de Ninive sont si facilement tombées entre les mains des terroristes, le gros de l'armée ayant refusé de les combattre ou ayant rejoint leurs rangs. De même, la Turquie facilite leurs déplacements puisque la plupart d'entre eux sont passés par le territoire turc pour d'abord faire chuter le régime syrien et affaiblir les pays arabes afin de prendre le leadership du monde musulman, mais aussi contre les Kurdes du PKK, puisque sa hantise reste de voir naître un État kurde à ses frontières. La Jordanie n'a qu'un souci, les éloigner de son territoire, ayant déjà fort à faire pour tenter de contrôler les extrémistes dans certaines régions du pays. De son côté, l'Arabie saoudite se sent menacée à la fois par les houthis au Yémen et par les combattants de l'EI en Irak. Elle les combat donc sur son sol, mais en même temps, elle n'est pas mécontente de les utiliser pour faire chuter le régime d'Assad en Syrie. Israël de son côté a une position ambiguë à leur égard, cherchant à les utiliser pour provoquer la fameuse confrontation entre sunnites et chiites qui ne peut que lui profiter. Mais surtout, il facilite leur arrivée dans la région de Chebaa pour y créer une force hostile au Hezbollah, sachant que cette région du Sud est essentiellement peuplée de sunnites et de druzes. L'idée des Israéliens serait de créer un nouveau front à la frontière libanaise dans la région du Sud-Est qui contribuerait à défaire encore plus le tissu social libanais et pourrait même pousser les druzes de la région à réclamer la protection de l'État hébreu. Ce serait à cause de cette menace que le leader druze Walid Joumblatt aurait entamé sa dernière série de contacts pour pousser les druzes et les habitants de la région à ne pas renoncer à leur appartenance arabe, à n'importe quel prix.
Selon la source de sécurité précitée, les informations en provenance de la région de Chebaa font état de l'arrivée de milliers de réfugiés syriens, venant du Golan. Israël serait en train de faciliter leur passage, ayant déjà favorisé la prise du contrôle de Qoneitra par les combattants de Daech. Il est donc à craindre que des combattants terroristes se cachent parmi les réfugiés syriens. Ce qui pourrait créer un nouveau foyer de tension au Liban dans le genre de la bourgade de Ersal et ses environs. Le point positif, c'est que, du côté syrien, la frontière avec le Liban est pratiquement sous le contrôle de l'armée syrienne et du Hezbollah, avec quelques failles, notamment celles de Ersal, de Zabadani et de Qoneitra-Chebaa. De son côté, l'armée libanaise fait de son mieux pour fermer autant que possible la frontière du côté libanais, mais on connaît les difficultés auxquelles elle se heurte, notamment à cause de la présence de camps de réfugiés dans lesquels ses soldats ne sont pas autorisés à entrer. Selon la source sécuritaire précitée, il faut absolument éviter de créer un environnement favorable aux groupes terroristes par le biais de positions sans la moindre ambiguïté si l'on veut protéger le Liban. Il faut donc empêcher les combattants terroristes de s'infiltrer dans le tissu social libanais en misant sur les failles confessionnelles et politiques. Le meilleur moyen pour cela est de renforcer l'unité interne et d'éviter tout ce qui pourrait provoquer des tensions confessionnelles.
Dans ce contexte, il est impératif de donner à l'armée une couverture politique totale et sans la moindre ambiguïté, d'autant que le temps presse. Selon les rapports sécuritaires parvenus aux services libanais, les combattants planifieraient de bouger rapidement, avant que s'installe l'hiver dur dans les montagnes et les grottes du jurd de Ersal. Ils pourraient donc préparer une attaque contre l'armée sur un double front dans le but de la neutraliser en misant sur, au minimum, une neutralité de la population sunnite, comme cela a été plus ou moins le cas à Mossoul. De la sorte, ils pourraient revenir en force à Ersal et profiter de son infrastructure pour échapper à l'isolement dans les grottes en hiver. Pour toutes ces raisons, les Libanais sont donc appelés à la plus grande vigilance et les responsables à mettre de côté leurs divergences pour ne pas prêter le flanc aux plans diaboliques des terroristes. La source sécuritaire précitée rend à ce sujet hommage au ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk qui ne cesse de tirer la sonnette d'alarme contre les projets qui se préparent contre le Liban, en cherchant à les neutraliser... Mais il faut surtout une action collective.
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commentaires (3)
Je ne comprends pas pourquoi l'armee libanaise ne serait pas autorisee a perquisitionner les camps de regugies syriens! C'est un minimum! Ils sont sur notre territoire et, parmi eux, il y a surement des terroristes! Mais ca fait vraiment peur toute cette evolution sur le terrain! La coalition pourrait neutraliser l'EI en deux semaines! Imaginez 50 pays contre l'Etat Islamique et ils n'arrivent pas a l'eradiquer? C'est parce qu'ils ne le veulent pas et ce sont eux qui ont cree les jihadistes pour commettre tous ces crimes dans la region et demanteler le Moyen-Orient! Je vous felicite Scarlett pour votre analyse si objective et realiste!
Michele Aoun
11 h 42, le 03 octobre 2014