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Moyen Orient et Monde - Reportage

Le chaos et le sang

Des partisans du président destitué Mohamed Morsi évacuent l'un des leurs, blessé lors de l'assaut des forces de l'ordre contre les campements des islamistes au Caire, le 14 août 2013. REUTERS/Asmaa Waguih

D’abord les gaz lacrymogènes et les flammes, puis les balles.
Les forces de l’ordre sont arrivées à l’aube alors que des hélicoptères survolaient la zone. La police a tiré des grenades lacrymogènes dans le camp et des bulldozers ont fait tomber les barricades de fortune faites de sacs de sable et de tas de pierres. Alors que plusieurs milliers de manifestants pro-Morsi se réveillaient à peine, des policiers masqués ont envahi le camp, mettant le feu à des tentes. « Ça a commencé vers 7h15. Ils ont d’abord tiré des gaz lacrymogènes pendant une demi-heure, une salve après l’autre, mais nous sommes restés là, raconte Mohammad Ali. Ensuite, ils ont commencé à tirer à nos pieds et je me suis retrouvé seul, j’ai perdu mes amis. »


Lorsque l’assaut des forces de l’ordre a été lancé, les habitants du quartier n’ont rien pu faire d’autre que prier, dans les tourbillons des gaz lacrymogènes et le fracas des bulldozers. « Allah, aide-nous ! Allah, aide-nous ! » clamaient les partisans de Mohammad Morsi. Depuis plusieurs jours déjà, les manifestants avaient érigé des barricades en prévision d’un assaut des forces de l’ordre, en promettant de se battre à coups de bâton. Mais ces maigres défenses se sont vite révélées inefficaces face aux moyens déployés par les autorités. En plus des hommes habillés de noir arrivés dans des véhicules blindés et des hélicoptères de la police qui survolaient la zone, des tireurs embusqués étaient déployés sur les toits des immeubles alentour, ont rapporté des témoins.


Plusieurs milliers de personnes au total étaient rassemblées dans le camp de Rabaa al-Adaouia et dans celui de la place al-Nahda. Ces deux camps étaient vite devenus le principal moyen de protestation pour les Frères musulmans. Dans un hôpital de fortune, une infirmière en pleurs tentait de nettoyer le sang sur le sol du couloir dans lequel de jeunes hommes agonisaient sur de maigres matelas.


La destruction des camps, racontent des témoins, a commencé lorsque des membres des forces de l’ordre ont mis le feu à des tentes. C’est ensuite qu’ont débuté les tirs incessants de grenades lacrymogènes, qui ont incité certains manifestants à brûler des branches d’arbre pour essayer de contrer le nuage de gaz, vite devenu insupportable. Au milieu des tirs – y compris de mitrailleuse –, certains manifestants tentaient de reconstruire les barricades de fortune entourant le camp. « Les tirs venaient de partout, de la police au sol, des hélicoptères de l’armée et des snipers sur les toits », explique Achour Abead. « Beaucoup d’enfants et de femmes ont été tués. »


De nombreux blessés par balle étaient allongés dans les rues avoisinantes au milieu de mares de sang. Plusieurs d’entre eux étaient blessés à la tête, apparemment après être tombés alors qu’ils couraient pour échapper à l’assaut. Tous n’avaient pas encore reçu l’aide médicale d’urgence nécessaire et un journaliste a vu des soldats obliger des ambulances à faire demi-tour.


La violence a gagné en quelques heures d’autres quartiers du Caire et d’autres villes d’Égypte.
Pour Majdi Issam, un jeune partisan des Frères musulmans aux cheveux éclaboussés de sang, les violences montrent qu’il est temps de déclencher une guerre sainte. « Notre sang a-t-il aussi peu de valeur ? Maintenant, nous appelons au jihad. Dieu obtiendra sa vengeance sur ces bouchers. Les rues sont pleines de sang », dit-il.

 

 

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