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Culture - Festival international de Byblos

Marcel Khalifé, sur Byblos comme au ciel

Le virtuose du oud s'est produit pour la première fois dans le cadre de cet événement. Un retour aux sources tout en poésie.

Marcel Khalifé a chanté l’enfance, la patrie, la résistance et l’amour. Press Photo

Pour savoir prier il faut avoir été marin, et Marcel Khalifé en sait quelque chose. Telle une barque désespérée, il a mené pendant plus de quatre décennies des batailles courageuses, mais en vain, au nom de la résistance, de l'homme, de la patrie. Sur les scènes du monde, qu'il a enduites de mélancolie et de souffrances par sa douce musique, il a longtemps erré, portant le fardeau de son arabité minée par les drames. Mais l'homme libre toujours chérira la mer. Et Marcel Khalifé, ce soir-là, est rentré à bon port. À Byblos, où il a eu sa première communion, écrit sa première chanson et balbutié ses premiers mots comme il l'a raconté, le fils de Amchit a ramené son oud. Plus serein, plus reposé que jamais, il a partagé son histoire avec 5 000 spectateurs en toute intimité et sa musique a résonné telle une prière dans le vieux port.


Pour ce retour aux sources, le chanteur, compositeur et virtuose du oud a choisi de se faire accompagner par 60 choristes des chœurs de l'Université antonine et de la NDU, par 80 musiciens de l'Orchestre philharmonique libanais, conduits par le maestro Harout Fazlian, et par les voix célestes d'Oumeima el-Khalil, de la soprano allemande Felicitas Fuchs, de Abir Nehmé et du chanteur égyptien Mohammad Mohsen. Musiciens accomplis, les deux fils du oudiste, Rami et Bachar Khalifé, aujourd'hui partie intégrante de son groupe al-Mayadeen formé en 1976, l'accompagnaient respectivement au piano et aux percussions. Après un medley orchestral des musiques que la star internationale aimait fredonner sur la « mina de Jbeil », bien avant le lancement de sa carrière et la projection d'un court métrage biographique, l'artiste est entré sur scène, tout de blanc vêtu, son emblématique foulard bleu sur les épaules. « Il n'y a rien de plus beau que de voir tout le Liban réuni ici ce soir », a-t-il lancé avant de faire part de son appréhension de devoir se produire à Byblos « où tout a commencé » et de présenter Ya Nassim el-Rih, poème d'al-Halaj qu'il avait mis en musique sur son album Concerto d'Andalousie, coup d'envoi d'un concert d'une heure et demie. Et s'il n'était pas seul avec son instrument sur scène, comme il le fait souvent, le Moïse de la chanson arabe n'a pas su manquer à sa tradition de chanter à chaque personne du public présent.

 

Des vers de Mahmoud Darwich
Pour Byblos, Marcel Khalifé a choisi le parti pris de revisiter son répertoire en transformant chacune de ses compositions en véritables symphonies orchestrales sans pourtant les dénaturer, laissant souvent à ses invités le soin d'interpréter ces morceaux. Accoudé en toute piété à son instrument quand il ne taquinait pas ses cordes, en éternel penseur, lui qui chante comme il prie, c'est par un requiem interprété avec émotion par Felicitas Fuchs qu'il a choisi de pleurer les enfants de Gaza et les enfants du monde arabe « qui meurent sous la cruauté des dictatures arabes et des mouvements extrémistes ». L'accordéoniste français Julien Labro a ensuite joué Tango pour les yeux de mon amoureuse, que Marcel Khalifé avait composé pour Caracalla, avant d'être accompagné par l'orchestre et le oud. Et c'est ensuite une véritable soirée poétique, en hommage aux vers du Palestinien Mahmoud Darwich, qui a été célébrée sous la brise estivale du port, où le charme n'a pas tardé à opérer au son des cordes orientales. Le oudiste a ainsi chanté Rita wal Bunduqiya, repris en chœur par le public, le pain de sa mère dans Oummi, rendu encore plus touchant par la voix des choristes et de la soprano allemande, et Jawaz as-Safar, interrompu pendant quelques minutes par une impressionnante démonstration de prouesse musicale présentée par les fils Khalifé, maîtres de leurs instruments, applaudis avec chaleur.


De son côté, Oumeima el-Khalil a repris Toflon Yaktoubou Fawqa al-Jidar et un tendre Ouhebbouka Akthar chanté a cappella avec pour seule musique le bruit des vagues, et que même les applaudissements n'osaient pas troubler. Mohammad Mohsen a pour sa part chanté Kha'ef Mina el-Kamar de Mahmoud Darwich également, avant que la grande voix de Abir Nehmé ne transcende majestueusement Ghanni Kalilan, écrit par Joseph Harb. Des musiques toutes empreintes de mélancolie et toutes signées Marcel Khalifé, auquel on reprochera pourtant de ne pas avoir suffisamment chanté lui-même. L'artiste, dont la voix n'a pas changé, a pourtant scandé Mountasib Lkamat Amchi, animant les gradins combles, avant de clôturer la soirée par Ya Bahriyeh, Héla Héla, pour qui le public s'est levé, et Nachid el-Jeser, chanté avec ses invités. Des voix venant du ciel et une musique chargée de rêves déchus et d'idéaux tombés à l'eau, balancés par-dessus bord dans la vieille mer de Byblos.

 

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