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À La Une - En dents de scie

File dans ta Chambre !

Vingt-deuxième semaine de 2013.
Bien sûr qu’elle a tous les droits de s’emporter, de rager, cette société civile libanaise de plus en plus vaillante, de plus en plus impliquée ; bien sûr qu’ils allaient s’enflammer, et à raison, les réseaux sociaux, suinter le vitriol avec plus ou moins d’humour, plus ou moins de distance... Et il y a de quoi : les élus de la nation ont prorogé leur mandat parlementaire. Pas de quatre ou six mois, non, mais de dix-sept. Quitte à se faire du bien, pourquoi être radin...
Et pourtant. Aussi légitime, aussi naturelle et aussi nécessaire soit-elle, cette indignation reste démesurée. Pas dans le fond, mais dans la forme. Et dans le timing.
Parce qu’elle n’en est vraiment, réellement pas à son premier viol, à son premier gang bang, cette démocratie libanaise transformée au fil de l’histoire du pays (mais a-t-elle seulement existé, tenu au-delà de quelques semaines...) en un ramassis de microbes et de remugles, quelque chose entre la vieille peau de chagrin et la serpillère même pas javellisée. Cette prorogation, par rapport à tout ce qui a été infligé à la démocratie depuis des décennies, est à peine une petite tape sur les fesses.
Est-ce une raison pour le dynamiter et l’éviscérer davantage, cet ectoplasme de démocratie ? Non, naturellement. Mais sur ces rives éminemment méditerranéennes, relativiser est un art de (sur)vivre. Poser des questions aussi. Est-ce qu’un projet de loi électorale consensuel peut être trouvé tant que le destin de la Syrie n’est pas scellé ? Si un scrutin s’était tenu, les nouveaux députés auraient-ils été plus utiles, plus féconds que leurs prédécesseurs ? À quoi peut bien servir un Parlement en ce moment ? – l’actuelle Chambre a été aussi active qu’une vieille baleine échouée sur une plage et les chances que cela change par le miracle des urnes sont infinitésimales...
Relativiser en pensant aussi, surtout, qu’avec cette énième avanie subie par cette démocratie consensuelle libanaise, un immense progrès a été réalisé. Avant, tous les affronts, c’était l’occupant syrien et/ou israélien qui les commettait ; ou, comme en mai 2008, la milice du Hezbollah. Que les électeurs en tirent, éventuellement, les leçons, parce que aucune Chambre n’a jamais autant failli : aujourd’hui, si cette démocratie libanaise est souillée, c’est uniquement, et cela est presque follement inédit, par les Libanais eux-mêmes.
Tous les Libanais. Parce que aucune mauvaise foi au monde jamais n’atteindra les chevilles surenflées du CPL, qui a réussi l’exploit de rendre furieusement obsolètes et stériles les notions de populisme, de démagogie, de poujadisme. Comme toutes les autres factions politiques libanaises, le CPL est très satisfait de cette prorogation; sauf que ce parti, qui répète à qui veut l’entendre qu’il gagnerait haut la main n’importe quel scrutin basé sur n’importe quelle loi (même cette 1960 sur laquelle pourtant les aounistes ont vomi pendant des mois et qu’ils a-do-rent désormais...), est prêt à vendre un rein, ou les deux, pour coller au plus près des attentes ou des indignations populaires. Cela a un nom : cela n’est rien d’autre que du raccolage politique forcené, éhonté, obscène et désespéré. Désespérant surtout.
Parce que s’ils étaient un minimum conséquents avec eux-mêmes, les députés du CPL auraient démissionné comme un seul homme, à peine la prorogation votée, au lieu de jouer aux paons de pacotille. L’eussent-ils fait qu’ils auraient été applaudis des deux mains, dans ces mêmes colonnes avant qu’ailleurs. Heureusement, les chances sont nulles.
Reste, encore une fois, plus que jamais, à un homme d’entrer enfin sur scène, maintenant que la mascarade est close et que ce que tout le monde savait depuis mars, c’est-à-dire l’avènement de cette fumeuse prorogation, s’est réalisé : Tammam Salam.
Vingt-deuxième semaine de 2013.Bien sûr qu’elle a tous les droits de s’emporter, de rager, cette société civile libanaise de plus en plus vaillante, de plus en plus impliquée ; bien sûr qu’ils allaient s’enflammer, et à raison, les réseaux sociaux, suinter le vitriol avec plus ou moins d’humour, plus ou moins de distance... Et il y a de quoi : les élus de la nation ont...

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