Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Tout simplement citoyen

Lina ZAKHOUR
Monsieur le Président de la République libanaise, Michel Sleiman,
Je vous remercie d’avoir dénoncé l’hypocrisie dans laquelle ce pays se débat depuis sa naissance. Même si, néanmoins, pendant quinze années, de 1975 à 1990, il n’y avait point d’hypocrisie. Ils se sont battus à visage découvert. Les citoyens de ce pays ont été capables du pire. Ils se sont entretués. Les raisons sont multiples, et les justifications avancées par chaque individu, chaque partie, à chaque combat, à chaque époque, sont innombrables. Fait irréfutable: des centaines de milliers de citoyens libanais sont morts aux mains d’autres citoyens libanais ou de leurs alliés du moment. Souvent, par un simple passage au barrage, la confession signait l’arrêt de mort. Vérité alarmante : pas de livre d’histoire unifié sur lequel ils se sont entendus depuis que la paix est revenue. Plus exactement, depuis que les armes se sont – presque – tues. Or, rien de moins rassurant puisqu’il est de connu qu’il faut être au courant de l’histoire afin de ne pas la répéter.
La lave gronde donc toujours en sous-sol. Et les Libanais vivent sur un volcan qui menace de se réveiller à tout moment. Afin de ne pas déranger le monstre, ils font la politique de l’autruche et enfoncent la tête sous terre en espérant que, cette fois encore, l’orage va passer. Sauf qu’à force de s’enfoncer, le pays a atteint le fond de l’abîme et rien n’est résolu. Pire, ça se complique. Et chaque échéance est là pour nous rappeler que ça ne fonctionne pas.
Aussi, Monsieur le Président de la République, merci d’avoir désigné le nœud du problème: le mariage civil. Quoi qu’en disent les détracteurs, qui répliquent qu’il y a des causes plus importantes et des questions plus urgentes à régler.
En effet, il est vrai que l’Électricité du Liban ne fonctionne pas. Ni la Sécurité sociale. Que le pays est endetté, et que la corruption gangrène la société et les administrations. Mais tout cela est lié à la question du mariage civil. Oui! Cette union entre deux individus consentants qui décident de construire dans le respect mutuel, et autour de leur amour, un foyer. De s’y identifier, d’y veiller et d’y faire des enfants qui leur ressemblent. De petits Libanais. Enfin, en cas de problème au sein de leur foyer, d’en référer aux autorités étatiques et à la justice du pays.
Or les Libanais fondent des foyers sunnites, chiites, maronites, druzes, orthodoxes, etc., rarement des demeures libanaises. Voilà pourquoi, au fil des ans, ce pays a été pillé par ses propres enfants. Qui ont même, à l’occasion, accepté de faire la guerre des «autres» sur leur terre. Preuve que ces personnes ne s’y sentent pas «chez soi». En effet, l’on ne sabote pas sa propre maison. Or chacun œuvre plutôt pour «son Liban». Entendez par là celui de sa communauté. L’intérêt général est le grand absent. Exit les notions d’État, de citoyenneté. Une appartenance nationale presque nulle...
Les débats actuels sur la loi électorale et «le succès» du projet de loi «orthodoxe» qui recèle en ses pages la négation même de la nation libanaise au profit de la montée en puissance des communautés religieuses sont la preuve de l’état de défiance auquel les différentes parties sont parvenues. Mais, aussi indécents que soient les propositions et les discours sur lesquels «le partage du gâteau» électoral se base, ils ont le mérite d’avoir exprimé le malaise. L’électeur ne se juge représenté que par le député de sa propre confession. C’est dire...
Merci aussi à l’homme d’État qui a mis le doigt là où ça fait mal. Et ça a fait bien mal, plus que prévu. La blessure en est presque mortelle. Au point qu’une fatwa est venue menacer l’identité libanaise, de même que l’essence et l’existence de l’État de droit. En effet, comment un individu pourrait-il se définir par rapport à son pays d’abord si ses ministres et députés sont tenus par un édit religieux à ne point légiférer selon les aspirations du peuple? Entendez par là de la société libanaise multiconfessionnelle.
Merci donc, M. Saad Hariri, d’avoir eu le courage de rappeler les devoirs de tout serviteur de l’État et de son peuple dans une république multiconfessionnelle, régie par une Constitution garantissant la liberté de culte. Pour tous.
Merci, Messieurs, d’avoir redonné l’espoir à ceux qui croient encore à leur identité libanaise. Et sachez que si notre foi en ce pays est ébranlée, notre foi en Dieu, elle, est bien solide. Car on peut être croyant et revendiquer un État laïc appartenant à tous ses citoyens, toutes confessions confondues. De même qu’une législation qui mettrait ces citoyens sur un pied d’égalité vis-à-vis de l’État et vis-à-vis l’un de l’autre. Les encourageant a s’aimer d’avantage, à se melanger... tout en veillant à sauvegarder leurs spécificités confessionnelles sur le plan personnel. En effet, le mariage civil est optionnel. Et il peut même être cumulable, au choix, avec une bénédiction religieuse, chaque cérémonie affirmant une appartenance et un attachement à des valeurs qui se complètent et ne s’excluent nullement: l’identité nationale d’une part, l’identité religieuse d’autre part. Mais surtout pas l’une au détriment de l’autre! C’est l’idée même du Liban. C’est son message.
Aussi, Messieurs, même si vos prises de position ne sont encore que des déclarations d’intention, elles nous permettent d’affirmer que le Liban n’est pas une illusion. Il est peut-être une utopie. À nous de la réaliser.

Lina ZAKHOUR
Avocate à la Cour
Chercheuse en sciences de l’information et de la communication
Monsieur le Président de la République libanaise, Michel Sleiman, Je vous remercie d’avoir dénoncé l’hypocrisie dans laquelle ce pays se débat depuis sa naissance. Même si, néanmoins, pendant quinze années, de 1975 à 1990, il n’y avait point d’hypocrisie. Ils se sont battus à visage découvert. Les citoyens de ce pays ont été capables du pire. Ils se sont entretués. Les...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut