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Liban - Liban

Violence domestique : la mort atroce de Roula Yacoub suffira-t-elle à faire voter la loi ?

Le projet de loi pour la protection de la femme de la violence domestique figure en tête de l’ordre du jour de la réunion des commissions parlementaires mixtes, prévue le 22 juillet.

Roula Yacoub, 32 ans, est décédée dimanche, victime de la violence physique exercée par son mari. Photo tirée de la page Facebook de Red Lips High Heels

Combien de femmes doivent encore mourir avant qu’une loi qui les protège de la violence domestique ne soit votée ? Roula Yacoub est la dernière victime en date de cette violence. Fille unique, mère de cinq fillettes, âgées entre 10 mois et 13 ans, la jeune femme de 32 ans et ses deux aînées subissaient souvent l’ire de l’époux. Dimanche toutefois, Roula avait rendez-vous avec la mort. Son conjoint l’a sauvagement battue sur la tête avec un manche à balai, devant ses filles, jusqu’à ce qu’elle perde conscience.


Comme si l’injustice et la violence dont elle était victime de son vivant ne suffisaient pas, Roula Yacoub est châtiée même après sa mort. Selon des informations obtenues de proches de la victime, des députés de la région sont intervenus pour obtenir la libération de l’époux, les déclarations des filles aînées et les témoignages des voisins n’ayant peut-être aucune valeur aux yeux de la justice, ni même la plainte déposée par la mère de la jeune femme contre Karam al-Bazzi ! Quant au décès, il a été causé, selon le rapport du médecin légiste, par « la rupture d’une artère dans la région cervicale responsable de la respiration et de l’animation du corps ». La famille a rejeté ce rapport et demandé qu’une autopsie soit faite. Sa requête semble être restée sans réponse.


« Pourquoi cette hâte à clore le dossier ? » s’insurge Leila Awada, avocate et membre de l’ONG Kafa. « Il s’agit pourtant d’un décès dans le cadre d’une violence domestique ! Dans le cas d’un chèque sans provision, les procédures durent au moins deux semaines. Qu’on estime qu’il s’agit, là aussi, d’un chèque sans provision et qu’on prenne la peine de mener une enquête en bonne et due forme ! »


Roula Yacoub est la énième victime de la violence domestique, en l’absence d’une loi qui protège les femmes. « Si la loi avait été votée, Roula Yacoub aurait pu au moins demander une ordonnance de non-communication contre son mari, ce qui l’aurait protégée ainsi que ses filles de cette violence récurrente, poursuit Me Awada. Maintenant que l’époux a été libéré, quel serait l’avenir des cinq filles ? Qui pourrait les protéger de la violence de leur père ? Que les politiciens qui seraient intervenus en faveur du mari répondent à cette question ! Le problème au Liban, c’est qu’on n’agit que lorsqu’une catastrophe s’abat. Malheureusement, on ne croit pas à la prévention. Pour nos responsables, tant que la femme survit à la violence physique, il n’est pas nécessaire d’agir ! »

Le lobbying de la société civile
Leila Awada rappelle que le projet de loi pour la protection de la femme de la violence domestique, approuvé en Conseil des ministres en avril 2010, n’a toujours pas été voté. Il a été longuement examiné en sous-commission parlementaire, laquelle rappelons-le l’avait dénaturé de son sens en amendant plusieurs articles essentiels pour la protection de la femme. Aucune suite n’a été donnée au projet. « Depuis 2010, la Coalition nationale pour la promulgation d’une loi protégeant la femme de la violence domestique n’a pas encore réussi à convaincre les parlementaires de l’importance d’une telle loi », constate Leila Awada. Elle ajoute d’un ton ironique : « Je pense qu’ils estiment que le nombre des femmes décédées en raison de cette violence n’est pas suffisant. Ils ont besoin de collecter un plus grand nombre de cas pour être persuadés. Mais je suis en admiration devant leur célérité pour intercéder en faveur du fautif ! Ce qui est encore plus choquant, c’est qu’on essaie d’étouffer le crime dont Roula Yacoub a été victime, en faisant circuler des scénarios du genre “elle a dû faire quelque chose pour qu’il l’ait battue”. »


La société civile refuse d’abandonner le dossier de Roula Yacoub et des centaines d’autres victimes de la violence domestique. Sous la pression qu’elle exerce dans le cadre de nombreuses campagnes auprès des médias, le président de la Chambre a enfin décidé de mettre le projet de loi en tête de l’ordre du jour de la réunion des commissions parlementaires mixtes prévue le 22 juillet.


« La Coalition nationale a réussi au cours de la dernière réunion de la sous-commission parlementaire chargée de l’examen du projet de loi à amender quelques-uns des articles, comme le fait de réintégrer le mot “femme” au titre de la loi et de prévoir des mécanismes pour protéger la femme et les enfants de la violence domestique, explique Leila Awada. Nous avons également réussi à amender l’article 22, selon lequel la femme peut porter les cas de violence conjugale et familiale devant les tribunaux civils, uniquement dans le cas où les tribunaux religieux le permettent. Certaines lacunes persistent. Toutefois, nous préférons avoir une loi, même si elle n’est pas optimale quitte à œuvrer pour l’amender, que rien du tout ». La société civile aurait-elle enfin gain de cause ?

Combien de femmes doivent encore mourir avant qu’une loi qui les protège de la violence domestique ne soit votée ? Roula Yacoub est la dernière victime en date de cette violence. Fille unique, mère de cinq fillettes, âgées entre 10 mois et 13 ans, la jeune femme de 32 ans et ses deux aînées subissaient souvent l’ire de l’époux. Dimanche toutefois, Roula avait rendez-vous avec la...
commentaires (12)

Encore une fois : tout est foireux au Liban, tout, des hommes aux machines, en passant par les lois, le fonctionnement, les mentalités, les consciences, les politiciens, bref, ce pays est une véritable misère et rien ni personne ne pourra le sauver.

Robert Malek

13 h 04, le 12 juillet 2013

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Commentaires (12)

  • Encore une fois : tout est foireux au Liban, tout, des hommes aux machines, en passant par les lois, le fonctionnement, les mentalités, les consciences, les politiciens, bref, ce pays est une véritable misère et rien ni personne ne pourra le sauver.

    Robert Malek

    13 h 04, le 12 juillet 2013

  • On se croirait en "Afghaliban", tant qu'on y est, pourquoi ne pas lui attribuer l' Ordre du Mérite Libanais, grade extraordinaire s'il en est...

    Claude F

    19 h 54, le 11 juillet 2013

  • Ne pourrait-on pas, comme par hasard, publier le NOM du député véreux (qualificatif évidemment non nécessaire ...) qui a fait sortir le gars de taule ?

    Nader Marc

    16 h 56, le 11 juillet 2013

  • Quel honte! Le mari a ete libere! Mais procedez a une enquete! Une pauvre femme est morte a force d'avoir ete battue. Mais c'est certain que « la rupture d’une artère dans la région cervicale responsable de la respiration et de l’animation du corps" est due a la violence physique qu'elle a subie! Qu'est-ce qu'on va chercher la? Une autre cause de sa mort alors qu'elle bronzait tranquillement, allongee sur un hamac, sur une plage des tropiques?! Mais c'est dingue!

    Michele Aoun

    16 h 45, le 11 juillet 2013

  • La société civile et la justice n'existent pas au Liban . Quelques tribus seulement dirigent le pays au nom des députésqui eux seuls font seulement la loi . Choquant mais vrai. Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    15 h 57, le 11 juillet 2013

  • Les violences conjugales sont un fléau mondial. Il suffit de taper dans Google pour voir la liste, en général des femmes victimes d’atrocités, comme cet "américain qui tue sa femme puis la fait cuire". Encore des questions sur la nature humaine et bestialité de quelques individus qu’il faut interner au plus vite. Des théologiens interviennent pour un moratoire sur la lapidation, mais c’est un autre sujet. Des procès très médiatisés comme celui d’OJ Simpson (orange juice) et le prochain celui du Sud-Africain Pistorius sont pour nous rappeler que parfois c’est selon qu’on est "puissant ou misérable". Passons. Chez nous, au nom de quoi, le meurtrier est acquitté après que "des députés de la région sont intervenus pour obtenir la libération de l’époux". Ont-ils évoqué l’incompatibilité d’humeur? La malheureuse Roula Yacoub était à la fois victime d’un harcèlement moral et physique. Le cynisme frappe "elle a dû faire quelque chose pour qu’il l’ait battue"(cité dans l’article), ou bien la meilleure dans d’autre occasion "s’il ne sait pas pourquoi il frappe, elle doit le savoir"… La loi ne suffit pas. Quoi! Incarcérer un chef de famille, et la famille ne survivra pas en dehors de toute structure d’accueil, et la peur de la dénonciation. Psychologues, assistantes sociales, éducateurs… ont un long parcours à faire. Il est temps que les Femen s'organisent au Liban.

    Charles Fayad

    14 h 20, le 11 juillet 2013

  • TOUT CELUI QUI EST CONTRE LA LOI SUR LES VIOLENCES FAMILIALES... EST UN CRIMINEL... CAR IL Y DONNE SON AVAL !

    SAKR LOUBNAN

    13 h 27, le 11 juillet 2013

  • on est parle maintenant, mais cela ne va rien faire. tant que les forces religieuses imposeront leur lobby sur la vie familiale

    Talaat Dominique

    11 h 02, le 11 juillet 2013

  • C'est là où on voit le mieux les limites de notre fameuse "civilisation libanaise",de notre "art de vivre",de notre "hospitalité"...de cette autosatisfaction si largement répandue chez les Libanais en général...tfeh 3laykon,députés de mes deux...

    GEDEON Christian

    11 h 00, le 11 juillet 2013

  • En tant que femme, j'ai honte pour Roula de ces lois archaiques qui régissent ce pays. Et en tant que Libanaise, j'ai honte pour toutes les femmes qui sont menacés par le même sort que Roula. Que sont âme repose en paix pour toujours... Mais que sera-t-il de ses 5 fillettes? Vont-elles vivre avec un maltraiteur? Le Liban, en questions sociales, est le pays de la honte.

    Nayla Tahan Attié

    10 h 37, le 11 juillet 2013

  • la republique de la honte....

    Haddad Jim

    08 h 52, le 11 juillet 2013

  • Aussi bien ne pas réagir à cette histoire écoeurante...... Honte au Gouvernement et les Parlementaires Libanais. Elias W Chalhoub Chalhoub Elias

    Chalhoub Elias

    03 h 10, le 11 juillet 2013

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