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Liban - Interview

Nazem Khoury à « L’OLJ » : Le président appelle le Hezb à « rentrer au pays » pour éviter « une catastrophe »

Le ministre démissionnaire de l’Environnement, Nazem Khoury, proche du président de la République, affirme que ce dernier appelle le Hezbollah à « revenir vers l’intérieur du pays », pour éviter le risque d’une « catastrophe ». M. Khoury doute que Joumblatt appuierait jusqu’au bout la formation d’un gouvernement « neutre ».

Nazem Khoury, ministre démissionnaire de l’Environnement et proche du président Sleiman.

Le récent discours du président de la République Michel Sleiman, qui avait appelé à l’occasion de la fête de l’Armée à rompre la dualité des armes, qui rend « impossible » la mission de l’armée de protéger son territoire, ne devrait pas être interprété comme « un coup de poing donné au Hezbollah, mais simplement un avertissement visant à inciter le Hezb à revenir à l’intérieur du pays ». C’est ce que précise avec pragmatisme le ministre démissionnaire de l’Environnement Nazem Khoury, proche collaborateur du président de la République Michel Sleiman, dans une entrevue à L’Orient-Le Jour.

 

« Il faut reconnaître que le Hezbollah, malgré tout, était accepté par toutes les parties avant sa participation aux combats en Syrie. Aujourd’hui, cette résistance est controversée à l’intérieur du pays, ce qui neutralise la force qu’elle est susceptible d’acquérir à l’étranger », précise-t-il. Autrement dit, le Hezbollah a besoin du terrain intérieur pour sa viabilité politique, plus encore, « il a besoin d’une unanimité intérieure ». Or, non seulement le Hezbollah a dénaturé l’enjeu de sa résistance, « celle dirigée contre l’ennemi pour la sauvegarde du territoire libanais », mais il a failli au triptyque « armée-peuple-résistance », qui assurait pourtant à ses armes une couverture légitime.

 

En effet, Nazem Khoury relève que cette formule est fondée sur « une coordination et un partenariat entre les éléments qui la définissent, dans le but de préserver le Liban ». « Mais lorsque la résistance a décidé de sortir des frontières libanaises, vers un pays limitrophe, arabe et frère, elle n’a pas consulté l’armée, censée pourtant être l’autorité de référence de la résistance en termes de défense de la souveraineté du Liban », précise-t-il, dans une allusion à peine voilée aux députés du Hezbollah qui ont réagi au discours du président Sleiman en insistant sur le triptyque armée-peuple-résistance comme une constante immuable.

 


Pas de cabinet avant le dialogue
S’agissant de la seconde « constante » invoquée dans ce sens par le Hezbollah, à savoir le refus catégorique d’un gouvernement neutre, le ministre démissionnaire met en valeur « une nuance » dans le discours du président Sleiman. Si celui-ci a préconisé un cabinet neutre, « c’est seulement en cas d’échec d’une entente sur un cabinet représentatif de toutes les parties ». « C’est un cabinet politique qui est donc la priorité », insiste-t-il. « Ce ne sera en tout cas pas le chef de l’État qui prendra l’initiative de former un cabinet neutre, cette tâche relevant du Premier ministre désigné, après consultation du chef de l’État. » Faudra-t-il abandonner l’idée d’une décision radicale susceptible de combler le vide ministériel, après le discours du chef de l’État ? Le ministre se montre sceptique sur ce point. Si l’on concède qu’un gouvernement « neutre », c’est-à-dire formé de « figures acceptables par tous » – la définition la moins vague sans doute de la neutralité –, « il est peu probable que ce gouvernement obtienne le vote de confiance au Parlement. Je ne pense pas en effet que le chef du Front de lutte nationale, Walid Joumblatt, se ralliera contre les blocs parlementaires du Changement et de la Réforme, du Hezbollah et d’Amal, quand bien même son discours d’aujourd’hui (hier) marque une ouverture sur l’idée d’un gouvernement neutre ».


D’ailleurs, Nazem Khoury ne croit pas en une « isolation » du Hezbollah, ni même en une rupture complète entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre, « le député Michel Aoun n’étant pas en mesure d’abandonner une alliance stratégique essentielle sur le plan électoral ». En même temps, il ne perçoit pas dans l’initiative du 14 Mars, consacrée par le discours de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, de renoncer à sa participation au futur cabinet, quelque issue à « l’impasse ministérielle ». Il explique en effet « que le Hezbollah se sent visé à cause des incidents régionaux, et ne peut renoncer à sa représentation au sein du gouvernement. Il a besoin d’être un partenaire plein au sein de l’exécutif ». C’est pourquoi le ministre démissionnaire préfère que le dialogue précède la formation du gouvernement et non l’inverse.


Le dialogue, qui devrait être selon lui « continu, pour servir de plateforme aux leaders politiques », revêt aujourd’hui une importance particulière. « Il faut comprendre que le discours du président Sleiman est motivé par deux constantes : la déclaration de Baabda et la politique de distanciation. Deux constantes que le Hezbollah a abandonnées, quand bien même il s’était engagé à respecter. » « Qui donc a failli à ses engagements ? » s’est-il encore demandé, insistant sur le fait que « nul ne peut accuser le chef de l’État de porter atteinte aux intérêts nationaux ». Il aurait souhaité d’ailleurs que les critiques virulentes qui lui sont adressées « soient basées sur des arguments rationnels ». Le dialogue devrait dès lors servir à rectifier le parcours du Hezbollah, dont le chef de l’État continue d’appuyer la résistance.

 


« Un Liban fort est plus utile à la Syrie »
Mais convaincre un parti, « dont les ambitions régionales sont déclarées », de réintégrer le giron interne ? Le discours du président cherche uniquement à rappeler que « la stratégie du Hezbollah dans la région ne peut se poser en dehors de la stratégie de l’État ». À la différence des cas « d’individus extrémistes s’infiltrant en Syrie pour combattre aux côtés des factions de l’opposition », le manquement d’une entité libanaise politique à la politique de distanciation « accentuera le schisme au Liban, quels que soient les vainqueurs en Syrie ». L’un des enjeux de la conférence de dialogue à laquelle a appelé le président Sleiman serait donc d’asseoir la conviction selon laquelle « un Liban fort et unifié est utile à la Syrie ».


M. Khoury écarte en outre le scénario d’une assemblée constituante telle que préconisée ouvertement par le Hezbollah, puisqu’il sait que « la diversité libanaise ne se prête pas à une mainmise totale d’un parti sur le pouvoir ».
Si le but de la politique du vide semble être cette assemblée, la prorogation du mandat du commandant en chef de l’armée, Jean Kahwagi, aura réduit temporairement le risque d’un vide généralisé. Dans ce cadre, le ministre démissionnaire écarte tout lien entre la prorogation au général Kahwagi et celle du mandat du président Sleiman qui expire dans un an. Néanmoins, il ne rejette pas la possibilité de cette prorogation « à condition toutefois qu’elle s’accompagne d’un amendement constitutionnel général », comme l’avait d’ailleurs déclaré le président Sleiman à L’OLJ dans une interview datée du 17 juin dernier (« un amendement constitutionnel qui permettrait au chef de l’État de postuler pour un second mandat (deux au total), mais il s’agirait alors d’une élection ouverte aussi à d’autres candidats »).

 


« Le danger des fondamentalistes »
Pour l’instant, « les canaux de communication restent ouverts » entre Baabda et le Hezbollah, « qui comprend très bien le discours du président ». Refusant d’accuser le Hezbollah d’être à l’origine des deux roquettes lancées aux environs du palais présidentiel, quelques heures après le discours du chef de l’État, il rappelle qu’il « n’y a jamais eu rupture ni manque de confiance entre le président Sleiman et le Hezbollah ». De plus, si le chef de l’État a choisi de « rompre l’attentisme » qui bloque aujourd’hui la marche des institutions, sur fond de crise syrienne, sa décision « n’est motivée par aucune décision internationale ». « Si le président est tenu de ne pas rester inactif devant le pourrissement général du pays, chaque citoyen doit donc profiter de cette couverture présidentielle pour immuniser le pays. » Les dangers sont nombreux, comme « l’infiltration de fondamentalistes au Liban, auxquels l’armée libanaise ne peut faire face toute seule ». « S’il n’existe pas d’entente politique d’envergure nationale, nous allons droit vers la catastrophe », conclut Nazem Khoury.

 

 

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Le ministre de l'Environnement lance un avertissement sérieux sur les conséquences de l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie : "l'infiltration de fondamentalistes au Liban auxquels l'armée libanaise ne peut faire face toute seule... ce qui mène tout droit à une catastrophe". Mais par sa guerre en Syrie, le Hezbollah attire justement au Liban ces fondamentalistes pour que l'armée les tuent au prix de centaines de martyrs parmi ses officiers et soldats. Elle est faite pourquoi l'armée, sinon pour servir les desseins et les dérives du Hezbollah ? Comme dans la guerre qu'il a provoquée avec Israel en 2006.

Halim Abou Chacra

10 h 18, le 06 août 2013

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Commentaires (2)

  • Le ministre de l'Environnement lance un avertissement sérieux sur les conséquences de l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie : "l'infiltration de fondamentalistes au Liban auxquels l'armée libanaise ne peut faire face toute seule... ce qui mène tout droit à une catastrophe". Mais par sa guerre en Syrie, le Hezbollah attire justement au Liban ces fondamentalistes pour que l'armée les tuent au prix de centaines de martyrs parmi ses officiers et soldats. Elle est faite pourquoi l'armée, sinon pour servir les desseins et les dérives du Hezbollah ? Comme dans la guerre qu'il a provoquée avec Israel en 2006.

    Halim Abou Chacra

    10 h 18, le 06 août 2013

  • C'EST BIEN LUI NAZEM KHOURY, LE MONSIEUR QUI A LE VRAI POUVOIR. UNE SOURCE FIABLE M'A INFORMÉ QUE CE MONSIEUR ABUSE DE CE POUVOIR POUR INFLUENCER DES DECISIONS JURIDIQUES AUPRÈS DES JUGES AFIN DE FAVORISER LES GENS DE SON ENTOURAGE. C'EST TRÈS INQUIÉTANT DE CONSTATER QU'UNE PERSONNE QUI OCCUPE UNE POSITION SI SENSIBLE, PASSE SON TEMPS À PERTURBER LA JUSTICE QUI DEVAIT ÊTRE IMPARTIAL.

    Gebran Eid

    04 h 16, le 06 août 2013

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