Des événements dramatiques se succèdent au Liban, suscitant une impression de déjà-vu, sans qu'une procédure d'anticipation n'ait été mise en place par les responsables politiques. Est-ce par manque d'acuité dans l'analyse des faits de la part de certains ministres ou par indifférence face aux événements ou alors par incompétence ? Tout cela mérite que l'on s'y attarde.
- Nahr el-Bared, en 2007, a été le théâtre d'affrontements meurtriers entre l'armée libanaise (plus de 150 morts) et l'organisation takfiriste Fateh el-islam.
- Il y a deux ans, à Abra, de graves accrochages ont eu lieu entre l'armée et les hommes de cheikh Ahmad el-Assir, salafiste libanais, faisant 17 tués parmi les militaires.
- L'an dernier, à Tripoli, scènes de guerre de plus en plus meurtrières entre pro et anti-Assad, dégénérant en scènes de guerre civile suite à l'arrestation d'un chef extrémiste salafiste accusé de nourrir la violence. Des attentats à la voiture piégée se sont ensuite produits dans la banlieue sud de Beyrouth et à Tripoli.
- Août 2014, les combattants de l'État islamique d'Irak et du Levant ( EIIL ou Daëch en arabe), présents à Ersal, affrontent l'armée régulière libanaise avec, dans les rangs de celle-ci, une vingtaine de morts. Les assaillants ont été repoussés vers le jurd libanais, à la frontière avec la Syrie, avec 28 otages des forces armées libanaises comme moyen d'échange contre éventuellement des détenus terroristes de leur mouvance. Est-ce pour autant que l'armée sort victorieuse de ce combat ? Mais il s'agit d'une bataille de plus qui a été gagnée. Certains politiciens libanais arrivent même à justifier ces accrochages, démontrant par là un manque de patriotisme flagrant.
Depuis deux ans, et à la suite des événements dramatiques que vivent la Syrie et son peuple, entre un million et demi et deux millions de déplacés syriens sont entrés au Liban, sous la bannière humanitaire, bien que notre pays n'ait pas la capacité de les absorber. Mais quel pays, dans le monde, aurait pu prendre en charge une telle proportion de réfugiés, qui représentent entre 30 et 50 % de la population du pays d'accueil ? Le flot des déplacés dans une telle proportion représente, à n'en point douter, un danger social, humanitaire, économique et sécuritaire, dans la mesure où la promiscuité et la misère en sont les principales causes. En plus, parmi les déplacés, nous pouvons estimer à bien moins de 1 % les pseudoréfugiés malintentionnés qui se sont infiltrés parmi les vrais déplacés pour commettre des attentats au Liban et peuvent donc, à ce titre, être assimilés à l'EIIL. Cela représente le plus grand danger pour le Liban parce que ce moins de 1 % (au moins 10 000 personnes) est présent, en étant éparpillé, à travers tout le Liban et représente des cellules dormantes qui n'attendent que le signal pour agir. Notre noble armée doit prendre position non seulement à Ersal et à Tripoli, mais aussi partout au Liban. Elle doit être armée pour les missions qui lui sont confiées. Notre armée n'a pas les moyens matériels suffisants pour maintenir l'ordre partout au Liban. L'Arabie saoudite promet une aide de 3 milliards de dollars pour un armement français. Pour le moment, cette transaction est bloquée. L'Arabie saoudite a confié à Saad Hariri la mission d'attribuer un milliard de dollars à l'armée. Comme citoyen libanais, ce milliard supplémentaire m'inquiète autant que les trois précédents parce qu'à l'évidence l'on va demander une contrepartie qui ne sera pas vraiment en faveur de l'armée.
(À suivre)
Dr Riad JREIGE
Montpellier – France