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Nos Lecteurs ont la Parole

Utopie quand tu nous tiens

Par Georges TYAN
Il arrive des fois où l’actualité est si intense qu’elle vous laisse pantois, ne sachant par quoi commencer. Les idées s’entrechoquent dans votre tête, l’aboulie vous prend, vous tâtonnez, vous écrivez, vous effacez, vous reprenez ; cent fois sur le métier vous remettez votre ouvrage, et pour peu, vous êtes prêt à le jeter dans la corbeille des oublis.
Vous laissez reposer un peu, vous mettez de l’ordre dans votre tête, la plume reprend ses droits, les lettres dansent, les mots se forment, les phrases se suivent. Vous étalez noir sur blanc votre horreur quand des hommes, militaires ou civils peu importe, sont happés par la spirale de la mort, sauvagement exécutés ; quand des hommes de religion montent au créneau, tentant de s’interposer entre la loi et la justice.
Vous avez écouté trop de versions contradictoires, vous ne savez plus qui croire, qui accuser. Ce n’est pas une devinette, ni même une charade, ce n’est pas non plus un tutti frutti – les fruits sont bons –, c’est un maelström de rancœurs déversées dans un bol ;
du poison à l’état pur. On y a mélangé pêle-mêle tous les crimes de la terre. Encore heureux qu’on ne remonte pas à Abel et Caïn.
Il n’y a pas prescription et il ne doit jamais y en avoir en matière de crime, quel qu’en soit le mobile, politique ou crapuleux, surtout quand mort d’homme s’ensuit. Un crime est un crime, point barre.
Depuis la nuit des temps, les assassins et autres malfrats, une fois leur forfait commis, se réfugiaient soit auprès d’une autre tribu, soit chez un chef de clan, ou encore dans le giron de tout personnage d’importance, en mesure de leur donner le couvert et le gîte et de les sortir du pétrin où ils se sont mis.
D’une entourloupe à l’autre, de pression en torsion de bras et, par un tour de passe-passe, la victime est condamnée. Les meurtriers, les assassins, eux, sont blanchis. Ils deviennent de fait les obligés dociles de leurs bienfaiteurs. C’est ainsi qu’à travers les âges, naquit le clientélisme.
Depuis, rien n’a changé, sauf que les arcs, les carquois, les glaives, les boucliers et les lances ont fait place aux armes automatiques et aux missiles ; les tribus ont tracé des frontières à leur périmètre géographique, édifiant des pays. Les clans eux, pour leur malheur, se sont engouffrés tête baissée dans le labyrinthe sans fond des appartenances communautaires.
Et c’est là que le bât blesse. Je ne comprends pas pourquoi, au lieu de se fondre dans l’immensité d’une identité nationale, même d’une superficie de 10 452 kilomètres carrés, les Libanais tiennent à se confiner dans l’étroitesse d’une dépendance religieuse où ils se recroquevillent dans une veulerie prudente.
La prudence mène à l’habitude, l’habitude à la facilité, la facilité au relâchement, le relâchement au laisser-aller et le laisser-aller à compter sur la Providence. En termes moins choisis, dépendre de la générosité de quelques nantis tout en monnayant sa loyauté.
Sachant que ces nantis, qu’ils le soient à titre personnel ou à travers des agglutinations religieuses que pour la bonne cause ils nomment partis, tirent le plus clair de la manne qu’ils distribuent de l’étranger. En fait, c’est une arme à double tranchant, ils donnent et ordonnent, mais aussi ils ont des comptes à rendre, et là ce n’est plus drôle.
On connaît le schéma, c’est un cercle vicieux qui, à force de tourbillonner, devient typhon, emportant tout sur son passage. Rarement on en sort indemne. De plus, les intérêts des généreux donateurs ne concordent souvent pas avec ceux de notre pays. Dans ce genre de métier, l’utile et l’agréable ne sont pas conciliables. De même que personne n’est indispensable ou irremplaçable.
Le Liban lui, pour tous ses fils, l’est. Il faut tenter de dépasser les méandres et les boyaux inextricables de la politique du clocher et du minaret, nous palpons chaque instant son inanité, sa nocivité. Puissions-nous bâtir un pays où l’ombre de la loi s’étendrait à tous ses habitants, où les Libanais seraient, avant toute autre considération, libanais.
Utopie, quand tu nous tiens... Rêvons-en un peu. Un jour nous réaliserons peut-être ce vœu pour qu’il cesse de rester pieux.
Il arrive des fois où l’actualité est si intense qu’elle vous laisse pantois, ne sachant par quoi commencer. Les idées s’entrechoquent dans votre tête, l’aboulie vous prend, vous tâtonnez, vous écrivez, vous effacez, vous reprenez ; cent fois sur le métier vous remettez votre ouvrage, et pour peu, vous êtes prêt à le jeter dans la corbeille des oublis.Vous laissez reposer un...

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