L’affaire nucléaire iranienne figure sans doute parmi les questions de priorité que prévoit l’accord entre Moscou et Washington sur la façon de traiter avec l’Iran en tant que puissance régionale émergente. Il est évident que le développement des relations bilatérales, ces dernières années, entre la Russie et l’Iran revêt une importance particulière en vertu des accords de coopération dans le domaine de la sécurité, de l’énergie et du commerce extérieur. Il en est de même de l’ouverture de l’Iran sur la Chine, leurs contacts politiques et les échanges économiques fondés sur des intérêts communs. Il est temps dès lors pour l’Amérique de reconnaître l’importance de l’Iran dans la région, d’autant plus que Washington reconnaît officieusement à ce pays une influence lui permettant de remplir un rôle régional efficace dans le cadre d’un éventuel rééquilibrage. Toutefois, les USA insistent sur le fait qu’il devrait s’engager, en revanche, à limiter ses activités et ses ambitions dans le Golfe et d’une manière plus générale dans la région, et mettre un bémol à ses attitudes radicales. Force est de constater que tout recours à la force contre l’Iran est exclus alors qu’augmentent les chances de parvenir à une solution dans le cadre d’un accord plus large entre les parties concernées.
La question de la protection de la sécurité d’Israël constitue en outre un des principaux piliers de cet accord international, voire des arrangements régionaux en cours de discussion. Il convient de noter que les grandes puissances occidentales sont engagées à contribuer à la garantie internationale de la sécurité de l’État hébreu, préoccupation internationale émanant d’un partenariat stratégique. Le projet en perspective permettrait à l’Amérique d’impliquer la Russie dans l’exercice de cette charge qui renvoie à l’engagement de soutenir Israël.
Les pourparlers entre Washington et Moscou portent sur la façon de mettre fin au conflit israélo-palestinien, en étroite corrélation avec le maintien de la sécurité d’Israël. Bien qu’ils n’écartent pas la possibilité de créer dans le Sinaï un État pour les Palestiniens, mais le projet d’établir une confédération avec la Palestine nouvellement reconnue qui se substituerait à la Jordanie semble mieux applicable et plus sérieux dans les discussions à huit clos, même si cela implique le faut pour la dynastie royale de faire place à cette confédération entre les Palestiniens et les Jordaniens. Il s’ensuit que la partition de l’Arabie saoudite constitue l’étape suivante, sans jamais exclure l’hypothèse de démembrement imminent de la Mésopotamie et du Levant plus tard.
L’accord bilatéral porte naturellement sur la crise syrienne, les deux grandes puissances étant notoirement impliquées dans cette bataille, comme d’ailleurs d’autres acteurs internationaux, de sorte que leur rapprochement repose sur la convergence de leurs volontés politiques pour résoudre cette affaire d’importance cruciale. Les discussions en coulisses progressent depuis plusieurs mois dans le sens de l’adoption d’un compromis politique, bien qu’aucune annonce d’une solution n’ait été faite. Des responsables américains et russes sont convenus, en vue du rétablissement de la sécurité, d’envoyer en Syrie des forces internationales sous le contrôle des Nations unies, constituées principalement de contingents des pays membres de la Convention de sécurité collective et de la Russie. Le plan prévoit en outre le déclenchement du processus de transition politique, y compris le maintien en fonctions du président Bachar el-Assad et la formation d’un gouvernement d’unité nationale dans le but de mener un dialogue national.
Les négociations entre Russes et Américains, portant sur l’avenir du Moyen-Orient, abordent aussi la nécessité de résoudre la question kurde qui menace de nombreux pays de la région ainsi que les intérêts occidentaux. Plusieurs parties régionales et internationales tentent actuellement d’utiliser ou d’impliquer les Kurdes dans la guerre en Syrie et le conflit en Irak, chacune selon les exigences de ses intérêts particuliers. La seule constante, c’est que la mobilité interne des Kurdes, relevant de leurs aspirations nationales, tourne autour de leur objectif principal à réaliser à travers leur histoire politique, à savoir la fondation de leur propre entité politique. La résolution de la question kurde pourrait se limiter justement à leur octroyer l’autonomie ; toutefois, l’accord pourrait atteindre le seuil de la reconnaissance de leur indépendance, ce qui ouvre le débat sur une formule à adopter pour un règlement raisonnable de ce problème chronique.
Le projet d’accord non déclaré entre la Russie et les États-Unis entreprend une restructuration de la carte de la région dans le contexte de l’émergence d’un nouvel ordre mondial. La Maison-Blanche et le Kremlin s’appliquent à délimiter les sphères d’influence, le recul remarquable de la France et de la Grande-Bretagne étant incontestable dans la zone. Les Américains cherchent à encercler la Chine, qui représente pour eux le véritable concurrent dans la balance de la géopolitique, alors que les Russes s’appliquent à bénéficier de cette conjoncture internationale.
Ghassan MELHEM
Centre d’études politiques de l’Europe latine
commentaires (2)
Bonne analyse, peut-être très près de la réalité des choses. UN NOUVEAU YALTA est en marchandage entre les deux Grands. Découpage du Proche et Moyen Orient en régions, pas besoin qu'elles soient petites, principalement sous influence des deux Grands, et par aval confiées à des puissances régionales telles l'Iran, Israël et la Turquie. La pierre sur laquelle butent les négociations c'est l'extension de l'Iran vers Israël qu'on veut juguler et couper.
SAKR LEBNAN
12 h 04, le 13 février 2013