Bkerké est actuellement une ruche entièrement occupée par la réalisation de l'élection présidentielle avant le 25 mai. Les visiteurs se succèdent, pour l'essentiel des personnalités chrétiennes, qui viennent sonder le patriarche Raï ou lui soumettre des propositions. Certaines font des déclarations aux journalistes, d'autres préfèrent rester discrètes, mais les concertations vont bon train, avec une obsession : éviter une vacance à la tête de la République. Parmi les personnalités les plus actives, les journalistes signalent les noms de l'ancien ministre Abdallah Farhat et de l'ancien vice-président de la Chambre Élie Ferzli, très concernés par les tractations pour la présidentielle.
Les visiteurs de Bkerké rapportent ainsi que le patriarche ne veut absolument pas arriver au vide constitutionnel à la présidence et qu'il ne peut pas imaginer l'idée qu'à partir du 25 mai, les lumières du palais de Baabda pourraient s'éteindre et le bâtiment fermer tristement ses portes alors que les autres institutions de l'État continueront de fonctionner comme si de rien n'était. Pour éviter un tel scénario, plusieurs possibilités sont envisagées. Il a été ainsi question de proroger le mandat du président Michel Sleiman pour une durée d'un an, sous le titre de la gestion des affaires courantes présidentielles, le temps que la situation se décante. Mais outre le fait que M. Sleiman lui-même n'est pas en faveur d'un tel scénario, celui-ci n'a aucun fondement juridique ou constitutionnel. Il a donc fallu chercher d'autres possibilités, surtout face à l'appréhension insistante du patriarche Raï d'un vide constitutionnel au niveau de la présidence qu'il ne cesse d'évoquer devant ses interlocuteurs. Mgr Raï penserait même qu'un président à n'importe quel prix et dans n'importe quelles conditions est préférable au vide constitutionnel, en raison du symbolisme que représente le palais présidentiel fermé, alors qu'il s'agit de la seule présidence chrétienne dans le monde arabe. D'ailleurs, le Vatican lui aussi pousse dans le sens d'une élection avant le 25 mai. Ce qui constitue une divergence par rapport à la position du CPL et du 8 Mars qui estiment que la perspective d'un président fort, capable d'être un partenaire à part entière avec les autres composantes de la nation, vaut bien une vacance pour quelques mois. D'autant que selon des informations précises, au cours de la dernière rencontre entre le chef du courant du Futur Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, le premier aurait demandé un délai avant de donner une réponse définitive afin de « procéder à quelques arrangements internes ». En même temps, et contrairement à ce qui a été dit dans la presse, le retour au Liban de l'ambassadeur d'Arabie saoudite, Ali Awad Assiri, n'est absolument pas lié à l'échéance électorale. L'ambassadeur est revenu au Liban pour une courte période, le temps de faire ses adieux protocolaires aux responsables libanais à la veille de son départ pour le Pakistan où il vient d'être nommé. Autrement dit, l'Arabie saoudite n'a pas encore commencé à s'occuper sérieusement du dossier présidentiel libanais. Certains milieux diplomatiques pensent qu'elle attend l'évolution d'autres dossiers régionaux comme celui des élections législatives irakiennes. Ces milieux pensent ainsi qu'Ibrahim Jaafari, plus proche des Saoudiens, pourrait remplacer Nouri al-Maliki à la tête du gouvernement irakien, bien que tous les deux appartiennent au même bloc. Mais de toute façon, toujours selon ces mêmes milieux, il est de plus en plus question d'une visite secrète qu'aurait effectuée un responsable iranien à Riyad. Ce qui devrait donner une nouvelle impulsion aux relations entre l'Arabie et l'Iran qui aurait forcément des répercussions positives pour le Liban.
Le problème est que dans la région, les choses bougent lentement, alors que le temps presse au Liban. Pour tenter de rassurer le patriarche Raï, des personnalités du 8 Mars lui auraient proposé hier de paralyser les autres institutions étatiques si un nouveau président n'est pas élu avant le 25 mai. Les ministres du 8 Mars et alliés cesseraient ainsi de participer aux réunions du gouvernement et les députés de se rendre au Parlement. Ces personnalités ont affirmé au patriarche que le Hezbollah est d'accord pour exécuter un tel plan s'il peut rassurer Bkerké.
Selon les visiteurs d'hier à Bkerké, le patriarche aurait écouté attentivement cette proposition, tout en exprimant des réticences car il ne souhaite pas que le pays soit plongé dans une crise généralisée qui pourrait se répercuter sur la situation socio-économique. D'un autre côté, certaines ambassades occidentales ont eu vent de cette possibilité et elles ont immédiatement réagi en envoyant des émissaires à Bkerké pour tâter le terrain. Ces ambassades ne sont pas favorables à cette idée, d'autant qu'elles ont poussé en faveur de la formation d'un gouvernement rassembleur justement pour empêcher une déstabilisation du pays et une paralysie des institutions. Si cette idée devait se concrétiser, elle aboutirait à l'anéantissement de leurs efforts en vue de préserver la stabilité du Liban. Les personnalités du 8 Mars qui ont lancé cette proposition pensent qu'elle pourrait, dans ce contexte, constituer un moyen de pression sur les parties locales, mais aussi sur les instances internationales et régionales pour accélérer le processus de l'élection présidentielle. Ces personnalités précisent qu'au sein de l'administration américaine, il existe actuellement deux approches au sujet de la situation libanaise. La première estime que la préservation du 14 Mars est une priorité parce que son rôle n'est pas fini et la seconde estime au contraire qu'il est temps de redistribuer les cartes internes et de sortir de cette division verticale entre 8 et 14 Mars qui paralyse le pays depuis 2005. Cette division aurait ainsi fait son temps et il serait bon de passer à autre chose. C'est dans ce sens que cette approche appuie l'ouverture du CPL sur le courant du Futur. Le débat n'a pas encore été définitivement tranché. Ce qui augmente la confusion générale, interne et externe.
Liban - Éclairage
Le 8 Mars pourrait boycotter les réunions ministérielles après le 25 mai...
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 10 mai 2014 à 00h00
PAS POURRAIT.... MAIS : VA BOYCOTTER ! LE VIDE DU VIDE !!!
10 h 29, le 11 mai 2014