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Entre plages publiques et plages privées au Liban, une longue histoire de luttes citoyennes et d’exploitation controversée

Le point de vue des propriétaires des plages privées

Nul ne l’ignore, certes : au Liban, l’économie est libre, et le gouvernement n’est pas en mesure d’intervenir efficacement au niveau de la gestion de la chose publique. Dans un tel contexte, qu’en est-il de la situation des plages privées et qu’est-ce qui pousse les propriétaires de ces établissements balnéaires à proposer des tarifs qui semblent parfois dépasser tout entendement ?
Georges Boustany, copropriétaire de la plage Lazy B, à Jiyeh, et Walid Abou Nassar, copropriétaire de la plage Sporting, à Beyrouth, justifient la hausse des tarifs à l’entrée de leurs plages par la cherté de vie, et par l’offre et la demande. En pratiquant des tarifs élevés, ils seraient plus sélectifs quant au choix de leur clientèle. Ils disent vouloir aussi protéger leurs clients qui choisissent leurs plages à la recherche de calme et de tranquillité. À la question critique qui est de savoir si cette politique ne serait pas apparentée à une politique de ségrégation sociale, M. Abou Nassar acquiesce et ne s’en cache pas. Pour M. Boustany, par contre, le terrain du Lazy B est une propriété privée et il s’estime en droit d’adopter les tarifs d’entrée qui lui semblent être en accord avec le service qu’il offre à ses clients.
M. Boustany justifie aussi ses tarifs (qui n’ont pas augmenté en 2013 par rapport à 2012) en évoquant le coût du terrain, le coût de l’aménagement de la plage, qui comprend des points de vente, un restaurant, trois piscines, sans compter les intérêts bancaires à payer pour les prêts obtenus. De plus, la Lazy B, comme toutes les plages privées d’ailleurs, assume beaucoup de charges chaque année, des frais généraux comme les salaires des employés, l’électricité, le mazout, le générateur, l’eau potable à assurer à l’équipe, les frais d’irrigation et de recyclage de l’eau, l’entretien des jardins et des locaux, etc. « À chaque réouverture, souligne M. Boustany, tout le travail entrepris à la saison précédente est à refaire ! Le climat est dur au bord de la mer et facilite la dégradation rapide du matériel. Nous installons alors de nouveau l’électricité, nous refaisons la peinture, nous recommençons l’entretien du jardin qui a été dévasté. Il y les tentes à reconstruire. Pour tout remettre en état, nous payons des frais allant jusqu’à 150 000 $ entre les deux saisons, et il ne faut pas oublier que nous ne profitons de cet investissement que pendant cinq mois de l’année, le temps que dure la saison. En plus de tout cela, nous payons 10 % de taxes en TVA, 15 % d’impôts sur le revenu, 10 % d’impôts de distribution des bénéfices. »
M. Abou Nassar évoque, lui, à titre d’exemple, les ravages qu’a causés à la Sporting la tempête qui a eu lieu en 2009. Les frais de reconstruction et de réaménagement lui ont couté 350 000 $ environ. Le gouvernement n’a offert aucun dédommagement. Les vagues, chaque hiver, atteignent une telle hauteur, envahissent tellement la terre et sont tellement violentes que pour lui, au printemps, tout est à reconstruire.
Pour M. Abou Nassar, il verrait la politique d’entrée à la Sporting s’acheminer davantage vers des abonnements annuels à l’instar des politiques des clubs privés. Sa plage n’est pas commerciale, il ne lui fait pas de publicités. Voila pourquoi il encourage davantage l’achat des carnets comportant chacun 10 billets à tarif réduit, l’objectif étant de fidéliser la clientèle et de la limiter. Par ailleurs, la personne présente au guichet à l’entrée de la plage est à son poste, à la Sporting même, depuis 30 ans déjà. Ce qui facilite beaucoup l’identification des clients qui, pour M. Abou Nassar et sa famille, sont devenus davantage des amis.
Nul ne l’ignore, certes : au Liban, l’économie est libre, et le gouvernement n’est pas en mesure d’intervenir efficacement au niveau de la gestion de la chose publique. Dans un tel contexte, qu’en est-il de la situation des plages privées et qu’est-ce qui pousse les propriétaires de ces établissements balnéaires à proposer des tarifs qui semblent parfois dépasser tout...