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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Il faut mettre un coup d’arrêt à la contagion de la crise syrienne

« Le gouvernement syrien a lancé non sans perversité une attaque à coups de barils de TNT contre Alep. » Zein al-Rifai/AFP

La guerre civile syrienne est devenue un problème terriblement complexe. Alors que les parties se préparent à la deuxième phase des pourparlers de paix sous l'égide de l'ONU, Genève 2, le gouvernement syrien a lancé non sans perversité une attaque à coups de barils de TNT contre Alep et d'autres villes. Des groupes rebelles d'obédience islamiste modérée, dont l'Armée syrienne libre, sont ouvertement en guerre contre les groupes proches d'el-Qaëda, tandis que ces derniers se battent entre eux.

Pendant ce temps la guerre s'étend. Les combats accroissent l'instabilité régionale ; des Américains et des Européens arrivent nombreux en Syrie pour rejoindre le jihad et un consensus est en train de s'établir autour de l'idée que c'est la fin des frontières établies au Moyen-Orient après la Première Guerre mondiale. La viabilité de la Syrie en tant que pays multiethnique est menacée par de nombreux groupes armés soutenus par des puissances extérieures – l'Iran, l'Arabie saoudite, le Qatar, la Russie, les USA, la Turquie, la France et de nombreux acteurs privés – qui ont des objectifs contradictoires.

Voici trois propositions pour simplifier le problème, augmenter les chances de réussite de la conférence de paix Genève 2 et n'aboutisse par uniquement à reconnaître la nécessité d'une conférence ultérieure Genève 3.

1) L'objectif premier de Genève 2 devrait être de peser sur les motivations des principales parties de manière à favoriser un accord négocié et une transition politique en Syrie. Lors de la préparation de la conférence, chacune des parties a cherché à renforcer sa position en tuant autant d'ennemis que possible et en occupant ou regagnant le maximum de terrain. La tâche des médiateurs de paix potentiels serait de mettre un coup d'arrêt à cette dynamique en s'accordant sur les conditions de participation à toute élection qui pourrait finalement se tenir – indépendamment du fait qu'Assad reste ou non au pouvoir jusque-là.
Ces conditions doivent inclure l'engagement des parties d'autoriser l'aide humanitaire à parvenir à tous les civils syriens dans les zones sous leur contrôle et de mettre fin aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité – notamment les exécutions de prisonniers de guerre, les attaques contre le personnel médical et le fait d'affamer les populations en état de siège. L'ONU doit réaffirmer sa responsabilité de protéger qui n'est en rien un prétexte pour une intervention militaire, mais un principe fondamental reconnu par toutes les parties : les États doivent protéger leurs citoyens. Si le parti Baas d'Assad ne remplit pas cette obligation, il perd toute légitimité pour participer à un futur gouvernement.

2) La communauté internationale doit réexaminer les bases de son engagement. Au début il s'agissait d'un conflit interne à la Syrie, l'intervention de l'ONU se limitant aux questions humanitaires et aux réfugiés. Mais maintenant le conflit fait tache d'huile dans toute la région, déstabilisant le Liban et la Jordanie, et menaçant d'entraîner l'éclatement de l'Irak. Le Conseil de sécurité a la responsabilité d'intervenir en cas de menaces sur la paix ou d'actes de guerre sur le plan international, ce qui est manifestement le cas dans la crise syrienne.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie a l'obligation d'agir ; elle ne peut plus longtemps se réfugier (comme la Chine) derrière l'argument selon lequel l'ONU ne doit pas intervenir dans les affaires intérieures de la Syrie. Au moment où les Jeux olympiques d'hiver de Sotchi placent la Russie sous les projecteurs de l'actualité, les USA et les autres pays membres du Conseil de sécurité devraient adopter un ensemble de résolutions qui mettent le Kremlin au pied du mur : soit assumer ses responsabilités au sein du Conseil, soit user directement de son influence pour mettre fin au conflit.

3) Le président Obama doit mettre à nouveau sur la table la menace crédible du recours à la force. En trois ans d'un conflit de plus en plus meurtrier il y a eu un seul succès : l'avancée diplomatique réalisée lorsque Assad s'est senti sous la menace d'une frappe américaine et a soudain compris la nécessité de se débarrasser de son armement chimique. Mais la plupart des experts estiment que l'option militaire n'est plus envisagée. L'opinion publique américaine a clairement rejeté les frappes par des missiles de croisière prévues par Obama pour répondre à l'utilisation répétée d'armes chimiques par Assad. Selon un récent sondage de l'institut Pew, la majorité des Américains estiment qu'en matière de politique étrangère, les USA « doivent s'occuper de leurs propres affaires et laisser les autres pays se débrouiller au mieux par eux-mêmes ». Obama doit regarder au-delà des sondages, notamment quand il s'agit de la sécurité nationale. Les USA se sont retirés d'Afghanistan et d'Irak, mais c'est au prix de la quasi-annihilation des gains si difficilement obtenus. El-Qaëda est de retour et combat pour créer son propre proto-État à l'ouest de l'Irak et à l'est de la Syrie, ce qui est bien plus proche de l'Europe et des USA que les grottes d'Afghanistan.

Peut-être Obama pense-t-il que lui-même ou son successeur sera en mesure de faire face à la menace qui se dessine. Si les USA se sentaient menacés par des opérateurs d'el-Qaëda depuis un État islamique d'Irak et de Syrie, il leur suffirait d'utiliser des drones pour en venir à bout – ils y ont déjà eu recours en Afghanistan, au Pakistan et au Yémen. S'ils sont prêts à envisager dans l'avenir l'utilisation de la force contre el-Qaëda sans y être autorisés par les instances internationales, pourquoi ne pas utiliser dès à présent des drones pour renforcer l'opposition syrienne modérée et contraindre Assad à négocier ? En septembre dernier, la menace de frappe au moyen de missiles de croisière a suffi pour que les membres d'el-Qaëda en Syrie s'éparpillent dans les collines. Une frappe destinée à détruire les forces aériennes d'Assad et à l'empêcher de lancer des bombes remplies de clous sur son peuple le pousserait à se concentrer sur une solution diplomatique.

Obama devrait annoncer que les USA veulent d'une solution politique en Syrie et que son gouvernement fera tout ce qu'il faut pour y parvenir lors de la conférence de paix qui doit se tenir cette semaine et au moment de la mise en œuvre des décisions qui suivront. Mais sans cessez-le-feu au cours des trois prochains mois, les USA devraient coopérer avec les organisations régionales et avec tous les amis du peuple syrien pour parvenir à des frappes militaires contre les forces liées à el-Qaëda et contre la machine à tuer que le gouvernement d'Assad dirige contre les civils. Obama devrait expliquer au peuple américain que cette politique a pour objectif de répondre aux menaces contre la sécurité de leur pays. Si la conférence de paix Genève 2 échoue, Genève 3 ne traitera pas seulement de la Syrie, mais d'une guerre qui aura embrasé le Moyen-Orient.

Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz.
© Project Syndicate, 2014.

 

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