Ils ont vu leurs compatriotes syriens être enterrés à la hâte sur le chemin entre Qousseir et le Liban: encore traumatisés par la fuite en catastrophe de cet ex-bastion rebelle, Jamilé, son mari malade et ses trois enfants vivent aujourd'hui sans toit ni nourriture.
A Ersal, localité frontalière de la Syrie dans l'est du Liban qui a accueilli les rescapés de la ville tombée le 5 juin aux mains du régime et du Hezbollah, environ 300 hommes et femmes attendent leur tour pour une ration alimentaire et des familles entières dorment à même le sol.
Dans la cour de la mairie, une grande tristesse se lit sur le visage de Jamilé, 45 ans, portant un voile noir.
"Nous sommes sortis groupe après groupe quelques heures avant la chute de la ville, on courait presque, c'était chacun pour soi, se souvient-elle. Des dizaines sont morts de soif, de leurs blessures, ou tout simplement d'épuisement", raconte-t-elle, la gorge nouée, assise près de son mari âgé, allongé sur un matelas. "Les hommes creusaient des tombes à la hâte pour y enterrer les morts. C'était horrible", dit-elle.
Sur la route, les rescapés avaient tellement soif qu'ils recueillaient la sève des brindilles et des gouttes d'eau de tuyaux d'arrosage. Guidés par les rebelles, ils se nourrissaient de fruits ou encore de pommes de terre ramassées dans des champs et mangées crues.
Ersal, localité à majorité sunnite, est à fond avec la révolte syrienne contre le pouvoir qui est entre les mains des alaouites, une branche du chiisme. Cette agglomération de 40.000 habitants accueille désormais quasiment le même nombre de réfugiés (35.000). Trois mille sont arrivés en 10 jours de Qousseir, située à une quarantaine de km de là.
Près de 300 blessés ont été hospitalisés au Liban.
(Cartographie : Le Liban rattrapé par la crise syrienne)
Des familles se sont "installées" dans la cour de la mairie, certaines suspendant des couvertures à des arbres pour avoir un peu d'intimité et d'ombre. "Nous n'avons ni argent, ni nourriture", affirme Jamilé.
Des organisations de l'ONU, des ONG qataries, danoises et norvégiennes offrent de l'aide, mais elle reste "insuffisante" selon Wafiq Khalaf, membre du conseil municipal qui réclame des "tentes".
Certains habitants ont offert des immeubles en cours de construction et des chambres vides aux réfugiés.
L'équipe de l'AFP a vu 17 personnes installées dans une cage d'escalier. Dans l'immeuble d'à côté, Mohammad, 30 ans, vit dans un garage avec ses trois enfants dont l'aîné a cinq ans. "Leur mère a été tuée en route par une roquette", lâche-t-il. Cet opposant, ancien cadre du parti Baas au pouvoir, crie toute son amertume: "On a chanté 'Vive Bachar el-Assad' pendant des années et voilà comment ils nous récompensent".
Un jeune homme blond au visage enfantin apparaît dans la cour de la mairie. Agé de 18 ans, il est couvert de bandages à la suite de blessures "au combat". Il a fui à pied mais assure vouloir retourner en Syrie "pour pouvoir faire tomber le régime".
Pour d'autres réfugiés, ce sont les soucis du quotidien qui priment.
"Il n'y a pas d'endroit pour se laver... cela fait sept jours que nous sommes sans abri", soupire Rima.
Elle s'est enfuie avec son mari et ses quatre enfants, dont un bébé de 10 mois, à bord d'une voiture. Ils ont été refoulés à la frontière jordanienne, avant d'arriver au Liban via la province de Damas.
La région de Ersal partage une frontière de 55 km truffée de points de passage illégaux avec la province de Damas.
L'aviation syrienne a bombardé à plusieurs reprises la zone, arguant vouloir "pourchasser des terroristes", le mot utilisé par le pouvoir à Damas pour désigner les rebelles.
Ersal est une région sunnite dans une région à majorité chiite et partisane du Hezbollah, allié indéfectible de M. Assad.
Une trentaine de nouveaux réfugiés arrivent à bord d'un petit camion. Tous ont l'air hagard.
"Que Dieu les fasse souffrir comme ils nous font souffrir!" s'écrie une femme à l'adresse des journalistes. "Où sont les amis de la Syrie? Pourquoi l'ONU ne nous a pas aidés à Qousseir?".
Lire aussi
Nasrallah veut continuer ce qu’il a commencé à Qousseir
L’Italie tend la main aux enfants des camps de réfugiés syriens
Pour mémoire
De Qousseir au Liban, des blessés racontent l’horreur de la traversée
A Ersal, localité frontalière de la Syrie dans l'est du Liban qui a accueilli les rescapés de la ville tombée le 5 juin...
PAUVRES ET SAINTS CIVILS SYRIENS !
12 h 08, le 16 juin 2013