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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Médiocrité longue durée

Dessaisi, au fil des ans, de tous les atouts qui en firent jadis la Suisse du Moyen-Orient, le Liban peut encore prétendre à un dernier et dérisoire titre de gloire : nous demeurons les rois de l’escamotage, les champions incontestés de l’entourloupe constitutionnelle. Mieux que personne, nous maîtrisons l’art d’esquiver les échéances dites cruciales et de contourner le règlement, quand bien même s’agirait-il de la Loi fondamentale.

Hier, 97 députés de diverses appartenances, sur les 128 que compte l’Assemblée, ont voté comme un seul homme, au cours d’une séance-éclair, la prorogation, pour une durée de 17 mois, de leur mandat de quatre ans parvenu presque à son terme. Ce n’est guère la première fois, comme on sait, que se produit une telle hérésie, laquelle a même infecté par deux fois l’élection présidentielle. De rallonge en rallonge, la législature de 1972 a vécu une bonne vingtaine d’années, tandis que mort et destructions sévissaient tout alentour : c’est véritablement d’un alibi en sang massif que disposaient alors les inamovibles élus...

Or c’est la même bouillie vaguement assaisonnée au goût du jour que l’on nous repasse aujourd’hui. Non sans quelque raison, faut-il bien admettre, au vu d’une insécurité chaque jour plus alarmante, car se développant au rythme des violences de Syrie. En revanche, c’est à la déraison quasi générale, celle de la classe politique dans sa quasi-totalité, que l’on doit d’en être là aujourd’hui.

C’est une mensongère politique de distanciation qu’a pratiquée ainsi le gouvernement démissionnaire, dont le préposé aux Affaires étrangères s’est davantage dépensé pour la cause de la dictature baassiste que son homologue syrien lui-même. Une composante essentielle de ce même gouvernement s’est impliquée jusqu’au cou dans la répression en Syrie, des groupes rivaux ont rallié le camp des rebelles ; c’est en terre libanaise que poussent cependant, tels de vénéneux champignons, les foyers de tension sectaire et que se multiplient maintenant les agressions meurtrières contre l’armée.

Toutes ces aberrations, restait l’espoir sinon de les enrayer, du moins de les contenir, et cela par le jeu normal des institutions et le verdict souverain des urnes. C’est sur ce terrain-là, celui de la rigueur et de la rectitude démocratiques, que le personnel politique et parlementaire, militairement actif ou non, doit assumer solidairement la responsabilité de la mascarade d’hier. D’extravagants projets de loi électorale ont été mis en circulation ; des mois entiers ont été perdus en fiévreux conciliabules et rien ne permet de croire d’ailleurs que ces 17 mois de sinécure supplémentaires permettront, eux, de dégager la formule magique ; les échéances se sont bousculées mais qu’à cela ne tienne, les protagonistes s’étaient ménagé le recours, en dernier ressort, à cet increvable plan B, l’autoprorogation. Et c’est seulement pour s’adjuger à peu de frais le beau rôle que d’aucuns, pourtant tout aussi coupables que les autres de la persistance de l’impasse, ont boycotté avec superbe la peu digne séance d’hier à l’Étoile.

Quant à l’insistance du président de la République, gardien des institutions, à solliciter un jugement en invalidation du Conseil constitutionnel, elle pourrait s’avérer, elle aussi, un baroud d’honneur, dans un pays où se perd l’honneur républicain. Où le renouveau est interdit, où c’est la médiocrité qui peut prétendre au record de longévité.

Issa Goraieb

igor@lorient-lejour.com.lb

Dessaisi, au fil des ans, de tous les atouts qui en firent jadis la Suisse du Moyen-Orient, le Liban peut encore prétendre à un dernier et dérisoire titre de gloire : nous demeurons les rois de l’escamotage, les champions incontestés de l’entourloupe constitutionnelle. Mieux que personne, nous maîtrisons l’art d’esquiver les échéances dites cruciales et de contourner le...

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