Si la grille des salaires et d'autres questions sociales brûlantes sont les vedettes déclarées de la semaine qui s'ouvre, avec la réunion aujourd'hui des commissions conjointes, celle du Conseil des ministres demain (en perspective de nouvelles nominations), et les deux journées parlementaires de mercredi et jeudi, la présidentielle continue d'être au centre de toutes les analyses et de toutes les spéculations, bien que rien de concret n'apparaisse encore à l'horizon, alors qu'on entre dans la troisième des huit semaines du délai constitutionnel pour l'élection d'un nouveau chef de l'État.
Le patriarche Raï a de nouveau mis en garde hier contre la tentation de « jouer avec l'échéance » comme avec un pion d'échiquier, sans en respecter le caractère fondateur pour toutes les institutions. Pour sa part, le ministre Waël Abou Faour, l'un des principaux intermédiaires au moment de la formation du nouveau gouvernement, a redit hier la préférence du PSP – et d'Amal, ajoutent les observateurs – pour une présidence consensuelle, tout en affirmant le droit absolu de tous les maronites jouissant de leurs droits civiques, de faire acte de candidature.
En clair, M. Abou Faour est en train de reconnaître à Samir Geagea le droit de briguer la présidence de la République, tout en affirmant que le bloc de Walid Joumblatt votera contre le chef des Forces libanaises.
Mais les mises en garde du patriarche Raï ne semblent pas peser lourd dans la balance que tient Nabih Berry, et les opinions de Walid Joumblatt qui se reflètent dans les propos de son lieutenant ne semblent pas impressionner outre mesure le chef des Forces libanaises.
Ainsi, indépendamment de l'avis de M. Abou Faour ou des objections d'un Fayçal Karamé, qui a mis en demeure le siège patriarcal de Bkerké de prendre position à l'égard de la candidature de celui que le leader tripolitain considère comme le meurtrier de son oncle, Rachid Karamé, M. Geagea poursuit son initiative. Dans ce cadre, il a reçu hier Nader Hariri, chef de cabinet de Saad Hariri, délégué par ce dernier pour la coordination indispensable entre leurs deux courants. Parallèlement, M. Geagea poursuit ses contacts avec les composantes chrétiennes du 14 Mars, pour expliciter le sens de sa candidature et plaider en sa faveur.
La position de Berry
Toutefois, ces contacts sont insuffisants pour que les éléments indispensables à la convocation du Parlement en collège électoral soient réunis. C'est ce que le président de la Chambre semble avoir retenu des conclusions de la commission parlementaire coiffée par Yassine Jaber, qui a achevé vendredi dernier sa mission de contacts préliminaires.
En gros, M. Berry constate que « la bonne volonté » est générale, mais que ni le 8 Mars ni surtout le 14 Mars n'ont encore choisi leurs candidats. Certes, M. Geagea a fait acte de candidature, note-t-on, mais ses alliés n'ont toujours pas avalisé cette initiative. Du côté du général Michel Aoun, aussi, un certain flottement se fait sentir, et tant que ce flou persiste, M. Berry ne peut fixer de date pour une séance de vote, affirme-t-on dans ses cercles.
D'autres considérations entrent aussi en jeu, et notamment celle du quorum des deux tiers des membres de l'Assemblée, soit 86 présents. Cet obstacle empêche également M. Berry d'aller de l'avant, puisque la séance de vote doit franchir deux sortes d'obstacles : celui du quorum des deux tiers (86 députés sur 128), exigible quel que soit le tour de scrutin, et celle de la majorité absolue de 65 voix que le futur président doit obtenir, à partir du second tour de scrutin, pour être élu (article 49).
Or, pratiquement, et en dépit des dispositions constitutionnelles, le président devra, dans tous les cas, être accepté par la majorité des deux tiers requise pour que le quorum soit atteint. Car il va de soi qu'en cas de candidature indésirable, les courants politiques qui s'y opposent, ne pouvant l'empêcher de réunir sur son nom la majorité absolue, s'emploieront tout simplement à torpiller le quorum. Point à la ligne.
C'est à tous ces détails que le président de la Chambre doit penser, avant de convoquer le Parlement, observe-t-on dans les couloirs de la place de l'Étoile, où l'on se montre hostile à tous les candidats de défi, qu'ils se nomment Michel Aoun ou Samir Geagea, Amine Gemayel ou Sleimane Frangié, et favorables à des candidats de compromis.
Et ces milieux d'ajouter que la présidentielle libanaise s'inscrit dans une constellation d'autres échéances constitutionnelles ou politiques régionales, avec lesquelles elle interfère qu'on le veuille ou pas : l'élection présidentielle en Syrie, en juin 2014, et la possible réélection de Bachar el-Assad, l'élection présidentielle de mai en Égypte, la fin de la période de six mois à l'issue de laquelle doit être évalué l'accord sur le nucléaire passé entre l'Occident et l'Iran – et par conséquent l'ouverture américaine sur l'Iran, etc.
C'est la raison pour laquelle ces milieux n'excluent pas un report de l'élection présidentielle, estimant que ce report n'est pas dramatique, puisqu'un gouvernement de nécessité nationale a pu être formé entre-temps.
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Le report de la bataille pour la présidentielle est devenue dans nos coutumes comme l' est le cas actuel de notre parlement qui sans demander une autorisation renouvelle son mandat .
14 h 33, le 07 avril 2014