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Culture - Performance

Danya Hammoud, sous les projecteurs

La danse de Danya Hammoud s’intitule « Mahalli ». Et sa place à elle est toute trouvée : sous les feux de la rampe. Ce soir, au théâtre Tournesol*.

Danya Hammoud dans « Mahalli », une performance où le corps est pris entre le dilemme de la résistance et la résignation. Photo Houssam Mchaiemch

Avant de danser avec son corps (et elle le fait merveilleusement bien), Danya Hammoud danse avec son visage. Son faciès de madone hiératique transmet toute une gamme d’émotions, son regard de braise hypnotise le spectateur, l’accroche, le transporte d’un état d’âme à un autre, d’un endroit à l’autre. À aucun moment des 35 minutes de la représentation l’attention ne faillit. Et, croyez-le, il s’agit d’une véritable gageure, pour une danse exécutée avec une telle lenteur.
Dans le noir absolu, les spectateurs du Tournesol, assis en petit comité sur des estrades bâties sur la scène, attendent immobiles le début de la représentation. Une faible lumière éclôt peu à peu. Le projecteur est braqué sur une jeune femme figée comme une statue. Elle porte une sorte de mini-robe noire décolletée, qui devient short lorsqu’elle est vue de dos. Un dos profondément décolleté, en forme de grand V, comme la victoire (costume signé Wafa Aoun). Cette victoire que la jeune danseuse a marquée à plusieurs niveaux. D’abord pour se frayer un chemin, toute seule comme une grande, à travers les festivals internationaux et pas des moindres. Elle a en effet accédé aux grandes scènes de la danse contemporaine, au festival Montpellier danse en 2012, à l’Officina (l’association qui organise le festival Dansem à Marseille) qui a été l’une des premières structures de production à l’accompagner après ses recherches en danse à l’Université Paris 8.
En 2013, Mahalli sera également présenté dans plusieurs festivals en France: «Danses d’ailleurs» (Caen) en mars 2013, festival «Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis» (Paris) en juin et le festival «June events» (Paris) également en juin.
En arabe «mahalli» signifie «ma place», mais aussi «local, d’ici». La danse de Hammoud est à ce titre éminemment «locale». N’est-elle pas entamée sur le fond sonore de bombardements sourds et menaçants? Même si à présent (jusqu’à nouvel ordre?) cette guerre-là a été interrompue, il reste que le peuple libanais se trouve au centre de combats quotidiens. «C’est pour moi une évidence, renchérit l’artiste. Aujourd’hui, même sans armes, nous sommes en train de combattre. Dans ces circonstances, il est moins question de vivre que de survivre. Je vis dans un pays prisonnier de l’opposition stérile de deux camps sans vision ni mouvement. De ce fait, la notion d’“appartenance” m’est devenue étrangère et comme inconcevable.»
L’autre aspect de Mahalli concerne évidemment la condition personnelle de Danya Hammoud. Elle, la femme orientale, qui entame sa danse avec des mouvements imperceptibles, danse à reculons. Puis rugit de tout son corps, la tête en arrière, les bras grands ouverts, la bouche rageuse comme la mâchoire d’une lionne. Quelques minutes plus tard, on la retrouve par terre, telle un Sphynx au sourire énigmatique. Puis, la libération, avec les premiers mouvements du bassin. Aguicheuse, alanguie, Hammoud entame alors une danse où tout son corps se trouve traversé de vagues ondulatoires d’une grande souplesse.
Entre résignation, révolte, mystère, sensualité, force animale, défi et révolution, Danya Hammoud traverse dans Mahalli des territoires hauts en émotion. Sa place à elle se trouve indiscutablement sur les planches.

* À 20h30, rond-point Tayyouneh, une coproduction Centre national de danse contemporaine (France), Cocoondance/Teatre Im Balsaal, Bonn (Allemagne), et Zoukak (association culturelle et compagnie de théâtre). Tél. : 01/381290.
Avant de danser avec son corps (et elle le fait merveilleusement bien), Danya Hammoud danse avec son visage. Son faciès de madone hiératique transmet toute une gamme d’émotions, son regard de braise hypnotise le spectateur, l’accroche, le transporte d’un état d’âme à un autre, d’un endroit à l’autre. À aucun moment des 35 minutes de la représentation l’attention ne faillit....

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