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À La Une - Égypte

La chasse (aux Ikhwane) est ouverte

Le président par intérim Adly Mansour prête serment et promet de protéger la République ; les islamistes appellent à des manifestations aujourd’hui.

Des supporters des Frères musulmans ont manifesté hier au Caire contre ce qu’ils ont appelé un « coup d’État militaire » ; des clashs ont d’ailleurs eu lieu entre les forces de l’ordre et les protestataires, qui ont appelé à manifester aujourd’hui.Amr Abdallah Dalsh/Reuters

Les principaux dirigeants des Frères musulmans ont été arrêtés au lendemain de la destitution par l’armée, en accord avec la volonté populaire, de l’islamiste Mohammad Morsi, premier président égyptien élu démocratiquement, et remplacé hier pour une période intérimaire par un magistrat peu connu. Adly Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle et nouveau président par intérim, a promis de « protéger le système républicain » et d’être le « garant des intérêts du peuple », dans une brève allocution. Il a aussi rendu hommage à l’armée, « conscience de la nation », et à la presse « libre et courageuse ». Et sur la place Tahrir au Caire qui a fêté toute la nuit avec des feux d’artifice le renversement de M. Morsi, moins de trois ans après avoir célébré la chute de son prédécesseur Hosni Moubarak en février 2011, il restait quelques petits groupes de manifestants alors que des haut-parleurs diffusaient de la musique patriotique.

 

(Reportage : « Je suis prêt à me sacrifier pour le président Morsi et ma religion »)


La chute de M. Morsi, issu des Frères musulmans et élu en juin 2012 lors de la première présidentielle libre de l’histoire du pays, met un terme à un an de pouvoir islamiste marqué par des crises à répétition et une forte contestation populaire. Elle ouvre aussi la voie à une délicate transition dans le plus peuplé des pays arabes, où l’armée a lancé une vaste opération contre les Frères musulmans, accusés par leurs détracteurs de vouloir instaurer un régime autoritaire au profit de la confrérie. M. Morsi et sa garde rapprochée sont détenus par l’armée. Le guide suprême de la confrérie Mohammad Badie a ainsi été arrêté pour « incitation au meurtre de manifestants », son numéro 2 Khairat al-Chater est sous le coup d’un mandat d’arrêt, et Saad el-Katatni, le chef du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique du mouvement islamiste, a également été arrêté. Un haut responsable de l’armée a confirmé la détention « de façon préventive » de M. Morsi, laissant entendre qu’il pourrait être poursuivi, alors que la justice le convoque lundi à un interrogatoire pour « insulte à l’institution judiciaire » et que d’autres charges pourraient être retenues contre lui. Des sources militaires ont au passage nié des divisions dans ses rangs qui seraient dues au contexte actuel du pays.

 

(Chronologie : De la chute de Moubarak au renversement de Morsi)

Dire « non »
Les autorités militaires ont également fait fermer trois chaînes de télévision favorables à Mohammad Morsi, dont Egypt25, la chaîne des Frères musulmans. Selon l’agence MENA, les directeurs d’Egypt25 ont été arrêtés peu après l’annonce de la destitution du président. Un responsable du PLJ a affirmé en outre que l’imprimerie nationale avait refusé d’imprimer le journal du parti. Mohammad el-Beltagui, l’un des principaux dirigeants du PLJ, a dénoncé un « coup d’État militaire » tout en assurant que les Frères musulmans n’allaient pas prendre les armes. Essam el-Erian, autre dirigeant des Frères musulmans, a écrit sur Facebook que des « vagues de sympathie » allaient progressivement se soulever à travers l’Égypte en faveur de la confrérie. « Le coup d’État prendra fin plus vite que vous ne l’imaginez », ajoute-t-il.

 

(Portrait : Morsi, du "président de tous les Egyptiens" à l'homme qui divise)

 

Maïssar el-Taoutansi, un ingénieur de 25 ans, résume l’état d’esprit des électeurs de Mohammad Morsi opposés à l’intervention de l’armée. « Nous avons fait la queue pendant des heures le jour de l’élection, et maintenant, nos votes ne comptent plus », déplore-t-il. « Il ne s’agit pas des Frères musulmans, il s’agit de l’Égypte. Nous sommes revenus 30, 60 ans en arrière. L’armée est de nouveau au pouvoir. Mais la liberté vaincra. » D’ailleurs, la Coalition islamiste, qui regroupe plusieurs partis et mouvements islamistes dont les Frères musulmans, a appelé hier soir ses partisans à manifester aujourd’hui dans toute l’Égypte pour protester contre la destitution du président Mohammad Morsi par l’armée. La Coalition nationale de soutien à la légitimité « appelle le peuple égyptien à descendre dans la rue et à se mobiliser de façon pacifique » après la prière, « pour dire “non” aux détentions par les militaires, “non” au coup d’État militaire ». La Coalition a lancé cet appel lors d’une conférence de presse tenue dans une mosquée de la banlieue du Caire où les partisans du président déchu tiennent un sit-in depuis la semaine dernière, et alors que des heurts les ont brièvement opposés aux forces de l’ordre.

Pleins pouvoirs
Les événements se sont précipités depuis des manifestations sans précédent dimanche, émaillées de violences meurtrières, contre M. Morsi. Après l’expiration d’un ultimatum de 48 heures lancé lundi par l’armée, et face à la persistance du président à rester au pouvoir, c’est son ministre de la Défense et chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort du pays, qui a annoncé sa mise à l’écart. Les forces de sécurité l’ont ensuite arrêté et emmené au siège du ministère de la Défense, après la diffusion d’un enregistrement vidéo dans lequel M. Morsi, premier président civil et islamiste du pays, s’est redit « le président élu d’Égypte » et a dénoncé un « coup d’État complet », même si hier soir, le ministre égyptien des Affaires étrangères a affirmé à son homologue américain que ce n’était pas le cas. Ce coup de force fait néanmoins craindre de nouvelles violences, alors que les heurts depuis le 26 juin ont coûté la vie à 57 personnes, dont dix morts mercredi soir lors d’accrochages entre des pro-Morsi et les forces de l’ordre, et entre pro et anti-Morsi.

 

(Portrait : Adly Mansour, un juge peu connu du public à la tête de l'Egypte)

 

Le ministère de l’Intérieur a averti qu’il répondrait « fermement » aux troubles et des blindés ont été déployés au Caire. La feuille de route sur la transition politique a été rédigée par l’armée, qui avait déjà pris les rênes de l’exécutif durant 16 mois entre la chute de Moubarak et l’élection de Morsi. Elle a toutefois fait l’objet de tractations avec l’opposition et les principaux dignitaires religieux musulmans et chrétiens du pays. Les consultations pour la formation d’un gouvernement « doté des pleins pouvoirs » qui sera dirigé par M. Mansour ont commencé, selon l’opposant Amr Moussa.

 

 

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