Les contacts qui se multiplient sur la scène chrétienne, ranimés par l'initiative de l'ex-président Amine Gemayel pour « sauver l'échéance présidentielle », aboutiront-ils à faire respecter les délais constitutionnels ? Parallèlement, la position exprimée par le patriarche maronite Béchara Raï à à son retour de Rome, sommant les autorités politiques à respecter les positions de Bkerké, pourra-t-elle inciter les parties à redoubler d'effort afin d'éviter le vide à la magistrature suprême ?
Cet enjeu est défendu par ceux qui craignent l'acheminement de plus en plus probable vers « une réécriture de la formule de la République », ou un amendement constitutionnel, pour reprendre l'expression d'un ancien ministre. Alors que la dynamique vers le vide rompt avec la tradition libanaise d'honorer la présidentielle, même en temps de guerre civile, il est légitime de s'interroger sur les motifs du non-respect actuel des délais constitutionnels.
Les milieux du 14 Mars continuent de se demander quand le « candidat fantôme » du 8 Mars cédera la place à un candidat effectif et réel. Les députés de ce camp « boycottent la séance électorale sans fournir de raison à leur absence », à part la réponse qu'attendrait le chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, du courant du Futur, sur son appui à sa candidature non encore déclarée.
En outre, un député du courant du Futur accuse le 8 Mars de vouloir saboter l'échéance, ce qui expliquerait la légèreté avec laquelle il traite ce dossier. Ce député s'attarde, non sans étonnement, sur le discours attendu du secrétaire général du Hezbollah à la veille de la fin du mandat présidentiel. Selon lui, ce dernier pourrait annoncer une feuille de route pour la période du vide présidentiel qui se serait alors confirmée.
(Lire aussi : Le 8 Mars pourrait boycotter les réunions ministérielles après le 25 mai..., l'éclairage de Scarlett Haddad)
En réponse à ces accusations, le 8 Mars estime que c'est le 14 Mars qui œuvre en faveur du vide, en soutenant la candidature de Samir Geagea à la présidence. L'appui à Samir Geagea, selon lui, aurait bloqué la voie aux indépendants. En accusant le 8 Mars de vouloir le vide, le 14 Mars se déroberait ainsi à ses responsabilités, étant conscient de l'impossibilité pour le candidat qu'il soutient de rallier l'appui du camp opposé.
Toutefois, quand bien même le Hezbollah le dément, des milieux du 14 Mars affirment, sur la base d'informations diplomatiques fournies par des responsables occidentaux, que le parti chiite réclame une position au sein de l'exécutif garantie par la Constitution. Il ne facilitera pas l'élection d'un nouveau chef de l'État avant d'obtenir cet amendement à travers un nouveau Taëf, ou un nouvel accord de Doha.
(Repère :Qui, quand, comment... Le manuel de l'élection présidentielle libanaise)
Alors que se confirme l'avancée vers une Constituante qui consacrerait l'équation des trois tiers, les parties chrétiennes du 8 Mars, notamment le CPL et les Marada, continuent de justifier, à l'égard de Bkerké, leur absence aux séances électorales, en invoquant « un droit démocratique ». Ils disent ne pas craindre le vide. À en croire certains milieux de Rabieh, Michel Aoun refuserait même tout propos sur l'option alternative de candidats indépendants. Ces milieux font état d'une nouvelle réunion entre le ministre Gebran Bassil et le leader du courant du Futur, Saad Hariri, à Paris le 15 mai, tout en rapportant l'optimisme de Michel Aoun quant à ses chances de remporter la présidentielle cette fois-ci. Les milieux du Futur, eux, affirment ne rien savoir sur cette rencontre présumée.
L'initiative d'Amine Gemayel reste en tout cas la principale démarche concrète, suivie par les observateurs diplomatiques. Selon certains milieux politiques ayant suivi les réunions du leader des Kataëb avec des parties du 8 Mars, y compris le Hezbollah, les contacts menés par l'ancien chef d'État pourraient aboutir à élire un nouveau président.
Ces mêmes observateurs s'attardent en outre sur la déclaration faite par le leader des Forces libanaises Samir Geagea, à l'issue de son entretien avec le patriarche maronite à Bkerké. Cette déclaration porterait, selon eux, une indication claire que le candidat du 14 Mars s'apprête à renoncer à sa candidature, refusant la formule « moi, sinon personne ». Samir Geagea avait d'ailleurs affirmé que sa candidature s'inscrivait dans le cadre du projet politique du 14 Mars. Il a ainsi rappelé qu'il était avec ce projet, indépendamment de l'identité du candidat qui le défendrait.
(Lire aussi : L'objectif du Hezbollah : une nouvelle Constituante, le commentaire d'Emile Khoury)
Un député du 14 Mars ne manque pas de préciser toutefois que le retrait de la candidature de M. Geagea doit faire suite nécessairement à une entente sur un nouveau candidat qui adopterait le programme politique annoncé par le leader des Forces libanaises. En résumé, les forces du 14 Mars veulent élire un président de la République dans les délais, tout en continuant de soutenir le même projet politique, contrairement à ce que souhaiterait le camp opposé.
Un autre député rapporte que la réunion récente des forces du 14 Mars à la Maison du Centre a porté sur le candidat qui serait capable de prendre la relève de Samir Geagea. Il précise en même temps que le 8 Mars ne remportera pas le pari de la division du 14 Mars. C'est sur cette constante qu'insistent les milieux de ce camp. Pour le 8 Mars, les forces du 14 Mars ne seraient pas prêtes à aller de l'avant, l'Arabie saoudite étant elle-même en état d'attente des développements régionaux.
(Lire aussi : Leçons à mi-parcours, l'analyse d'Elie Fayad)
Toutefois, un diplomate arabe basé à Paris fait état de réunions en cours entre l'Élysée et le Quai d'Orsay sur le dossier libanais, avec pour directive la préservation des chrétiens en Orient et l'élection d'un chef de l'État qui servirait les intérêts des chrétiens et renforcerait leur présence. Le diplomate révèle que de nombreuses personnalités politiques libanaises se rendent actuellement à Paris, loin des médias, pour se réunir avec des responsables français. Une personnalité libanaise, récemment rentrée de Paris, confie qu'une réunion s'est tenue dans la capitale française en fin de semaine entre un émissaire de Washington et des responsables français, parmi lesquels le conseiller du président de la République, Emmanuel Bohn, afin d'éviter le vide et ses dangereuses répercussions. Pour les acteurs occidentaux, l'élection d'un président consensuel au Liban serait crucial pour consolider le rôle des chrétiens dans la région.
Des milieux français affirment dans ce cadre n'opposer de veto à aucun candidat. Ils ajoutent ne soutenir aucun candidat non plus, mais œuvrent à pousser la situation dans le sens d'une libanisation de l'échéance.
Le diplomate arabe précité situe cette position de l'Élysée dans la suite de celle du Vatican et de Washington. Alors que la France a été chargée de veiller à la tenue de la présidentielle dans les délais, les contacts se multiplient entre Paris et Téhéran, d'une part, et Paris et Riyad, d'autre part, loin des médias, afin d'aboutir à une entente qui délierait l'échéance libanaise des échéances régionales. C'est à cette fin qu'œuvreraient plus d'un responsable occidental et arabe.
Un émissaire de Oman aurait visité Beyrouth ou il se serait réuni avec des responsables du Hezbollah. Des milieux diplomatiques prévoient en outre la tenue d'une série de réunions irano-américaines pour finaliser l'accord sur le nucléaire la semaine prochaine. Il pourrait s'ensuivre une réunion irano-saoudienne à Oman, qui pourrait décanter la situation au Liban.
Lire aussi
Ensablements, l'éditorial de Issa Goraieb
Comme les cinq doigts d'une main, l'article de Ziyad Makhoul
commentaires (6)
PRIÈRE LIRE : MA 3ÉD FI WIJDÉN BHAL BALAD !
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 31, le 11 mai 2014