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À La Une - Éclairage

Le Liban face à la menace islamiste

Chaque jour qui passe montre l’imbrication de plus en plus étroite des dossiers libanais et syrien. Si le secrétaire général du Hezbollah a ouvertement reconnu la participation de ses partisans aux combats dans la région de Qousseir aux côtés des forces du régime en Syrie, pour empêcher l’extension des takfiristes du Front al-Nosra et leurs alliés vers le Liban, des cellules jihadistes libano-syriennes sont en train, parallèlement, d’apparaître au grand jour au Nord, à Saïda, à Beyrouth et dans la Békaa. Les derniers jours ont été riches en indices allant dans ce sens. Dimanche, une source sécuritaire a précisé que des combattants du Hezbollah ont ainsi tendu un piège à un groupe de takfiristes qui s’étaient introduits dans le jurd de Baalbeck pour y installer un canon de 120 mm. Les obus de ce type de canon n’étant pas de longue portée, il fallait donc installer le canon à une dizaine de kilomètres des cibles potentielles, donc de la ville de Baalbeck. Cet incident, le premier du genre, montre aussi que les jihadistes syriens et libanais circulent assez librement entre le Liban et la Syrie, entre Qousseir et Ersal en particulier.


De plus, il apparaît de plus en plus clairement que des jihadistes libanais combattent aux côtés des rebelles syriens dans la région de Qousseir. Ainsi, il y a quelques jours, le sunnite libanais de Baalbeck Hussein Dergham, mort à Dabaa, a été enterré au cimetière sunnite de la ville, sa dépouille ayant été ramenée au Liban. La source sécuritaire précise qu’il y en aurait trois autres, des familles Chalha, Kassar et Solh, dont les dépouilles sont encore en Syrie. Un autre Libanais de Tripoli de la famille Ezzedine est aussi mort à Qousseir et il a été enterré dans son village du Nord. Mais désormais, le Front al-Nosra se montre au grand jour au Liban. Il y a une quinzaine de jours, le vendredi 17 mai, après la prière de midi, une centaine d’éléments du Front al-Nosra sont sortis de la mosquée de Hiché à Wadi Khaled clamant des slogans en faveur de ce front et brandissant ses drapeaux. Même chose au village de al-Amaër, toujours à Wadi Khaled. Il y a même eu un incident encore plus grave avec, pour la première fois depuis le début du conflit syrien, l’apparition du Front al-Nosra à Beyrouth, il y a quelques jours. Les jihadistes de ce front sont descendus dans la rue avec leurs drapeaux et leurs armes, dans le quartier situé entre la Cité sportive et Tarik Jdidé. Ils se sont d’ailleurs heurtés aux habitants chiites de ces quartiers miséreux, mais l’armée est rapidement intervenue pour séparer les belligérants.


Il est donc désormais clair que les jihadistes du Front al-Nosra et alliés deviennent de plus en plus présents au Liban, qu’ils soient libanais ou syriens. La source sécuritaire précitée a précisé aussi que ces groupes sont directement financés par les pays du Golfe et versent des salaires élevés à leurs recrues, pouvant aller jusqu’à 4 000 dollars par mois. En plus du salaire mensuel, les jihadistes ont beaucoup de facilités, notamment avec les fatwas émises par certains ulémas appartenant à la même mouvance qui autorisent la réquisition des biens de l’ennemi, comme butin de guerre, et le viol de ses femmes et enfants.

 

À cet égard, il faut rappeler que la Sûreté générale a arrêté il y a une dizaine de jours les membres d’un réseau libano-syrien d’obédience radicale qui préparait des assassinats sur le territoire libanais. L’un des membres de ce réseau, déféré devant la justice avec ses compagnons, s’appelle Adnane et il a raconté en détail, au cours de son interrogatoire, les atrocités commises. Selon la même source sécuritaire, le dénommé Adnane aurait reconnu s’être rallié à une cellule libano-syrienne, dont le chef serait installé à Ersal. La cellule est active dans la région de Qousseir et se déplace clandestinement entre le Liban et la Syrie via la région dite « les projets de Kaa ». Parmi les hauts faits de Adnane et de son groupe, l’attaque de l’aéroport de Dabaa avant qu’il ne tombe entre les mains de l’armée. Selon ses propres aveux, la cellule aurait tué 13 soldats de l’armée syrienne dont trois auraient été égorgés. De même, Adnane a révélé avoir pénétré dans le quartier turkmène au nord de Qousseir, où il a blessé un homme à la jambe avant de violer devant lui ses trois filles de 7, 8 et 10 ans pour tuer ensuite les quatre personnes, sa soif de vengeance assouvie.

 

Adnane et son groupe avaient aussi planifié, toujours selon les aveux préliminaires, de tuer des cheikhs sunnites soupçonnés d’être proches du Hezbollah, mettant ainsi en application, sans la moindre hésitation, la fatwa émise par le cheikh qatari Youssef Qardaoui...

 

Les tirs hier contre cheikh Maher Hammoud à Saïda, qui critique ouvertement cheikh Assir et appelle à ne pas combattre la résistance, pourraient s’inscrire dans ce cadre. L’enquête est en cours. Mais, en Syrie même, les assassinats de cheikhs sunnites appuyant le régime sont en train de se multiplier, comme l’assassinat de l’uléma Bouti et d’autres, dans une volonté évidente de terroriser les hommes de religion sunnites et de les empêcher de prêcher en faveur d’une entente entre les sunnites et les chiites.

 

Toutefois, l’élément nouveau, c’est que la vague extrémiste est en train de s’étendre au Liban, ou en tout cas d’y apparaître au grand jour, tout en cherchant à provoquer des incidents dans plusieurs régions du pays. Pour l’instant, ils sont circonscrits et l’armée libanaise parvient encore à avoir le contrôle de la situation. Mais la menace takfiriste pèse désormais sur le Liban. Certains affirment qu’elle est la conséquence de l’implication du Hezbollah aux côtés du régime, d’autres qu’elle en est la cause. Mais pour le Hezbollah, en se battant contre les cellules du Front al-Nosra à Qousseir, il serait non seulement en train de protéger les arrières de la résistance, mais aussi tout le Liban en empêchant les cellules takfiristes de s’y implanter. C’est en tout cas ce que ses cadres disent aux familles ayant perdu des fils dans la bataille de Qousseir.

 

 

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