Le point commun aujourd'hui entre le général Michel Aoun et le chef des FL, ce sont les oiseaux du printemps qui gazouillent dans leurs jardins respectifs. Mais si Aoun les écoute à partir de son salon, pour le chef des FL, c'est plus difficile, les bâtiments de son nid d'aigle étant conçus comme ceux d'une forteresse imprenable, plutôt fermés sur l'extérieur. Mais les conditions strictes de sécurité qui pèsent sur le complexe de Meerab n'empêchent pas l'hospitalité et l'accueil chaleureux de toute l'équipe du chef des Forces libanaises, des simples gardes jusqu'aux conseillers.
D'emblée, le président du syndicat rappelle que le chef des Forces libanaises a intenté des procès en diffamation à de nombreux journalistes et Samir Geagea s'empresse de préciser qu'il ne s'agit pas d'une attitude personnelle, mais de la volonté de rappeler aux journalistes qu'il doit y avoir des garde-fous dans l'exercice de leur métier. Si ceux-ci ne sont pas respectés, il faut appliquer la loi... En tout cas, ce sujet fera l'objet d'une discussion plus approfondie.
Rapidement, Geagea passe au sujet de l'entretien, sa candidature à la présidence de la République. Il précise ainsi que tout au long de ces dernières années, il n'a jamais brigué un poste officiel, en dépit des conseils de son entourage sur son entrée au Parlement ou au gouvernement. Mais au cours des sept ou huit derniers mois, il a vu la rapidité avec laquelle les institutions sont en train de s'effondrer. Il a donc pensé qu'il fallait agir vite pour arrêter ce processus et pour cela procéder à un changement en profondeur. Après avoir consulté les membres du bureau exécutif des Forces libanaises, il a donc décidé de présenter sa candidature.
Celle-ci n'aurait-elle pas dû être le fruit de concertations avec Bkerké et les autres pôles maronites ? Or, il ne s'est pas rendu à la dernière réunion de ces pôles au siège patriarcal...
Geagea répond que les risques sécuritaires étaient évidents et qu'il en a discuté avec le patriarche Béchara Raï au téléphone. Il lui a ainsi demandé si cette réunion était extraordinaire pour qu'il prenne les mesures nécessaires ou s'il pouvait s'absenter, sachant qu'il est prêt à accepter tout ce qui fera l'objet d'une entente entre les participants.
Le chef des Forces libanaises précise aussi qu'il est difficile pour les pôles chrétiens de s'entendre sur un seul candidat puisque chacun d'eux représente un projet politique différent. Il ne pouvait donc pas y avoir de percée dans ce domaine et sur le reste, il était d'accord à l'avance sans avoir besoin de se déplacer, dans des circonstances aussi délicates. Il précise ainsi qu'à Bkerké, l'entente a donc porté sur la nécessité de ne pas boycotter la séance de vote même si un des candidats sent qu'il ne sera pas élu.
Geagea ajoute qu'on prétend vouloir la démocratie mais en même temps, on n'accepte pas le jeu démocratique. Pourquoi craindre les élections et chercher toujours le consensus ? « Allons donc aux élections et que le candidat qui obtiendra le nombre requis de voix gagne », dit-il.
À la question de savoir comment il compte s'y prendre avec la communauté chiite, Geagea répond que son programme n'est nullement d'affaiblir le Hezbollah, mais de renforcer l'État. C'est vrai que toutes les parties disent cela, mais en ce qui le concerne, il préfère fixer des critères qui se résument par l'application de la Constitution et des lois. Geagea affirme que les chiites du Liban sont une communauté attachée au Liban, qui, jusqu'à nouvel ordre, n'a nulle part ailleurs où aller. Il n'y a donc aucune ombre sur leur libanité. Le problème c'est qu'aujourd'hui, un parti chiite veut conserver des armes. Il faut donc voir si c'est autorisé par la loi. S'il s'agit de dire que c'est un droit parce que ce parti a résisté contre Israël, qu'est-ce qui empêchera demain, par exemple, le petit-fils de Farouk Mokaddem de vouloir créer une force armée sous prétexte que son grand-père a fait de la résistance et ainsi de suite ? Quant à dire que le Hezbollah protège le Liban contre les visées israéliennes, Geagea est convaincu que si l'État libanais ne peut pas défendre et protéger le Liban-Sud , il ne pourra pas dans ce cas protéger n'importe quelle autre région du pays.
(Analyse: I – Un processus en plusieurs étapes pour vider les fondements de l’État de leur essence)
Il répète aussi qu'il est porteur d'une vision globale qui porte sur l'idée de redorer le blason de la République, en appliquant la Constitution et la loi et en traitant les citoyens à égalité, avec justice. Mais cette vision n'est pas dirigée contre une partie en particulier.
Tripoli, le Hezb et ses armes...
Comment compte-t-il exécuter cela ? Geagea évoque la situation à Tripoli, qui a vécu un véritable enfer pendant trois ans avec près de 700 victimes et plusieurs milliers de blessés. Finalement, depuis qu'un ou deux ministres ont pris des décisions fermes, le calme est revenu. « Le Hezbollah lui aussi, lorsqu'il entendra des responsables lui dire franchement : "nous voulons appliquer la loi", il examinera la question avec sérieux », dit-il, insistant sur le fait qu'il faut de la clarté. C'est pourquoi il a demandé aux candidats d'avoir un programme clair. « Mais s'il faut attendre le règlement du conflit israélo-palestinien pour réclamer le retrait des armes du Hezbollah, cela signifiera qu'elles resteront entre ses mains pour les 350 prochaines années, s'il faut en croire les résultats de la dernière tournée du secrétaire d'État américain. »
Selon lui, la plupart des Libanais ont pris l'option de l'État, non celle des armes. C'est pourquoi l'État devra être en mesure de ramasser toutes les armes et de les placer sous son contrôle et la force de la légalité est loin d'être négligeable.
(Lire aussi: Timide combat d'arrière-garde du salafiste Chahhal à Tripoli)
Concrètement, comment compte-t-il s'y prendre pour désarmer le Hezbollah, d'autant que ce parti n'a craint ni Israël ni les États-Unis, pourquoi craindrait-il un nouveau président ? « Le premier pas, répond Samir Geagea en pesant ses mots, c'est de dire et ensuite d'attendre. La logique de l'État est contradictoire avec celle de la résistance. J'aurai avec moi la force de la légalité. Preuve en est ce qui se passe aujourd'hui à Tripoli et dans la Békaa. Pour donner un exemple concret, si je suis président et on m'apprend que Joseph Sader a été enlevé, je ferais tout jusqu'à ce qu'il soit libéré... Regardez ce qui s'est passé avec l'enlèvement du fils Sakr. Lorsque nous avons fermement dit que nous ne verserons pas de rançon, les preneurs d'otages l'ont relâché. »
Y a-t-il donc une possibilité d'affrontement entre l'armée et le Hezbollah s'il est élu ? « Je ne veux pas faire de guerre, affirme Geagea. Mais il faut être clair. Et si la situation arrive à l'impasse, je le dirais au peuple libanais, au Parlement, etc. De plus, dans ces circonstances, ceux qui ne veulent pas appliquer la loi n'auront plus une grande marge de manœuvre... »
Comment explique-t-il le fait que le 14 Mars n'ait pas encore adopté sa candidature?
« Il faut passer par diverses étapes, répond le chef des FL. Si vous voulez atteindre le quatrième étage, vous devez commencer par entrer dans l'immeuble. C'est ce que j'ai fait en présentant ma candidature. Je ne vous cache pas qu'il y actuellement des contacts intensifs au sein du 14 Mars pour adopter une position unifiée... »
Croit-il que sa candidature va être adoptée ? « Pour l'instant, je suis le candidat des Forces libanaises. Dans quelques jours, j'espère être celui du 14 Mars et dans quelques semaines, celui des Libanais », dit-il.
Pense-t-il que les élections auront lieu à la date prévue? « Je commence à sentir des possibilités de boycott de la séance par celui qui pense qu'il ne sera pas élu, répond le chef des FL, qui ajoute ne pas croire à l'éventualité d'une prorogation du mandat de Michel Sleiman, tout comme il ne croit pas non plus à la possibilité d'élire un fonctionnaire de l'État, car ces hypothèses ont besoin d'une décision prise à la majorité des deux tiers des députés. Ce qui est difficile à réaliser dans les circonstances actuelles. Il a conclu en disant que s'il est élu, il sera président de tous les Libanais avec le regard du 14 Mars. »
Lire aussi
Aoun, candidat de la solution ?, l'éclairage de Scarlett Haddad
Le patriarche Méouchi avait raison, la perspective de Michel Touma
Le triple enjeu, libanais, arabe et occidental, de la candidature de Samir
commentaires (9)
Ni Aoun Ni Geagea président! QU ILS RENONCENT TOUS LES DEUX ET IL Y AURA UN GRAND OUF DE SOULAGEMENT POUR TOUT LE LIBAN.
CBG
01 h 56, le 10 avril 2014