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À La Une - Eclairage

Crise en Irak : beaucoup d'acteurs puissants, peu de solutions militaires

Des chiites irakiens qui se sont portés volontaires pour tenter de repousser les insurgés sunnites le 26 juin dans la ville de Shrine. AFP PHOTO/MOHAMMED SAWAF

La crise en Irak provoquée par l'offensive éclair d'insurgés sunnites de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL-Daech) oppose des acteurs surarmés mais aucune solution militaire ne se dégage avec évidence et le conflit risque de s'enliser, selon des experts.

Les insurgés sunnites peuvent-ils poursuivre leur avancée?
Avec ses "4.000 à 8.000" hommes, l'EIIL est "très entraînée", s'étant aguerrie en Syrie face aux troupes de Bachar el-Assad, selon Rick Brennan, ancien conseiller de l'armée américaine en Irak et aujourd'hui analyste à la Rand.

C'est une "armée irrégulière qui ne s'appuie pas sur des chars ou des forces mécanisées pour vaincre, ce qui rend compliquées des frappes aériennes à son encontre", ajoute Daniel Byman, de la Brookings Institution. Mais l'EIIL n'a jusqu'à maintenant progressé qu'en territoire sunnite et "cela sera beaucoup plus compliqué pour elle à mesure qu'elle se dirige vers Bagdad et le fief chiite", selon lui.

D'autant qu'en se rapprochant de la capitale, elle va faire face aux divisions de l'armée irakienne "les plus puissantes". "Ces divisions sont presque à 100% chiites, elles sont loyales à Maliki et sont disposées dans et autour de Bagdad, Bakouba et certaines portions de la province de Diyala", explique M. Brennan à l'AFP.

 

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Le scénario le plus probable, selon lui, est que l'EIIL se mette à commettre des attentats contre des hauts lieux chiites -à l'instar de l'attentat contre la mosquée al-Askari de Samarra en 2006- "dans l'intention affichée de rallumer une guerre confessionnelle".

 

L'armée irakienne peut-elle reprendre le terrain perdu?
Sur le papier, elle est puissante: un budget de 17 milliards de dollars (+40% par rapport à 2011), 193.000 hommes dans l'armée de terre, 336 chars, 3.700 transports de troupes blindés, 26 hélicoptères d'attaque Mi-17. Elle attend, en outre, la livraison de 36 chasseurs-bombardiers F-16 et 24 hélicoptères Apache.

Mais face à l'EIIL, ce fut la débandade. "Environ 60 des 243 bataillons de combat de l'armée irakienne sont portés manquants et tout leur équipement est perdu", selon Michael Knights, du Washington Institute for Near East Policy.

 

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Pour Daniel Byman, "la taille et la force de l'armée ne sont pas le problème. Ses problèmes concernent son commandement et son moral".
Cinq de ses 14 divisions ne sont pas aptes au combat. En cause, l'éviction de chefs sunnites et kurdes, la corruption de ses commandants, le manque d'entraînement et de maintenance.

Surtout, elle est considérée comme la "milice de Maliki", le Premier ministre chiite honni des sunnites. Si des raids héliportés ont eu lieu jeudi à Tikrit et que l'armée peut compter sur l'appui des milices chiites, "il semble peu probable qu'il y ait des avancées importantes de l'armée dans les zones sunnites", estime Rick Brennan.

Quel rôle pour les Kurdes?
Les fameux Peshmergas -dont environ 35.000 sont intégrés à l'armée irakienne- sont bien entraînés et équipés par les Etats-Unis et la Russie. Entre 80.000 et 240.000 combattants seraient en outre à la disposition du président de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani.
Positionnés sur le flanc de l'EIIL, les Kurdes pourraient jouer un "rôle majeur", selon Michael Knights, mais rien ne dit qu'ils soient prêts à collaborer avec Nouri al-Maliki.

 

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Les Etats-Unis vont-ils lancer des frappes aériennes?
Le président Barack Obama ne l'a pas exclu mais exige des signes d'ouverture de M. Maliki. Avec ses navires croisant dans le Golfe, Washington pourrait envoyer des volées de missiles Tomahawk et opérer des frappes aériennes depuis le porte-avions George H.W.Bush ou à partir de drones.
Mais Washington se contente à ce stade de l'envoi de 300 conseillers militaires auprès de l'armée irakienne et de vols de surveillance au-dessus de l'Irak.

Pour Daniel Byman, "des frappes devraient être soutenues pour avoir un effet stratégique" et se faire en coordination avec une avancée au sol pour avoir un effet. Or, cette condition n'est pas remplie. Et l'EIIl ne manquerait pas de s'adapter en se mêlant à la population, compliquant encore leur efficacité.

L'Iran va-t-elle s'en mêler?
Proche du régime irakien, Téhéran a déployé des drones de surveillance sur la base aérienne d'Al-Rachid, près de Bagdad et expédie chaque jour en Irak du matériel par voie aérienne. Mais l'expert de la Rand ne voit pas l'Iran intervenir à grande échelle: "Ce serait très risqué pour les Iraniens. Ils devraient être prêts à entrer dans des zones sunnites et s'ils sont prêts à le faire, ce sera un bain de sang".

 

Repère
Le rôle de l'Iran dans la crise irakienne

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