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À La Une - Violences

Nouvelles violences en Egypte après un bain de sang sans précédent

Le pouvoir égyptien autorise la police à tirer à balles réelles sur quiconque s'en prendrait à des bâtiments officiels ou aux forces de l'ordre.

La place Rabaa al-Adawiya, au Caire, et sa mosquée, partiellement brûlée. REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

De nouvelles attaques ont visé jeudi les forces de sécurité en Egypte au lendemain de la répression de manifestants favorables au président islamiste destitué, qui a causé la mort de près de 600 personnes, un bain de sang unanimement condamné à l'étranger.

 

Loin de chercher l'apaisement, le pouvoir égyptien mis en place par l'armée a annoncé avoir autorisé la police à tirer à balles réelles sur quiconque s'en prendrait à des bâtiments officiels ou aux forces de l'ordre, faisant craindre de nouvelles violences sanglantes.

Cette annonce du ministère de l'Intérieur a été faite après une attaque contre le siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort de neuf policiers et militaires, attribuées à des "islamistes" notamment dans la péninsule instable du Sinaï.


Le gouvernement avait auparavant salué la "très grande retenue" de la police après la dispersion mercredi des deux camps érigés au Caire par les partisans du président Mohamed Morsi destitué et arrêté le 3 juillet par l'armée, et les violences qui se sont propagées ensuite dans tout le pays.

Le dernier bilan de l'assaut lancé par les forces de l'ordre, mercredi, contre des campements des partisans du président destitué Mohamed Morsi est particulièrement lourd : au moins 623 personnes ont été tuées, dans leur très grande majorité des civils. Le précédent bilan était de 578 morts, dont 535 civils. Il s'agit là de la journée la plus meurtrière de l'histoire récente de l'Egypte.

 

Malgré le violent assaut contre les camps pro-Morsi, les Frères musulmans, l'influente confrérie du président destitué dont la plupart des dirigeants sont arrêtés, ont appelé à de nouvelles manifestations.

Mais à l'entrée du couvre-feu instauré depuis la veille et pour un mois, à partir de 19H00 (17H00 GMT), aucun défilé n'avait eu lieu au Caire.

Le couvre-feu est entré en vigueur au Caire et dans la moitié du pays où l'état d'urgence a été aussi rétabli pour un mois, alors que la levée de cette dernière mesure avait été un des acquis de la révolte populaire de 2011 ayant conduit à la chute du régime de Hosni Moubarak.

 

Des manifestants sont toutefois descendus dans la rue à Alexandrie (nord) et à Beni Soueif au sud du Caire. "Nous reviendrons, en hommage à nos martyrs", scandaient les manifestants à Alexandrie, en référence aux centaines de partisans de la confrérie islamiste tués mercredi.

"Nous serons toujours non violents et pacifiques. Nous restons forts, mobilisés et déterminés", a écrit jeudi matin un des porte-paroles de la confrérie, Gehad El Haddad, sur son compte Twitter. "Nous allons continuer jusqu'à ce que le coup d'Etat militaire soit mis en échec", a-t-il ajouté.

 

Après une attaque  contre le siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort, à travers le pays, de neuf policiers et militaires, attribuées à des "islamistes", le ministère de l'Intérieur a annoncé publiquement sa décision d'autoriser ses hommes à utiliser des balles réelles contre quiconque s'en prendrait à des bâtiments officiels ou les forces de l'ordre.

 

 

Un campement pro-Morsi, au lendemain de l'assaut. AFP/KHALED DESOUKI

 

 

Identifier les proches

Après la dispersion des camps dans le sang, des images aériennes filmées de nuit ont montré le village de tentes des pro-Morsi en feu sur la place Rabaa al-Adawiya, occupée depuis plus d'un mois par des milliers de manifestants dont des femmes et des enfants.

Plus de 200 cadavres dans des linceuls blancs étaient alignés jeudi au sol dans la mosquée voisine d'al-Imane tandis que des volontaires tentaient d'établir la liste des noms des victimes.

Selon le chef des services d'urgence égyptiens, plus de 200 personnes ont péri sur la seule place Rabaa al-Adawiya. Les Frères musulmans, eux, évoquent 2.200 morts et plus de 10.000 blessés.

Autre victime, un caméraman de la chaîne britannique Sky News qui a été tué par balle.

 

Des dizaines de personnes, le visage couvert pour se protéger des odeurs, venaient identifier leurs proches. Parmi eux, une femme a affirmé à l'AFP se recueillir sur la dépouille de sa fille. Une autre a hurlé en découvrant un corps calciné sous un linceul.

 

"Les instructions étaient de n'utiliser que les gaz lacrymogènes, pas d'armes à feu", avait assuré, mercredi, le ministre de l'Intérieur. "Mais quand les forces de sécurité sont arrivées, elles ont été surprises par des tirs nourris".

 

(Reportage : Le chaos et le sang)

 

 

 Un bénévole, épuisé, dort à côté des cadavres entreposés dans une mosquée du Caire. AFP /MAHMOUD KHALE

 

 

Profondes divisions

L'intervention des forces de l'ordre et le bain de sang qu'elle a déclenché ont suscité l'indignation à travers le monde, la communauté internationale, qui avait tenté une médiation pour éviter ce bain de sang, condamnant un "massacre" et certains mettant en garde contre "la guerre civile".

 

Dans le pays, où les Egyptiens étaient descendus en masse dans les rues fin juillet pour "donner mandat" à la toute-puissante armée afin d'en finir avec le "terrorisme" en référence aux milliers de manifestants pro-Morsi qui occupaient deux places du Caire depuis un mois et demi, plusieurs figures d'importance se sont désolidarisées de l'opération meurtrière.

Le vice-président Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix qui avait apporté sa caution au coup de force des militaires, a démissionné, disant refuser "d'assumer les conséquences de décisions avec lesquelles il n'était pas d'accord". Avant lui, l'imam d'Al-Azhar, plus haute autorité de l'islam sunnite, avait condamné les violences.

 

Ces annonces ont mis au jour les profondes divisions au sein de l'attelage que l'armée tentait de préserver depuis son coup de force. Les faucons semblent désormais l'avoir emporté face aux partisans du dialogue, dont M. ElBaradei était le fer de lance.

 

(Lire aussi : La presse internationale indignée par les violences en Egypte)

 

La presse égyptienne, largement acquise à l'armée, saluait, à l'image du quotidien gouvernemental Al-Akhbar, "La fin du cauchemar Frères musulmans", aux côtés de photos montrant des manifestants armés.

 

Le pouvoir avait sommé maintes fois les manifestants pro-Morsi de se disperser sous peine de le faire par la force, mais ceux-là ont refusé, disant vouloir rester sur place jusqu'au rétablissement de M. Morsi dans ses fonctions.

 

Avant l'assaut, les heurts en marge de manifestations pro et anti-Morsi et les attaques contre les forces de sécurité dans le Sinaï ont fait plus de 300 morts depuis fin juin.

 

Le nouvel homme fort du pays, le chef de l'armée le général Abdel Fattah el-Sissi, avait invoqué les millions de manifestants pour destituer le 3 juillet M. Morsi, accusé d'avoir accaparé le pouvoir et d'avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

Les pro-Morsi dénoncent un coup d'Etat contre le premier président démocratiquement élu du pays et refusent de participer au processus de transition.

 

 

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