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À La Une - Crise

Liban : annulations et fermetures en série dans presque tous les secteurs

Les professionnels craignent que la tendance ne se poursuive et n’affecte des grands noms du tourisme.

Le Hard Rock Café a récemment annoncé sa fermeture définitive à l’hôtel Bayview, à Aïn Mreissé, tout en annonçant une possible réouverture dans un autre quartier.

Dire que pour l’ensemble de l’économie libanaise, l’année n’a pas été rose serait à ce stade un euphémisme. Après les multiples turbulences politico-sécuritaires, le boycott du pays par les monarchies du Golfe, un ramadan qui coïncide avec la saison estivale... le coup de grâce a été porté fin août par la série noire des attentats et les frappes brandies par les États-Unis contre la Syrie.
Pour les organismes économiques, ce n’est pourtant pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme, lancé des cris de colère à répétition, pour finalement décréter une journée de grève ouverte. Mais ces appels désespérés ne semblent pas avoir précipité la formation d’un gouvernement ni même avoir suscité le soutien d’une classe politique qui fait la sourde oreille.
Alors, ce qui devait arriver arriva. Commerces, restaurants, événements, concerts... la vague d’annulations et de fermetures en série a bien fini par déferler sur le Liban. Aucun secteur n’a été épargné. Pire, les professionnels craignent que la tendance ne se poursuive et n’affecte des grands noms du tourisme libanais.
En effet, après le Buddha Bar, l’an passé, emblème mythique de la nuit beyrouthine, le Hard Rock Café a récemment annoncé sa fermeture définitive à l’hôtel Bayview, à Aïn Mreissé.

De « grandes enseignes pourraient disparaître... »
Tony Ramy, secrétaire général du syndicat des restaurateurs, a estimé à une centaine le nombre d’établissements à avoir mis la clef sous la porte ces quatre derniers mois. « L’activité du secteur est en chute libre depuis 2011, relève-t-il, mais ces six derniers mois, un phénomène nouveau est apparu. Les professionnels sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir payer leurs dettes auprès des banques, rembourser les fournisseurs et même verser les salaires. C’est ainsi qu’ont commencé les vagues de fermetures, les intérêts se cumulant auprès des banques. »
Le professionnel ajoute que d’autres grands noms de la restauration, implantés depuis longtemps au Liban, pourraient aussi bientôt devoir mettre la clef sous la porte. « Pour les hôtels, la situation est encore plus grave, étaie-t-il, certains propriétaires ayant été obligés d’hypothéquer leurs biens auprès des banques pour s’en sortir... » (L’Orient-Le Jour a à cet égard tenté de joindre Pierre Achkar, le président du syndicat hôtelier, lequel n’était pas disponible.)

 

(Lire aussi: Les nuits en hôtels ou appartements meublés en baisse de 22,5 % en 2012)


Quant aux restaurants qui demeurent, l’heure est évidemment aux économies de toutes parts. « Bien sûr qu’il y a eu des licenciements, des coupes dans les salaires, se désole Tony Ramy. Certains restaurants ont même dû diminuer la qualité des prestations pour pouvoir survivre... » Les établissements faisant partie du syndicat travaillent, eux, avec la Banque du Liban (BDL) et Kafalat (organisme semi-étatique de soutien aux petites et moyennes entreprises) pour obtenir des prêts à intérêts subventionnés.
« En 65 ans de métier, c’est la première fois que l’heure est aussi grave, conclut Tony Ramy. Il faut que les politiciens se réveillent. »
Alors que le secteur de la restauration emploie directement 150 000 personnes au Liban, il en ferait vivre 500 000 indirectement, c’est donc un pilier de l’économie libanaise qui est aujourd’hui en danger. D’autant que restauration et hôtellerie riment tous deux avec tourisme. Ces établissements ne sont rien sans les visiteurs qui viennent chaque année profiter de la célèbre « nightlife » libanaise, assister aux nombreux concerts ou encore visiter les sites historiques de Baalbeck, Tyr ou encore Beiteddine. Mais dans de telles conditions politico-sécuritaires, quel touriste a-t-il encore envie de venir s’y aventurer ?

La résistance culturelle ?
Après la délocalisation du Festival de Baalbeck, l’annulation du Festival de jazz de Beyrouth qui devait se tenir dans les souks du centre-ville les 5 et 6 septembre, ce fut au tour du plus grand festival de musique électronique au Moyen-Orient, Creamfields, d’avoir dû annuler sa première au Liban. Cet événement, inédit, animé par 17 DJ de renommée internationale, devait durer seize heures d’affilée sur trois stades différents et accueillir plus de 15 000 personnes début septembre. Mais après les explosions et les restrictions de voyage émises par plusieurs gouvernements, les organisateurs du festival JK58 n’ont eu d’autre choix que celui de l’annulation. Pour ce collectif formé de jeunes artistes trentenaires, ce fut l’atterrement.
L’événement avait nécessité plus d’un demi-million de dollars d’investissement, et près de 800 personnes avaient été mobilisées pour le jour J. Les pertes ont ainsi été estimées entre 300 000 et 400 000 dollars par les organisateurs. « Nous essayons de récupérer l’argent des artistes, explique Jean-Karl Saliba, un des organisateurs, et de nous arranger avec les assurances, mais c’est difficile. »
Si la facture est salée pour le collectif, leur motivation est, elle, restée intacte. « Nous savions que le Liban était un marché instable, nous connaissions les risques et acceptons les conséquences, conclut Jean-Karl. Nous souhaitons continuer à revendiquer le rôle de la musique comme échappatoire et continuer à inviter des artistes de renommée internationale à venir jouer au Liban. Mais si les Libanais eux-mêmes commencent à être découragés, imaginez les autres... »

 

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