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À La Une - Liban

Élu pour quatre ans, le Parlement rempile jusqu’à novembre 2014

C’est l’une des séances les plus courtes de l’histoire du Parlement, qui couronne pourtant des mois de débats stériles sur la future loi électorale. Et pour cause. Les députés de toutes les tendances et de toutes les confessions avaient hâte d’en finir, dissimulant mal leur gêne derrière des déclarations qui se voulaient convaincantes.

En dix minutes, 97 députés sur 128 ont voté en faveur de la prorogation du mandat du Parlement jusqu’au 20 novembre 2014. Photo Ibrahim Tawil.

En dix minutes donc, 97 députés sur 128 ont voté en faveur d’un projet de loi formé d’un article unique prévoyant la prorogation du mandat du Parlement jusqu’au 20 novembre 2014.
À partir de 14h30, les grosses voitures, en général noires, des députés ont commencé à affluer devant le Parlement en prenant soin d’éviter la place Riad el-Solh où les attendaient des jeunes avec des kilos de tomates bien mûres. Les entrées des députés ont d’ailleurs été discrètes, la plupart d’entre eux préférant éviter de faire des déclarations aux journalistes, d’autant qu’une fois n’est pas coutume, ils étaient tous d’accord sur le vote. Les plus à l’aise étaient certainement les députés du courant du Futur et les plus gênés ceux du bloc de la Résistance et du bloc de la Libération et du Développement, qui craignaient d’être accusés d’avoir laissé tomber leur allié CPL. En effet, bien que physiquement absent, le bloc de Michel Aoun était présent dans les couloirs et... dans les consciences. Surtout qu’avec ses députés, il n’a cessé ces deux derniers jours de dénoncer la prorogation, la qualifiant d’atteinte flagrante à la démocratie.


En deux temps trois mouvements, la séance plénière a donc été conclue.
Le président de la Chambre Nabih Berry a commencé par préciser que le projet de loi présenté par le député ministre Nicolas Fattouche prévoyait une prorogation de deux ans qui se terminerait le 20 juin 2015, mais il a été convenu de réduire de sept mois cette durée. Le nouveau mandat du Parlement devrait donc expirer le 20 novembre 2014.
Le député Boutros Harb a quand même voulu prendre la parole. Ce qui a poussé Nabih Berry à lui dire : « J’étais sûr que vous voudriez parler. » Harb a alors précisé qu’il souhaite s’exprimer au nom de tous les députés, car il s’agit d’un moment grave, voire historique, et que ce n’est pas de gaieté de cœur que les députés votent la prorogation de leur mandat... Berry a déclaré à son tour : tous les députés ont le même sentiment. Ils se sont réunis pendant des mois pour tenter de s’entendre sur une nouvelle loi. Mais le climat actuel permet-il d’assurer la liberté des électeurs et celle des candidats ? Ziad Kadri, du Futur, a alors demandé si la séance est couverte par les médias. Certains députés ont répondu par la négative, ce qui a poussé Samer Saadé, Kataëb, à demander qu’elle le soit. D’autres ont alors protesté, affirmant qu’il ne s’agit pas d’un spectacle. Berry est intervenu encore une fois pour demander aux députés de ne pas se lancer dans les surenchères et Boutros Harb a poursuivi sa déclaration, en rappelant que le gouvernement a élaboré un projet « qui nous a placés devant le choix suivant : soit la loi de 1960, soit le vide institutionnel, soit la prorogation du mandat. Je crains aujourd’hui qu’après l’expiration du mandat prorogé, on se retrouve de nouveau devant le vide institutionnel »... Berry a expliqué que c’est justement cette crainte qui figure dans l’exposé des motifs du projet de loi.

Les salaires des députés
Samy Gemayel a ensuite demandé d’inclure dans le texte de loi une disposition prévoyant que les députés ne recevront pas leurs émoluments pendant toute la durée de la période prorogée. Mais les spécialistes ont expliqué que cela ne peut pas figurer dans le texte de loi lui-même. Samy Gemayel a en tout cas insisté pour que sa proposition figure dans le procès-verbal de la séance. Le vote s’est ensuite fait à main levée, à l’unanimité des présents.
Walid Joumblatt, qui se rend rarement au Parlement, est reparti très vite, ayant juste pris le temps d’un aparté avec le ministre des Affaires étrangères Adnane Mansour, alors que Georges Adwan et Fouad Siniora ont choisi de s’adresser à la presse. L’ancien Premier ministre a commencé par déclarer que la prorogation du mandat du Parlement est une décision difficile qui est contraire à ses convictions, car elle est en contradiction avec l’essence de la démocratie. « Mais nous avons été contraints à l’accepter, a encore précisé Siniora, à cause du climat de tension, des incendies sécuritaires qui se déclarent dans plusieurs régions libanaises, et surtout après l’annonce du Hezbollah sur sa participation aux combats en Syrie, aux côtés du régime. » Selon Siniora, son camp a été contraint d’accepter une prorogation plus longue que le simple délai technique à cause « du Hezbollah et de sa décision dangereuse ». Georges Adwan a préféré, lui, être positif, déclarant que les députés devraient commencer dès lundi à étudier un nouveau projet de loi électorale, rappelant dans la foulée que les Forces libanaises avaient promis que les élections n’auraient pas lieu sur la base de la loi de 1960.

 


Éviter la guerre civile
Mais c’est le chef des Marada, Sleimane Frangié, qui a le plus parlé aux journalistes, soucieux de démentir les rumeurs sur un froid entre son courant et le général Aoun. Il a ainsi expliqué que la décision de la prorogation a été prise pour éviter de plonger le pays dans la guerre civile et pour éviter que le conflit politique se transforme en affrontement sécuritaire ou militaire. Tout en affirmant qu’il forme un même camp avec le général Aoun, il a précisé que les élections ne sont pas une échéance banale, surtout en une période aussi cruciale, car elles sont destinées à déterminer l’avenir stratégique du pays, avec ou contre la résistance, avec ou contre les droits arabes. Il a rappelé que tous les pays étrangers et jusqu’au président américain Obama sont intervenus pour que les élections aient lieu à la date prévue... La sagesse imposait donc de reporter l’échéance. Frangié a aussi précisé, en réponse à une question, qu’il avait proposé que la prorogation soit de deux ans, pour que le lien ne soit pas fait avec la présidentielle syrienne, en juin 2014, mais finalement le Parlement a choisi un délai de 17 mois. Il a toutefois insisté sur le fait que cette prorogation ne signifie nullement qu’elle soit suivie par celle du mandat présidentiel à laquelle il est totalement opposé.


Dans les coulisses du Parlement, Kassem Hachem a révélé de son côté qu’il avait tenté de pousser en faveur de la tenue des élections à la date prévue, car d’une part, c’est important pour la démocratie, et d’autre part, le camp du 8 Mars partait grand favori, même avec la loi de 1960. Le problème, selon lui, c’est uniquement la question sécuritaire. Pour donner un exemple, 60 % des électeurs du Sud, a-t-il dit, vivent à Beyrouth et dans sa banlieue. Et si le jour des élections, cheikh el-Assir décidait de fermer la route du Sud ? Il y avait donc, à ses yeux, trop de risques sécuritaires...
Toutefois, selon un fonctionnaire du Parlement, qui en a vu d’autres, la vraie raison du report c’est qu’au fond, les différentes parties n’étaient pas préparées à la tenue des élections. C’est comme si depuis le début des négociations pour une nouvelle loi électorale, les deux camps avaient tacitement décidé de ne pas tenir les élections, en raison des développements dans la région et en particulier en Syrie. Mais si à l’automne 2014 la situation syrienne ne s’est pas encore décantée, faudra-t-il envisager une nouvelle prorogation ?

 

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