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À La Une - La situation

L’affaire des otages turcs servira-t-elle de catalyseur à l’émergence d’un gouvernement ?

Les décideurs doivent réagir au plus vite pour éteindre le foyer avant que le feu ne se répande.

Des agents de la brigade anti-émeutes devant les locaux de la Turkish Airlines. Photo Sami Ayyad

Ce n’est qu’hier soir qu’un cortège de responsables politiques devaient rentrer au bercail après des vacances passées à l’étranger. Pour retrouver le pays secoué, une fois de plus, par des incidents sécuritaires d’une grande envergure : le rapt des pilotes turcs dont on ne sait trop bien encore s’il est véritablement lié aux otages de Aazaz ou à l’imbroglio syrien, ou les deux en même temps, et l’embuscade de Laboué, vraisemblablement une affaire de règlement de comptes entre clans rivaux.


Deux incidents dont les éventuelles répercussions sur la stabilité du pays ne manqueront pas de replonger dès aujourd’hui les décideurs dans une réalité amère après la trêve des fêtes : réagir au plus vite pour éteindre le foyer avant que le feu ne se répande.


Si l’incident qui a opposé les clans chiites et sunnites dans la Békaa a de fortes chances d’être jugulé dans les prochains jours – les tentatives d’apaisement s’étant multipliées au cours des dernières heures –, l’affaire des otages turcs risque au contraire de compliquer un peu plus le paysage politique, à la lumière des nombreux embranchements que comporte ce dossier, rattaché à la fois à la crise syrienne et à ses ramifications en Turquie, et à un Liban de plus en plus empêtré dans les méandres des développements régionaux.


Du côté de Ersal, on ne jure que par l’État après l’incident sanglant qui a endeuillé la famille des Houjeiri. Le ton emprunté par le président du conseil municipal village, Ali Houjeiri, blessé à la tête au cours du guet-apens, en dit long sur le mot d’ordre qui circule d’ores et déjà parmi les siens : « Nous nous en remettons désormais à l’armée », clame le responsable administratif, soupçonné il y a quelque temps d’avoir soutenu les commanditaires d’une attaque sanglante contre la troupe dans son village.


Un appel immédiatement entendu par l’institution militaire qui a renforcé ses effectifs dans la région en prévision d’une escalade. Le père de Mohammad Hassan Houjeiri, qui venait d’enterrer son fils, s’en est également remis à l’État, l’exhortant à écrouer les auteurs du crime. L’appel téléphonique de Saad Hariri à Ali Houjeiri, suivi par la visite sur les lieux de deux députés du courant du Futur, laisse croire encore à une issue qui favoriserait l’intervention de l’État en lieu et place d’un règlement de comptes sanglant entre clans qui ne jurent que par la loi du talion.
Un espoir entretenu hier par les propos d’un membre du bloc de la Fidélité à la résistance, Kamel Rifaï, qui, tout en confirmant qu’il s’agit d’une simple affaire de vendetta à caractère exclusivement clanique, a fait part des pressions exercées pour éviter que cette affaire ne prenne un tournant communautaire et politique. C’est dans cinq jours que viendra la réponse, date de la réunion de la tribu des Houjeiri pour étudier la réaction appropriée après ce drame une fois la période de deuil terminée.


Les choses ne s’annoncent pas de manière aussi manichéenne du côté de la prise des otages turcs, qui a entraîné une série de conséquences néfastes au prestige de l’État, le tourisme et la sécurité de l’aéroport. L’opération a en outre suscité une série d’interrogations légitimes à la lumière de ses effets tentaculaires tant au plan libanais que régional.
Tout d’abord, la question de savoir quels sont les auteurs du rapt et s’il y a ou non une connexion quelconque avec les otages de Aazaz, qui serait, en l’état actuel de l’enquête, la thèse la plus plausible, la plus logique aussi. Si l’on en croit les dernières informations qui ont filtré sur l’enquête, l’un des premiers suspects arrêté dans le cadre de l’affaire, Mohammad Saleh, devrait en principe être libéré faute de preuves. À sa place, pourrait se retrouver le fils de l’un des 9 otages, Ali Hussein Saleh, un hémiplégique, qui serait l’instigateur de l’opération.


L’escalade promise par ailleurs par les familles des otages chiites – de couper la route de l’AIB puis de prendre pour cible tout citoyen turc se trouvant dans la capitale et sa banlieue si Mohammad Saleh n’est par relâché – entretient certes le doute sur les auteurs véritables, mais pose également un véritable défi à l’autorité de l’État déjà largement entachée par cette nouvelle brèche sécuritaire. Après tout, le rapt a bel et bien eu lieu sur la route de l’aéroport, un lieu hautement symbolique du fait de la dualité qui existe entre les services de l’ordre et le Hezbollah pour son contrôle. C’est pour épargner un tant soit peu cet endroit névralgique que le président du Parlement s’est dépêché d’entrer en contact avec les parents des otages, les exhortant à ne pas aller dans cette direction. Usant d’un ton plus ferme, un député du Hezbollah a tranché : « Nous ne permettrons pas que cet axe soit bloqué. »


Le ministre sortant de l’Intérieur a tenté également de calmer les esprits en promettant aux proches des neuf otages chiites, pour la énième fois, un règlement prochain de ce dossier. Des sources informées croient savoir que les négociations portant sur l’échange des otages avec les 127 femmes détenues par le régime syrien ont effectivement progressé d’un cran, les autorités turques devant se porter garantes d’un tel troc. Mais rien n’est encore acquis. Toujours est-il que la tension est à son paroxysme, et des mesures draconiennes ont été entre-temps prises pour protéger, partout dans la capitale, les intérêts turcs.


Mais, comme au Liban, on n’aime jamais faire dans le simple, la nouvelle problématique des otages turcs s’embrouille un peu plus dès lors qu’on tente d’avaliser la thèse avancée par certains analystes qui restent convaincus que ce nouveau soubresaut sécuritaire n’est pas lié aux otages chiite de Aazaz. Il serait plutôt en relation directe avec les derniers développements et rapports de force en Syrie, à l’ombre des menaces qui pèsent sur les régions chiites après une victoire réalisée par les forces de l’opposition près de ces localités.


Autant d’inconnues que seule la conclusion prochaine de l’enquête pourra élucider. Entre-temps, c’est un « développement surprise » sur le plan gouvernemental que promettent des sources informées qui croient savoir que les chances de voir émerger un gouvernement neutre dit également de « fait accompli » ont augmenté, surtout au lendemain du dernier revirement de Walid Joumblatt dans cette direction. Une orientation en partie confirmée hier par les propos du chef de l’État à Beiteddine qui a annoncé la naissance du gouvernement dans les plus brefs délais.

 

 

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