Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Ô rage ! Ô désespoir

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô faiblesse ennemie !

Ça pourrait être le cri de tout Libanais raisonnable et sincère. Dans un Orient instable, l’être humain se cherche et se trouve tiraillé entre la peur et la haine, entre la résignation et la combativité, entre le fatalisme et l’activisme. Faut-il tout sacrifier, abdiquer ou réagir et s’opposer. Pour les humains il y a différentes approches allant d’un dialogue franc et honnête pour aboutir à une entente ou jusqu’à la lutte meurtrière et ses conséquences déstabilisantes. Dans la tragi-comédie de Corneille Le Cid, le héros est pris entre le code de l’honneur et de la noblesse, et son attachement affectif à sa bien-aimée, à Chimène, c’est le dilemme poignant, un dilemme cornélien, c’est un dilemme complexe et difficile à résoudre. Un conflit psychique opposant la raison aux sentiments. Le héros est écartelé entre deux choix qui s’opposent, ce qui entraîne une dysfonction émotionnelle. Dans le même registre, la pièce de Shakespeare Hamlet, le prince Hamlet se pose la même question, le même dilemme « To be or not to be ». C’est la fragilité de la nature humaine qui est ballottée par des sentiments dévastateurs.

Dans le domaine politique au Moyen-Orient, le peuple se débat au gré des choix des décideurs, de leurs fantasmes ou de leurs déviances. C’est une exploitation perverse par les responsables des émotions ou de la passivité populaire en les maintenant dans le monde des illusions. Le peuple est comme les prisonniers dans l’« allégorie de la caverne » chez Platon. Dans cette allégorie il y a d’un côté le monde sensible des illusions et des apparences, de l’autre côté le monde intelligible de la réalité et de la vérité. Dans ce choix, il y a l’élan intérieur du chef, il y a sa personnalité, les excès non maîtrisé, les excès messianiques, les excès autoritaires, les excès de radicalité, les excès de revanche, ou des excès idéologiques jusqu’à la dérive. D’où pour aboutir à un discernement opérationnel, il faut allier l’intelligence du sujet, du contexte, avec l’intelligence des moyens. Le principe de gouverner ou de guider un peuple, c’est de s’inspirer d’un bon sens simple et rationnel. Ceci nous manque dans notre région. Il faut toujours se rappeler que dans l’articulation entre la mission et les moyens il y a toujours le facteur humain. Nos responsables manquent de volonté politique, d’une idéologie nationale, d’un esprit de rassemblement et sont plutôt dans la dispersion et la déviance. Quant à la réalité palestinienne qui mobilise les foules, les jeunes, les intellectuels, les politiques, ces Palestiniens n’arrivent pas à créer un consensus rassembleur entre eux. Pour notre Orient il est certes important de fédérer les grands principes internationaux par les voies démocratiques et faire de la « paix », du « droit des peuples » un sujet de dialogue avec les grands décideurs. Nos peuples sont victimes de leurs décideurs qui choisissent les guerres, les attentats, la mobilisation des sentiments. Mais il persiste toujours un décalage entre les ambitions et les moyens utilisés. Dans ces tiraillements meurtriers, on a assisté à une guerre à la Star Wars qui a envahi l’espace audiovisuel en direct et où dominent les moyens de l’intelligence artificielle. Et dans quelques années, qui sait, une guerre par les soins d’une armée de robots guerriers. Mais dans toute cette tourmente : que fait-on pour le Liban ? Que fait-on au Liban ? Que fait l’équipe du pouvoir ? Que fait la diplomatie libanaise ?

Le peuple s’écrie ô rage, ô désespoir, sans pouvoir sortir de ce théâtre de sang et de mort. La chorégraphie est triste et macabre. Faute de pouvoir guider les peuples vers la paix et la sérénité, on flatte les jeunes et on les guide vers la violence et l’ultraviolence. Le peuple est noyé dans un mimétisme social de façon inconsciente dans des luttes macabres. Ce mimétisme se mêle aux croyances idéologiques, à la foi religieuse, à un entraînement collectif et à une course effrénée sans vision à long terme. Mais après ? Toujours plus de conflits ! Mais pour le chef il y a toujours un désir de pouvoir, un désir d’argent, un désir de réussite, un désir de possession, un désir de dépassement de soi. Ceci entraîne nos peuples par ce mimétisme social à une dynamique aveuglante ou à un choc de civilisations vécu et subi chaque jour. C’est l’identité intrinsèque qui doit se rééduquer pour éviter les frictions et les haines meurtrières. Notre région est engloutie dans la peur, la haine et les guerres. C’est un amalgame entre le pouvoir politique, le pouvoir militaire, avec le mensonge et la corruption. La région est prise en tenaille entre les extrémistes, les radicaux de tous bords où se mêlent l’idéologie, le politique, le religieux et les légendes. C’est le « venge-moi, venge-toi, montre-toi digne fils tel que moi ». Ou bien « va, cours, vole, et nous venge » du père de Rodrigue. Comme si le monde et les grands pays laissent faire, ou bien ça les arrange. Comme si un quartier est pris en otage par les voyous, les malfrats habités par les démons intérieurs, et que les braves gens sont obligés de se cacher, de se barricader pour ne pas subir les agressions et les gangs. C’est le monde de la jungle, ou le « terroriser les terroristes » de Charles Pasqua. Un État de droit doit faire l’affaire et régler la vie en société. Notre région subit le déchaînement des extrémistes de tous bords. Les extrémistes en Israël et les extrémistes iraniens font appel à Dieu, un Dieu qui a l’air de laisser faire ! Une approche bienveillante, idéaliste et platonique est possible. Attendons de voir les honnêtes gens, les penseurs, les philosophes lever la voix. Une politique de « paix » doit prendre le dessus face aux va-t’en guerre, et en même temps trouver les solutions. La chorégraphie palestinienne mérite une coordination sous le vocable des droits des peuples, en accord avec les grands décideurs pour faire avancer l’étendard de la paix. Une paix juste pour les peuples, et un accord sur un compromis territorial. Un degré d’honnêteté implique que les grandes puissances puissent intervenir pour calmer l’arrogance des deux bords pour calmer le principe de la revanche, notion primitive et tribale dans notre monde. Le Liban devra jouer un grand rôle par les voies diplomatiques et les voies politiques pour parler de paix, de compromis territorial et établir un dialogue. Mais où sont les hommes d’État pour mener ce combat ! Le combat pour la paix mérite une grande mobilisation, une nouvelle élite. Ceux qui se taisent, qui subissent, doivent lever la voix pour retrouver la paix, retrouver l’État de droit, mais surtout débloquer le système politique et sortir le pays de l’obscurantisme.

Adel AKL

Psychiatre, psychanalyste

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô faiblesse ennemie ! Ça pourrait être le cri de tout Libanais raisonnable et sincère. Dans un Orient instable, l’être humain se cherche et se trouve tiraillé entre la peur et la haine, entre la résignation et la combativité, entre le fatalisme et l’activisme. Faut-il tout sacrifier, abdiquer ou réagir et s’opposer. Pour les humains il y a...

commentaires (1)

De profundis, morpionibus

M.J. Kojack

15 h 38, le 29 avril 2024

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • De profundis, morpionibus

    M.J. Kojack

    15 h 38, le 29 avril 2024

Retour en haut