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Liban - Droit et realpolitik - Institutions

II – Le mandat du Parlement n’est extensible que par la volonté directe du mandant

Le mécanisme d'élection du président de la République et la question de la prorogation du mandat de la Chambre sont au centre d'un vaste débat. Après avoir exposé une étude juridique sur le problème du quorum requis pour l'élection du chef de l'État (voir « L'Orient-Le Jour » du 30 novembre), Me Joseph Nehmé, avocat à la Cour, aborde dans une seconde partie de son étude le volet spécifique de la prorogation du mandat de la Chambre.

Le mandat accordé par les électeurs est, par essence, à durée limitée.

Les députés sont élus par les Libanais pour une durée de quatre ans en vertu d'un mandat spécial accordé par le citoyen à ses représentants. Ce mandat, spécial et sui generis, est donc limité et à durée déterminée, non extensible que par la volonté directe du mandant. Par conséquent, le député-mandataire ne saurait donc en aucune manière s'autoriser à excéder les limites de la durée dudit mandat et des pouvoirs qui lui sont accordés par l'électeur-mandant, seul et unique source du mandat, sous peine d'engager sa double responsabilité pénale et civile.
Les exceptions d'irrégularités que nous avons vécues tout au long de l'ère de l'hégémonie syrienne ne peuvent et ne doivent plus se répéter. Elles ne sont pas et n'ont jamais été la règle mais l'exception. Les formules aberrantes, telles « exceptionnellement et pour une fois seulement ; le Parlement est seul maître de lui-même ; les nécessités justifient les interdits, etc. » qui ont meublé le paysage institutionnel de l'État sont aujourd'hui autant rejetées et inacceptables que ridicules et mal appropriées. Il est temps d'appeler et d'œuvrer au respect inconditionnel de nos lois et de notre Constitution et de mettre un terme à la réédition de pareilles mascarades. Les échéances constitutionnelles se doivent d'être respectées à la lettre et se dérouler dans les délais qui leur sont impartis.
La dernière prorogation du mandat de la Chambre a été inconstitutionnelle. Réitérer l'absurdité serait persister dans le délit de désobéissance aux lois en vigueur et condamnerait ses auteurs et leurs complices au partage des responsabilités. Ceci en droit.
Mais d'aucuns se poseraient pourtant la question pertinente de savoir quelles seraient les limites qu'on ne saurait franchir qui concilieraient droit et politique ?

De la realpolitik
Pour paradoxale que pourrait paraître toute conciliation du droit avec l'ubuesque et atypique paysage politique du pays, le recours ultime à la realpolitik (de l'allemand : politique réaliste) semblerait être l'unique bouée de sauvetage du pays. Elle consiste à imposer une gestion « très diplomatique » de l'impasse du moment dès lors qu'elle rechercherait la réalisation d'un équilibre pacifique. Kidnappé, pris en otage et pernicieusement menacé par d'odieux chantages par ses ravisseurs, le criminel « daechisme », d'une part, résultante directe et corrélative de l'atroce « iranisme-hezbollahisme » aux milles ambitions idéologiques religieuses et expansionnistes, de l'autre, deux faces d'une pièce, serait justifiée ». Acculés à s'inspirer de Nicolas Machiavel (Le Prince), Bismarck, Metternich, Richelieu, Kissinger et bien d'autres, les maîtres-confectionneurs libanais sont appelés à se gratter les méninges à l'effet de trouver la meilleure plate-forme d'une solution de circonstance, apte à ménager, en un seul temps, le droit et la sauvegarde de la paix civile. Il conviendrait donc de considérer ce qui suit :
Les partis et les forces vives du 14 Mars, qui prônent le discours sincère et engagé de l'État de droit, ne peuvent et ne doivent pas, même sous le couvert de la realpolitik, déroger à l'application rigoureuse stricto sensu de la loi, quand bien même il s'agirait de la Loi fondamentale. Or entériner ou avaliser ou même passer sous silence la prorogation du mandat du Parlement les rendrait complices de la violation de la Constitution au même titre que les auteurs, affichés ou manipulateurs occultes. Il leur est interdit de contribuer à la création d'un monstre juridique, d'une hydre dont l'évolution génétique imprévisible serait dévastatrice et anéantirait toute velléité de démocratie.
Loin de tout jugement inconsidéré qui se situerait aux confins de l'académique, force est de trouver la solution capable de concilier au mieux l'application du droit et le déblocage de la situation sans précédent que vit et subit le pays. Aussi, la sortie du mortel bourbier se limiterait-il au choix entre l'une des 3 alternatives suivantes, la première étant idéale, la deuxième, conciliatoire et la troisième, attentiste :

La 1re alternative :
a. Dans le cadre et le prolongement des tours de scrutin de la session électorale actuelle, la treizième de cette humiliante parodie, 51 % des députés de l'Assemblée nationale voteraient à la majorité absolue des présents le texte interprétatif de l'article 49 précité. Cette mesure est conforme à la Constitution car elle se déroule au sein même de la session de l'élection présidentielle. Elle en fait partie intégrante.
b. Les députés procèdent immédiatement à l'élection du nouveau chef de l'État à la majorité absolue des scrutins et au même quorum.
c. Les députés mécontents qui bouderaient l'hémicycle, mettant en échec le quorum et le vote, assumeraient la responsabilité et les conséquences de leur turpitude.

La 2e alternative :
Il s'agirait ici même d'un « package deal » conciliatoire dont les titres seraient :
La prorogation du mandat de la Chambre pour une durée maximale de 12 mois non renouvelable. Elle se subdiviserait en deux tranches egales :
La 1re tranche serait liée et consacrée uniquement à l'élection du 1er magistrat. Durant cette période, toute activité législative serait suspendue conformément à l'article 75.
La 2e verrait la reprise des activités législatives de la Chambre sous le mandat du nouveau président élu. La première séance plénière serait dédiée en première priorité au vote de la loi électorale parmi les projets déjà déposés au bureau de la Chambre.
La prorogation du mandat du président sortant Michel Sleiman, pour une même durée. Il prendra fin avec l'élection de son successeur.
L'organisation immédiate des élections législatives même si la situation sécuritaire reste précaire. Le déplacement des bureaux de vote des régions sensibles en zones plus sûres n'est pas une solution mirifique.
Dans le cas où un nouveau président ne serait pas élu dans le délai des premiers six mois au plus tard, la Chambre serait dissoute de facto et de jure. Ce délai est un délai de forclusion sans aucune possibilité de prorogation sous n'importe quelle forme.

La 3e alternative :
« Wait and see » le moment, l'instant conjoncturel en mesure d'intimer aux sponsors du néfaste blocage d'avaliser l'élection d'un nouveau président. Entre-temps, Les évolutions dans la région qui semblent progresser à une cadence folle imposent une navigation à vue. Nos deux kidnappeurs, qui prennent notre pays et notre peuple en otage, sapent systématiquement et méthodiquement nos institutions et égorgent ignominieusement nos concitoyens et nos soldats au nom d'un pseudo-islam qui le leur interdit formellement, dictent au gouvernement, improductif et impotent, une realpolitik éclairée. Ainsi, solliciter l'aide de la nouvelle coalition militaire internationale, euro-américano-arabe, aux fins de libérer nos militaires menacés de l'horrible et inhumaine décapitation et intimer au Hezbollah de se retirer de Syrie sont deux mesures de toute première urgence. Non moins urgente également serait la proclamation d'un « état d'urgence institutionnel » et recourir pour la circonstance à une législation d'exception, limitée et spécifique, en vertu du principe de « l'état de nécessité législative » afin d'affranchir enfin (il n'est jamais trop tard !) le tout petit pain quotidien de nos infortunés concitoyens et les finances de la trésorerie publique.
Vraisemblablement, il n'existerait pas d'autre issue que celle de choisir entre l'une des trois alternatives précitées. À l'antipode de la weltpolitik, basée sur une recherche de supériorité militaire et une course suicidaire aux armements, l'ingéniosité ne serait rien moins que de recourir à cette realpolitik qui, elle, permettra d'éviter la course effrénée aux armements. Toutefois, cette même extrême urgence ne serait rien moins que d'élire immédiatement un président de la République. Un président fort, souhaité et clamé de tout bord, ne saurait être que le fruit d'un consensus chrétien. Le même candidat, issu de leur division, serait, de toute évidence, lamentablement faible.
Samir Geagea avait déclaré sa candidature avec un remarquable courage et une parfaite transparence. Avec la même bravoure, il a annoncé sa disposition à se retirer de la course au profit d'un ou de deux noms consensuels, c'est-à-dire forts. Michel Aoun saura-t-il, pourra-t-il admettre la contagion et pactiser avec le même courage ?

Les députés sont élus par les Libanais pour une durée de quatre ans en vertu d'un mandat spécial accordé par le citoyen à ses représentants. Ce mandat, spécial et sui generis, est donc limité et à durée déterminée, non extensible que par la volonté directe du mandant. Par conséquent, le député-mandataire ne saurait donc en aucune manière s'autoriser à excéder les limites de...

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