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Liban - Parlement

« La grille des salaires a été enterrée »

Officiellement, c'est à la demande de l'armée que l'échelle des salaires a été renvoyée hier en commissions mixtes. Officieusement, le financement incertain de cette échelle menace le pays.

Hier, la première réunion parlementaire après l’interruption de la législation depuis cinq mois a renvoyé l’image d’un hémicycle comble, qui contraste tristement avec l’image des séances électorales. Photo Sami Ayad

La réunion parlementaire qui s'est tenue hier, avec pour but principal le vote de la nouvelle grille des salaires, a abouti, contre toute attente, y compris chez bon nombre de députés, au renvoi de cette grille aux commissions mixtes.

Le renvoi a été annoncé par le président de la Chambre à l'ouverture de la séance, sans qu'aucun député ne s'y oppose. Cette décision a fait suite à une brève intervention, dans l'hémicycle, du ministre de la Défense, Samir Mokbel, qui a souhaité que l'institution militaire bénéficie d'une augmentation salariale distincte de celle prévue pour les fonctionnaires et les enseignants du public.
Ce souhait a été doublé d'excuses adressées aux députés, notamment à Georges Adwan, le principal artisan de la dernière formule « consensuelle » de la grille des salaires. Le vice-Premier ministre a souhaité en outre le vote éventuel d'une loi relative à une augmentation plus équitable pour les militaires. Plus tard, lors d'une conférence conjointe avec le député Adwan à l'issue de la réunion, il a révélé qu'il prévoit d'élaborer un projet de loi dans ce sens.
L'abstention des députés à débattre de la question est sous-tendue par une volonté politique unanime de ne pas approuver la nouvelle grille.

À peine une heure avant la réunion parlementaire, le président de la Chambre a réuni dans son bureau l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, le député Georges Adwan, suivis par le vice-Premier ministre, Samir Mokbel, et le ministre des Finances Ali Hassan Khalil, auxquels s'est joint le Premier ministre Tammam Salam.
C'est au cours de cette réunion que la décision de ne pas voter la grille aurait été prise définitivement, après des concertations de dernière minute la veille. Deux réunions avaient eu lieu mardi soir, l'une entre le député  Adwan et des officiers supérieurs, et la seconde entre le commandant en chef de l'armée et le ministre des Finances Ali Hassan Khalil.
D'ailleurs, peu avant la réunion au bureau du président Berry, le député Georges Adwan a déclaré aux journalistes que « la grille est en marche inchallah ».
Le renvoi de la grille en commissions mixtes, annoncé à peine une heure plus tard, devait rompre avec cette affirmation, même si le renvoi a été interprété par les députés des différents blocs comme « une poursuite des concertations pour approuver la grille salariale ».

(Lire aussi : Des contorsions parlementaires pour se débarrasser de l'échelle des salaires dans le secteur public)

 

« Une solution politique »
Le député du bloc du Développement et de la Libération (bloc Berry), Ali Bazzi, s'est attardé, en réponse à une question de L'Orient-Le Jour, sur « la nécessité de prendre en compte la volonté de toutes les parties politiques, même si le vote de la grille aurait pu être obtenu facilement sans l'appui de tous les blocs ».

Le 14 Mars, notamment le Futur, avait concédé au 8 Mars l'approbation des six échelons, en contrepartie de l'accord donné par le second pour une hausse de la TVA, qui a fini par être limitée à 1 %. Ce point aura été l'essentiel de la formule consensuelle de la nouvelle grille, qui devait être votée, en tant que loi ordinaire, à la majorité absolue des députés présents, le quorum requis étant par ailleurs celui de la majorité absolue des membres du Parlement.
L'on apprenait toutefois de sources parlementaires concordantes qu'il s'agit en réalité d'une « solution politique, le pays ne pouvant supporter l'approbation de l'échelle ».
Ces mêmes sources confient à L'Orient-Le Jour que « la nouvelle grille a été enterrée », laissant entendre que le renvoi de la proposition de loi en commissions mixtes est de pure forme, jusqu'à nouvel ordre. D'ailleurs, aucune date n'a été annoncée pour une prochaine réunion relative à la grille salariale. La seule date sûre pour l'instant est celle du 21 octobre pour la tenue d'une réunion parlementaire, de routine, qui marque le commencement de la nouvelle session.

Considérations financières
Les motifs non déclarés de cette décision seraient d'abord d'ordre financier. Les mises en garde des économistes contre l'adoption de la nouvelle échelle salariale, malgré les réajustements, accréditent ce motif. « Seule la hausse de 1 % de la TVA est à même de rapporter des rentrées certaines au financement de l'échelle salariale. Toutes les autres rentrées envisagées ne sont pas sûres et pourraient s'avérer moins rentables dans la pratique », explique à L'OLJ une source parlementaire.

 

(Lire aussi : Entre consternation des syndicats et menaces des comités de parents)


Rappelons que le bloc du Hezbollah et celui du Changement de la Réforme continuaient à s'opposer à la hausse de la TVA, alors que le Front de lutte nationale émettait des réserves sur le taux de hausse, jugé insuffisant.
Les motifs d'ordre financier ont toutefois été écartés par le bloc du Changement et de la Réforme. « Ce n'est pas dans les finances publiques qu'il faut chercher les motifs du renvoi de la grille des salaires », explique à L'OLJ le député Alain Aoun, limitant la question au « débat sur les barèmes des militaires et des enseignants du privé ».
C'est en termes de « traitement juste et égalitaire à l'égard de l'armée » que s'est exprimé le député Ibrahim Kanaan lors de son point de presse, se désolant par ailleurs de « la non-approbation de la grille ». « Les amendements nécessaires auraient pu être examinés, ou du moins débattus lors de la réunion parlementaire », a-t-il déclaré, dénonçant « un leurre de l'opinion publique ».

Pour sa part, le député du Hezbollah, Nawwar Sahili, a précisé à L'OLJ, en réponse à une question, que le renvoi de la grille en commissions s'est effectué « à la demande de l'armée, indépendamment de toute volonté émanant d'un bloc parlementaire ou d'un autre ».

Force est de relever que les blocs parlementaires réunis hier, c'est-à-dire tous les blocs à l'exception des Kataëb, absents de la séance de législation, se sont dérobés à toute responsabilité dans le renvoi de la grille en commissions mixtes.

Ali Hassan Khalil confiant...
D'ailleurs, le ministre des Finances Ali Hassan Khalil lui-même a assuré, sans laisser la moindre place au doute, « la disposition du ministère à couvrir techniquement et financièrement la nouvelle grille ». Soucieux en outre d'apaiser le comité de coordination syndicale ainsi que les enseignants du privé, qui se sont élevés contre leur exclusion de la nouvelle grille salariale, il a précisé que « des pressions seront exercées pour le vote de la nouvelle échelle, dont les chiffres relatifs aux rentrées et dépenses se sont définitivement précisés ». Dans sa formule finale, la grille équivaut à des dépenses de 1 940 milliards de livres libanaises et des rentrées de 1 760 milliards de LL.

 

(Lire aussi : Le seul « état de nécessité législative » porte sur l'élection présidentielle, affirment les évêques maronites)



Le budget
Par ailleurs, la réunion parlementaire, qui a duré moins d'une heure, a permis le vote de cinq lois relatives à des projets de développement financés par des bailleurs de fonds.
Le vote de ces lois s'est imposé pour débloquer les fonds nécessaires pour entamer les projets. En effet, les prêts sont accordés dans ces cas à des taux d'intérêt presque négligeables, remboursables sur le long terme, à condition d'une mise en œuvre des projets en question dans les délais fixés par le contrat.

En outre, la proposition de loi relative à l'ouverture d'une nouvelle ligne de crédit pour le paiement des salaires des fonctionnaires jusqu'au 31 décembre 2014 a été approuvée. Le bloc du Futur, notamment les députés Fouad Siniora et Ahmad Fatfat, ont appelé au vote du budget de 2015, quitte à clôturer les comptes d'avant 2013 ultérieurement. Cet appel a été accueilli favorablement par le ministre des Finances, qui a déclaré avoir finalisé le projet de loi budgétaire et avoir besoin de quelques mois pour achever la clôture des comptes.
Enfin, une rectification matérielle du code de la route a été approuvée.

 

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É... ALLAH YIR7AMA ! NÉE MORTE...

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 32, le 02 octobre 2014

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  • É... ALLAH YIR7AMA ! NÉE MORTE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 32, le 02 octobre 2014

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