Si la formule des trois huit, « concédée » par le Hezbollah, a initié une ouverture du Futur sur le parti chiite, les entraves à la formation du prochain cabinet ne se sont toujours pas dissipées. Entre autres, la question de la rotation des portefeuilles reste contestée par le bloc du Changement et de la Réforme.
Mais c'est l'utilité d'un tel cabinet – et de la participation du 14 Mars – qui reste à définir. Une utilité remise en cause par l'attentat de Haret Hreik, le sixième contre une zone relevant du Hezbollah depuis le début de ses combats en Syrie.
Indépendamment des défaillances du mécanisme de prévention des attentats (la fiche d'identification du véhicule volé, qui a servi à l'opération kamikaze hier, avait été notifiée par l'armée aux services concernés), l'entente nationale déclarée ne suffirait pas à immuniser le pays. L'attentat d'hier aurait donc établi le lien direct entre les menaces sécuritaires et l'implication du Hezbollah en Syrie.
Ce lien est toutefois rejeté par le parti chiite, comme l'a rappelé hier le député Ali Ammar, présent sur le lieu de l'explosion. Reprenant la rhétorique habituelle sur « l'autre visage de l'ennemi », celui du terrorisme takfiriste, qui ne saurait « abattre le moral de la résistance », le député a en même temps glissé à deux reprises entre ses propos le concept de « la nécessaire entente », une réaffirmation du triptyque armée-peuple-résistance. « Ceux qui tentent de justifier ces attentats par la présence du Hezbollah en Syrie afin de faire chuter ce triptyque doivent comprendre que celui-ci reste une auréole autant utile pour le Liban que pour notre combat contre l'ennemi sioniste », a-t-il affirmé.
Ces déclarations annonceraient-elles une rupture avec l'engagement annoncé par le Hezbollah de renoncer à cette formule tripartite en contrepartie de la participation du Futur au nouveau gouvernement ? Sachant qu'il a été convenu d'élaborer la déclaration ministérielle postérieurement à la formation du cabinet, ces propos présageraient-ils d'éventuels désaccords à ce niveau ?
Selon un observateur centriste proche du dossier, la déclaration ministérielle – si encore le cap de la formation du cabinet est franchi – devrait être « concise » et exclure les points litigieux, tels que la formule armée-peuple-résistance.
Il paraît néanmoins peu probable d'occulter dans ce document la déclaration de Baabda, qui fait l'objet d'un appui international confirmé par la Russie. Le chef de l'État l'a valorisée hier encore, déclarant, devant les consuls réunis au palais présidentiel, que « la résistance se rendra compte que la déclaration de Baabda est nécessaire à sa protection ».
Parallèlement, le député Khaled Zahraman est allé hier plus loin que ses collègues du Futur en affirmant qu' « aucun cabinet ne sera formé sans les FL ». Ces dernières refusent jusque-là de prendre part au gouvernement tant que le Hezbollah ne s'est pas défait explicitement du triptyque armée-peuple-résistance, pour s'engager en faveur de la déclaration de Baabda.
Si le bloc du Changement et de la Réforme mène également un combat, il n'est pas près de renoncer à sa participation au prochain cabinet. Les observateurs rapportent le reproche de Michel Aoun à ses alliés d'avoir accepté sans réserve la rotation de tous les portefeuilles, y compris celui de l'Énergie et de l'Eau. Les milieux de Mousseitbé expliquent à L'Orient-Le Jour que ce sont les alliés du bloc aouniste qui devraient résoudre cette question.
Mais le député Alain Aoun a précisé à L'OLJ que le problème se situe avec le Premier ministre désigné et non avec le 8 Mars. « Ce dernier nous a clairement exprimé son refus de lâcher le principe de rotation des portefeuilles ». Ce refus ferme trahirait, selon les aounistes, « une intention de prolonger la durée de vie du gouvernement au-delà des trois mois qui le séparent de l'échéance présidentielle, et donc de ne pas respecter cette échéance ». « Sinon, pourquoi interrompre le travail déjà amorcé de certains ministères, comme l'Énergie et l'Eau, et les Télécoms, si c'est pour une durée limitée ? » s'est encore demandé Alain Aoun.
D'ailleurs, le chef du bloc du Changement et de la Réforme, le député Michel Aoun, l'a bien souligné hier, accusant « la compromission suspecte du principe de continuité ». S'exprimant à l'issue de la réunion hebdomadaire de son bloc, il a indiqué que « la rotation ne vaut qu'au début d'un nouveau mandat législatif et sur la base de l'équité ». « Nous refusons de compromettre la représentation équitable des chrétiens », a-t-il ajouté.
Si Alain Aoun a opposé un « non » clair à la question de savoir si son bloc renoncerait à une participation au prochain cabinet, les milieux centristes n'excluent pas la possibilité de recourir à l'option d'un cabinet neutre, au cas où les obstacles persisteraient. L'éventualité de cette option subsidiaire, évoquée la veille par le chef de l'État, a été encore soulevée hier par le ministre sortant de l'Intérieur.
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commentaires (5)
Comment le hezbollah a fait ...? pour s'attirer autant d'ennemis ...avec son triptyque magique...?
M.V.
12 h 30, le 22 janvier 2014