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À La Une - Société - Droits de la femme

La femme libanaise, entre lois de « Dieu » et lois des hommes (1)

À l’heure où la société civile exprime toujours de fortes réserves au sujet de certaines clauses du projet de loi contre la violence domestique, « L’OLJ » propose un tour d’horizon général autour du statut de la femme et de l’enfant au sein de plusieurs communautés religieuses.

Une des affiches de l’ONG Kafa.

Le dimanche 7 juillet 2013, Roula Yacoub, 32 ans, est décédée dans la localité de Halba dans le Akkar. Elle avait été battue à mort par son mari. Ce n’était pas la première fois qu’il la battait. Elle n’est pas la première femme libanaise victime de violences domestiques. Elle ne sera pas la dernière. Beaucoup de pères, de frères, d’époux s’accordent le droit de disposer du corps de leurs filles, de leurs sœurs, de leurs femmes. Ils en font leur propriété. Ce statut de femme-objet est malheureusement légitimé par le silence des autres femmes, les grands-mères, les mères, les sœurs, les belles-mères, les belles-sœurs de ces femmes qui sont victimes elles aussi, mais qui sont en même temps souvent complices de la violence des hommes.


Pourquoi ? Quelles sont les lacunes au niveau de la législation ? Qu’est-ce qui justifie ces dérives alors que le Liban a ratifié la Charte universelle des droits de l’homme et reconnaît par voie de conséquence l’article 1 qui stipule que tous les êtres humains naissent libres et égaux et bénéficient des mêmes droits ? Pourquoi maintenir la discrimination entre les sexes (le crime dit d’honneur ayant été légitimé au Liban jusqu’en 1999 et n’ayant été considéré comme crime pénal qu’en 2011 seulement) ?


Qu’est-ce qui empêcherait l’instauration d’un système de lois uniques qui accordent et qui protègent les droits de la femme libanaise ? Est-ce dû à la présence de plusieurs communautés religieuses qui ont chacune son propre statut personnel, en accord avec ses croyances spirituelles et culturelles ? Sera-t-il possible d’unifier la multitude de lois, de sources de législation et de juridictions pour protéger les droits de la femme libanaise ?
L’ONG Kafa a témoigné au nom des femmes victimes de violence familiale. Des hommes de religion ont donné le point de vue de leurs communautés respectives sur le statut de la femme et ses droits. Des hommes de loi ont explicité certaines législations relatives aux droits de la femme au Liban et exposé les magouilles politiques qui retarderaient leurs amendements. Leurs explications se croisent-elles ?


Rima Abi Nader, responsable du centre d’écoute et de counseling à Kafa, nous rappelle d’abord ce que fait l’association, une ONG non politique, non religieuse, non confessionnelle, fondée en 2005. « Kafa travaille pour l’arrêt de toute violence contre des femmes ainsi que l’exploitation de celles-ci, et combat sur les plans légal et social tout genre de discrimination sexuelle dans le but d’aboutir à un statut juridique qui assure l’égalité des deux sexes. Les femmes qui peuvent s’adresser à l’ONG sont les victimes de violence familiale ou conjugale. Cette violence peut être morale, psychologique, sexuelle, verbale, physique et économique », explique-t-elle, en précisant que Kafa reçoit « chaque année 200 nouvelles demandes de femmes victimes de violences ». « Ces femmes n’ont souvent personne à qui s’adresser et manquent d’informations quant aux moyens légaux d’y faire face. Elles sont souvent désemparées, surtout que les agents de la police les renvoient chez elles quand elles essaient de porter plainte contre leur époux », déplore Mme Abi Nader.
Pudeur injustifiée ? Machisme ? Manque de formation professionnelle ? Absence de lois ? Quoi qu’il en soit, la violence contre la femme ou l’enfant demeure pour de nombreux médecins et pour la justice de l’ordre des affaires familiales privées.


Ce que Kafa veille néanmoins à assurer aux femmes qui la sollicitent, ce sont les services gratuits d’un
médecin légiste, la possibilité de consulter un avocat pour s’informer des droits qui régissent les statuts personnels de la communauté religieuse à laquelle elles appartiennent, et une prise en charge psychothérapeutique pour rétablir leur confiance en soi, car ces femmes sont souvent psychologiquement démolies et ont déjà subi, pour la plupart, d’autres abus dans l’enfance. L’objectif de Kafa est donc d’armer psychologiquement et légalement les femmes victimes de violences afin qu’elles soient en mesure, après un moment, de se ramasser et de reprendre leur vie en main. Mais son action reste malheureusement limitée à cause de l’absence de lois qui protègent la femme victime de violences ou de harcèlements. C’est ce qu explique le combat de Kafa pour obtenir une nouvelle législation sanctionnant la violence contre les femmes.


Il est par ailleurs intéressant de relever que les bailleurs de fonds de Kafa sont tous européens. Aucun Libanais. Aucun Arabe. Ce constat permet, à lui seul, de mesurer à quel point, au Liban et dans le monde arabe, la réhabilitation morale, judiciaire, physique et psychologique de la femme est négligée.

 

(Demain, le point de vue des communautés sunnite et chiite, ainsi que celui des autorités judiciaires)



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