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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Ras-le-bol présidentiel

Ce n’est pas la première fois que le président de la République se montre excédé par toutes les dérives qui se conjuguent pour miner les fondements mêmes de l’État. Dérives politiques qui, à force de conditions irrecevables, car anticonstitutionnelles, bloquent la formation du gouvernement et en viennent même à sonner le glas du système libanais. Et dérives miliciennes qui, non contentes de faire concurrence (et offense !) aux forces armées régulières, attirent sur le pays tout entier les flammes du brasier syrien.

C’est bien la première fois cependant que tous ces griefs présidentiels sont formulés avec autant de vigueur. C’est la première fois aussi qu’ils sont énoncés en bloc, d’un seul tenant, à la faveur d’un discours public : celui, solennel entre tous, que prononçait jeudi Michel Sleiman pour la fête de l’Armée, des rangs de laquelle il est lui-même issu. De fait, c’est un cap décisif qu’a franchi le président en démystifiant une fois pour toutes la fiction de la complémentarité entre armée et milice. Dénonçant un jumelage qui conduit, entre autres pernicieux effets, à entraver l’action de la troupe régulière, il a jugé impérative une révision du concept de stratégie de défense.

Courageuse certes est la démarche du chef de l’État, laquelle en effet n’est guère dénuée de risques : le moindre de ceux-ci étant encore ce criminel coup de pied de l’âne que fut la paire de roquettes tirées jeudi soir sur les abords du palais présidentiel et du quartier général de l’armée. Si ces lâches tirs anonymes ont été condamnés de toutes parts, des organes de presse proches du Hezbollah n’en réclamaient pas moins, dès hier, le départ immédiat de Sleiman. On peut raisonnablement en déduire que la milice, qui a œuvré au maintien à son poste du commandant de l’armée, le général Jean Kahwagi, ne soutiendra pas, par contre, une extension du mandat présidentiel, lequel vient à expiration l’an prochain. Dans un pays où la paralysie atteint méthodiquement, l’une après l’autre, les diverses institutions, voilà qui laisse planer le spectre du vide sur la première magistrature de l’État.

Contre toute attente, Hassan Nasrallah, qui faisait hier une rare apparition en live, pour la Journée al-Qods, s’est abstenu d’évoquer la fracassante initiative présidentielle, à laquelle a vivement applaudi en revanche le chef du courant du Futur, l’ancien Premier ministre Saad Hariri. Le leader chiite s’est borné à réaffirmer la volonté de la milice de continuer de combattre aux côtés de l’armée, à laquelle il a adressé d’ailleurs un salut appuyé. Mais tant de savoir-faire lui a fait fâcheusement défaut, dès lors qu’il a abordé la question de Palestine, terrain particulièrement propice, comme on sait, aux dérapages les plus insensés.

Comme ses mentors iraniens, Hassan Nasrallah parle ainsi de rayer Israël de la carte. Mais la fanfaronnade tourne à l’outrance quand il décrète qu’une telle guerre de mille ans devrait revêtir un intérêt prioritaire pour notre pays, comme si celui-ci n’avait pas déjà assez payé pour la cause palestinienne. Nasrallah a accusé par ailleurs l’Occident de fomenter des heurts sectaires dans les pays arabes et islamiques à seule fin de détourner les énergies de la sainte lutte contre l’État hébreu ; mais dans ce cas, le Hezbollah n’en devient-il pas doublement condamnable, lui qui combat si allègrement aux côtés de la tyrannie syrienne ?

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Ce n’est pas la première fois que le président de la République se montre excédé par toutes les dérives qui se conjuguent pour miner les fondements mêmes de l’État. Dérives politiques qui, à force de conditions irrecevables, car anticonstitutionnelles, bloquent la formation du gouvernement et en viennent même à sonner le glas du système libanais. Et dérives miliciennes qui, non...

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