On pensait avoir vu le pire à Athènes, lorsqu'à la veille de la cérémonie d'ouverture, les ouvriers s'affairaient pour rafistoler les dalles montées à la va-vite, ou peindre encore quelques façades déjà fissurées. Comme en 2004, les travaux des JO de Sotchi auront eu bien du retard, mais ce n'est pas tant à ce niveau-là que le monstrueux chantier de la ville du Caucase va marquer les esprits, bien loin du rêve olympique incarné par Pierre de Coubertin. « Plus loin, plus cher, plus fier », pourrait être la devise de ces Jeux que certains observateurs disent à la gloire de Vladimir Poutine et qui auraient jusqu'ici coûté la bagatelle de 50 milliards de dollars (environ 36 milliards d'euros).
Sorti de nulle part
Située dans la province du Krasnodar, la station balnéaire bordant la mer Noire n'avait à l'origine pas du tout les caractéristiques prérequises pour accueillir un tel événement planétaire. Et pour concrétiser le projet titanesque – accessoirement validé par les têtes pensantes du Comité international olympique – le gouvernement russe a engagé pas moins de 60 000 ouvriers. Au final, c'est bien une ville, voire une région entièrement repensée, avec des hôtels fastueux, des infrastructures routières et ferroviaires sorties de nulle part, pas moins de 12 tunnels et 77 ponts conçus en moins de quatre ans, des milliards de tonnes de terre et de gravats déplacés. L'idée des dirigeants russes est de faire de Sotchi « une destination de choix pour les sports d'hiver ».
(Repère : Les Jeux de Sotchi en quelques chiffres)
Un désastre écologique et humain
Transformer complètement une région isolée en « destination de choix » n'est pas sans incidence sur l'environnement. La vallée caucasienne de Krasnaya Polyana a pour ainsi dire été nettoyée. Ce sont en effet des forêts entières qui ont été rasées pour faire place au réseau routier flambant neuf. La station de Rosa Khutor et ses magasins de luxe a été dressée au beau milieu d'une forêt, nécessitant l'abattage de plusieurs milliers d'arbres. Les travaux réalisés avec une certaine pression des pouvoirs publics ont causé quelques désagréments écologiques, comme la pollution de la rivière Mzymta. Ses rives naturelles ont laissé place à des blocs de béton et le discours prôné par les organisateurs russes sur le développement durable semble être issu du recyclage.
Comme cela a été le cas au Qatar pour la construction des stades pour le Mondial 2022, de nombreuses associations ont fustigé le rôle de certains employeurs, peu regardants en matière de droit du travail. Des journées de travail de 12 heures, des salaires non versés, des passeports ou permis de travail confisqués, des jours de repos quasi inexistants, certains ouvriers ont vécu l'enfer.
Originaires d'Arménie, de Serbie, d'Ouzbékistan, du Kirghizistan, du Tadjikistan, ou encore d'Ukraine, plus de 16 000 ouvriers étrangers sont venus spécialement pour les travaux des Jeux. Cette main-d'œuvre disait être rémunérée entre 55 et 80 roubles russes de l'heure, soit entre 1,32 € et 1,90€, et dans bon nombre de cas, le premier mois de salaire a été « oublié », sans compter que les logements vétustes faisaient office de rémunération... La règle du jeu était simple : accepter ces conditions précaires, ou se voir expulser par les autorités après avoir été dénoncé par leurs employeurs peu scrupuleux. Certains n'avaient pas d'autre choix que de se plier aux règles.
Des habitants expulsés
Les travaux colossaux engagés depuis 2009, ont par ailleurs engendré quelques problèmes pour les locaux. Certains habitants ont ainsi vu leurs canalisations de gaz et d'eau coupées sur décision d'un juge, se retrouvant du jour au lendemain sans chauffage, ni eau courante. D'autres familles ont été priées de quitter purement et simplement leur logement pour permettre le bon déroulement des travaux.
En septembre 2012, la démolition d'une maison et l'expulsion forcée d'une famille comptant de jeunes enfants a été rapportée par Human Rights Watch. « Les autorités affirment que l'utilisation par les Khlistov du terrain et de l'habitation était illégale et elles ont assigné la famille en justice afin d'exproprier le terrain destiné au projet olympique », explique l'organisation humanitaire non gouvernementale.
Un système corruptif
Dans un reportage diffusé par BFM, Youlia qui vit à Sotchi explique son désarroi. « Le juge a décidé de couper l'eau donc je n'ai même plus de toilettes. Comme ma maison était loin de la route, je n'ai pas pu être relogée », a-t-elle-même précisé. Youlia est loin d'être la seule dans cette situation, et elle ne peut absolument rien faire d'autre que subir, car les lois concernant les Jeux olympiques prédominent sur les autres lois en vigueur. Et même lorsque ces lois prévoyaient des dédommagements, nombre d'habitants ont été floués, ne touchant pas le moindre rouble ou une somme dérisoire par rapport au tort subi. L'ONG Human Rights Watch a d'ailleurs pointé du doigt un système de corruption mis en place par les autorités locales, ces dernières gardant pour elles les indemnités fédérales prévues pour les expropriés.
Pendant la quinzaine des Jeux de Sotchi, les exploits des athlètes qui ont consacré une vie entière à leur discipline, feront assurément vibrer la planète entière. Nul doute que ces Jeux seront une réussite sportive et que la popularité de ce lieu incroyable créé en un temps record sera au rendez-vous. Mais ces Jeux en valaient-ils la chandelle ?
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commentaires (6)
IL FAUT COMPRENDRE QUE, MÊME SI NOUS SOMMES DES CHRÉTIENS, ET À PLUS FORTE RAISON DES ORTHODOXES, NOUS N'HÉSITONS JAMAIS À CRITIQUER LES RUSSES... MÊMES S'ILS SONT DES ORTHODOXES... LEçON DE DÉMOCRATIE À COMPRENDRE PAR LE FANATISME RELIGIEUX QUI SÉVIT DANS LES LOBES FANATISÉS DES DEUX FACES DE LA MÊME MONNAIE !!!!
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 02, le 04 février 2014