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À La Une - Société

La femme libanaise, entre lois de « Dieu » et lois des hommes (II)

À l’heure où la société civile exprime toujours de fortes réserves au sujet de certaines clauses du projet de loi contre la violence domestique, « L’OLJ » propose un tour d’horizon général autour du statut de la femme et de l’enfant au sein de plusieurs communautés religieuses. Aujourd’hui, c’est le point de vue des sunnites, des chiites et des autorités judiciaires qui est donné*.

Les femmes sont encouragées à rapporter les abus dont elles sont victimes.

Le cheikh Mohammad Nokkari, juge au tribunal chérié sunnite, enseignant à la faculté de droit et à l’Institut d’études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph et ancien directeur général de Dar el-Fatwa, explique le regard que porte l’islam sunnite sur la femme en se basant sur le Coran et la sunna. Cheikh Nokkari replace les positions de l’islam dans leur contexte historique et rappelle le rôle important qu’a joué le Prophète dans la réhabilitation de la femme. « Il est utile de rappeler, ici, la pratique qui était en vigueur en Arabie antéislamique, lors de la naissance des filles : elles pouvaient être enterrées vivantes. Dès le début, le Coran a condamné avec une extrême rigueur l’infanticide et les sentiments abaissants et humiliants envers les filles. Dans la sunna, nous trouvons aussi plusieurs textes mentionnant ces pratiques condamnables ainsi que la position du Prophète en faveur des filles. Au moment de l’annonce par le Prophète, à ses compagnons, de la naissance de sa fille Fatima, il remarqua qu’ils étaient devenus muets et tristes. Il leur dit, parlant de sa fille : “Qu’est ce qui vous arrive ? C’est une fleur que je sens”. » D’autres textes de la sunna vont encore plus loin, privilégiant les descendances féminines qui assurent à leurs parents des récompenses divines dans ce monde et dans l’autre », poursuit cheikh Nokkari.


Concernant la polygamie, il souligne l’avancée réalisée par l’islam à ce niveau. « Quatorze formes de mariage existaient en Arabie avant l’islam. Elles ont été formellement interdites et limitées par le Prophète à la seule que nous connaissons aujourd’hui. Nous retiendrons à titre d’exemple : “al-Istibdal” lorsque plusieurs hommes s’entendaient à échanger leurs partenaires d’une façon définitive (ou provisoire “al-taarjoh”). Ou “al-moqot”, lorsque l’époux décédait et laissait des enfants adultes. L’aîné parmi les enfants héritait la femme de son père qui devenait sa femme. Il pouvait aussi la laisser à un de ses frères si ce dernier était intéressé. Ou encore “al-chigar”, lorsque le père donnait sa fille en mariage à une personne et en contrepartie il épousait la fille de celui-ci », rappelle-t-il.


Cheikh Nokkari explique qu’aujourd’hui le mariage en islam est « un accord entre l’homme et la femme, un contrat où la femme peut inclure toutes les clauses qui lui conviennent, dont la possibilité de préciser le montant de la dot avancée et de la dot reculée, d’interdire au mari de contracter d’autres mariages ou la possibilité de s’octroyer le droit de réclamer elle-même le divorce en cas de mésentente conjugale ». « Cependant, poursuit-il, rares sont les femmes qui demandent d’exercer leurs droits ou qui daignent se pencher d’avantage sur les clauses de leurs contrats de mariage. »
Il est intéressant de noter que bien que cheikh Nokkari informe les femmes de leurs droits, beaucoup ressentent de la pudeur face à la possibilité de les revendiquer ou estiment la réclamation écrite de leurs droits comme une audace ou une façon de douter dès le premier jour de la fiabilité de leurs époux. Par ailleurs, cheikh Nokkari rapporte le témoignage de nombreuses femmes qui disent bien vivre la polygamie de leurs époux. « Certaines peuvent être très copines entre elles. D’autres préfèrent demeurer l’épouse de leurs maris, quitte à ce qu’il contracte un deuxième mariage, plutôt que d’avoir à assumer socialement et financièrement le statut de femmes divorcées », selon ses explications. Néanmoins, cheikh Nokkari affirme que l’islam conseille la monogamie « sauf dans les cas exceptionnels de stérilité ou de maladie de la femme par exemple ».

 


La sexualité
Par ailleurs, au niveau sexuel, l’islam interdit formellement l’inceste, et, au sein de la relation sexuelle conjugale, la violence sexuelle et le viol. Sont interdites, par ailleurs, les relations sexuelles pendant les menstrues, la pénétration anale et les pratiques qui pourraient nuire à l’un des époux, selon l’avis des médecins spécialistes. Parmi les droits de la femme, on souligne que l’homme doit accomplir l’acte sexuel avec son épouse au moins une fois tous les quatre jours et aussi en fonction de leurs besoins afin qu’elle puisse assouvir son plaisir. À l’aspect quantitatif se joint l’aspect qualitatif des rapports sexuels. Plusieurs textes prononcés par le Prophète incitent le mari à l’accomplissement des caresses et des baisers avant l’acte sexuel. Le Prophète dit : « Que l’un d’entre vous ne tombe pas sur sa femme comme le font les animaux. Qu’il y ait entre eux un messager. » On demanda : « Qu’est-ce que le messager ? » Le Prophète répondit : « Le baiser et la parole. » Le Prophète dit également : « Trois choses relèvent de l’impuissance chez l’homme : le fait que l’homme approche son épouse, qu’il l’honore avant qu’il ne lui ait parlé et qu’il se soit rendu agréable. Il couche alors avec elle, satisfait son propre besoin, avant qu’elle-même n’ait satisfait le sien », parce que pour le Prophète, la sexualité engage deux individus et qu’il n’y a pas de sexualité épanouie sans échange. Aucun des deux époux donc n’est en droit d’imposer à son conjoint une pratique sexuelle qui lui répugne.


Ainsi, toute fille ou toute femme violentée selon les critères cités ci-dessus, ou incestée, est en droit de porter plainte devant les tribunaux. Beaucoup d’hommes, et parfois de femmes, interprètent la charia selon leur convenance sans chercher à approfondir et à alimenter leurs connaissances avec toutes les nuances et la symbolique des versets coraniques, élevant au nom du chareh leurs filles dans une soumission absolue aux hommes et dans la négation de soi et leurs fils dans une toute-puissance, qui est, à y regarder de près, même religieusement illégitime.
Au niveau des lois qui régissent le statut personnel, en cas de divorce, la femme a la garde des enfants jusqu’à l’âge de douze ans, le juge ayant la possibilité de reconsidérer l’application de la loi au cas par cas, selon l’intérêt de chaque enfant.


Concernant les questions d’héritage, en cas de décès du père (si ce dernier n’avait pas procédé de son vivant à la distribution de ses biens à ses enfants d’une manière équitable entre garçons et filles), l’homme hérite du double de sa sœur mais dans ces cas-là, cette dernière est en droit de lui réclamer, auprès des tribunaux, la version d’une pension mensuelle, si elle se trouve dans le besoin.

* Voir «L’Orient-Le Jour» du jeudi 10 octobre 2013.


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