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À La Une - Environnement

Le dépotoir de Saïda sera-t-il bientôt un jardin?

Le ministère de l’Environnement et le PNUD ont signé un protocole pour la réhabilitation prochaine du dépotoir.

Le ministère libanais de l’Environnement et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) ont signé, jeudi 4 octobre, un protocole pour la réhabilitation prochaine du dépotoir de Saïda  (Liban-Sud). Si tout se passe bien, au lieu des poubelles, il y aura un jardin... Photo archives.

Sur la corniche maritime de Saïda, les déchets fumants sont toujours là, l’odeur tout aussi nauséabonde, l’ombre du dépotoir omniprésente. Mais non loin de là, dans les locaux d’une compagnie privée, la municipalité lançait hier son projet de réhabilitation de la décharge sauvage, que la ville attend depuis longtemps. Au cours de cette cérémonie, un protocole a été signé entre le ministre de l’Environnement Nazem Khoury et le représentant du PNUD au Liban, Robert Watkins, pour la réhabilitation du site, en présence d’un grand nombre de personnalités dont les députés de la ville Fouad Siniora et Bahia Hariri. 


Le dépotoir de Saïda pollue la ville depuis près d’une quarantaine d’années. Une usine de tri et de compostage ultramoderne a été construite près du site mais n’a jamais fonctionné jusque-là. Le projet de la municipalité, rappelons-le, consiste à fermer le dépotoir, traiter les déchets dans l’usine et remblayer un terrain de 50 000 mètres carrés dans la mer. Le remblayage sera précédé de la construction d’un brise-lame, qui a déjà commencé. Le dépotoir, lui, sera remplacé par un jardin. Le projet bénéficie d’un budget de 20 millions de dollars provenant d’Arabie saoudite et d’un complément assuré par le gouvernement libanais.


Edgar Chehab, assistant du représentant permanent du PNUD, explique à L’Orient-Le Jour que la réhabilitation en tant que telle sera effectuée sous la supervision de l’agence onusienne. « L’exécution du traitement sera confiée à une compagnie spécialisée, dit-il. Neuf compagnies ont répondu à l’appel d’offres et trois ont été retenues : une française, une autre formée d’un consortium norvégien-hollandais et une troisième australienne. Le cahier des charges a été confié aux trois compagnies, qui devront envoyer leurs offres lundi prochain. Ces offres seront transmises à New York (siège du PNUD) pour l’évaluation, et une des trois compagnies sera choisie. »


L’expert explique que les conditions de travail sont clarifiées dans le cahier des charges. « Nous avons exigé la dégazification du dépotoir (extraction du gaz méthane qui se dégage des déchets et cause des incendies), souligne-t-il. Nous avons également demandé que soit effectué un tri afin d’isoler tous les remblais du dépotoir et qu’ils soient concassés jusqu’à ne plus dépasser 20 millimètres. Ils seront transmis, après traitement, à l’autre entrepreneur qui réalise le remblai en mer. Les matières organiques seront soumises à un compostage anaérobique (sans oxygène) qui constituera la matière première sur laquelle sera aménagé le parc naturel à la place du dépotoir. » Et les autres déchets ? « Le plastique, le verre, les métaux... iront au recyclage », dit-il.


Selon M. Chehab, le contrat avec la compagnie choisie devrait être signé d’ici à la fin de l’année. Quant à la réhabilitation, elle durera 30 mois.


Sur le projet tel que conçu par la municipalité, Ibrahim Bsat, vice-président du conseil municipal, nous indique que « les travaux ont été entamés dans le cadre de la première phase, c’est-à-dire la construction du brise-lame », montrant du doigt les immenses blocs de béton qui jonchent les rues près du dépotoir. « La deuxième phase est celle du fonctionnement de l’usine, qui devra commencer, nous l’espérons, dans un mois, poursuit-il. La troisième phase est celle du traitement du dépotoir dont le protocole est signé aujourd’hui. Le dépotoir sera fermé dès que l’usine fonctionnera. » Interrogé sur les sujets de litige qui ont retardé l’ouverture de l’usine, M. Bsat assure qu’ils ont « tous été réglés, notamment ceux de nature économique et administrative ».


Qu’est-ce qu’il y aura à la place du dépotoir ? « Une superficie de 550 000 mètres carrés gagnée sur la mer », répond-il. À quoi servira-t-elle? « Il est trop tôt pour le dire, souligne-t-il. Mais il s’agira de nouveaux terrains pour la ville, appartenant à l’État bien sûr. »


Cet immense remblai ne fait pas l’unanimité. L’ONG Bahr Loubnan avait proposé un plan différent de celui de la municipalité, qui consistait à remplacer le dépotoir par un jardin en y traitant les déchets sur place, en plaçant une géomembrane pour empêcher les ordures de tomber dans l’eau, et sans remblayer la mer. Rima Tarabay, vice-présidente et fondatrice de l’association, insiste sur les dégâts écologiques qui résulteront d’un tel remblai, selon elle : le phytoplancton (organisme principal à la base de la chaîne alimentaire) disparaîtra, les rayons de soleil qui alimentent la production marine ne pourront plus accéder aux zones plus profondes, l’érosion des plages en sera aggravée, toute modification du littoral emportera les courants des éléments nutritifs, menant à la disparition de la biodiversité marine, les vagues s’abattront plus violemment en périodes d’intempéries et pourront conduire à des catastrophes, etc.

Une « réputation mondiale désastreuse »
Quoi qu’il en soit, les mots prononcés hier reflétaient un immense soulagement. L’impact désastreux du dépotoir sur le littoral libanais a été mis en évidence par le ministre de l’Environnement Nazem Khoury lors de son intervention. Celui-ci a rappelé qu’« une étude de la Banque mondiale datant de 2004 avait montré que le coût de la dégradation écologique dépasse les 110 millions de dollars par an ». Il a également déploré la désastreuse réputation mondiale que cette « montagne » donne au Liban. « J’espère que vous serez conscients de votre responsabilité aujourd’hui pour redorer le blason du Liban, la balle est dans votre camp », a-t-il déclaré.


L’ancien Premier ministre Fouad Siniora a mis en valeur les progrès à venir dans la réalisation du projet, se félicitant du début de la construction de la jetée « qui séparera le dépotoir de la mer, polluée régulièrement par ses effondrements ». Il a estimé que la réalisation du projet aidera au progrès de la ville « par cette opération de remblai qui donnera à Saïda le plus grand terrain remblayé et qui représente une importante occasion ».


La dégradation écologique générale et ses conséquences sur tous les aspects de la vie économique et sociale a été évoquée par M. Watkins. « Dans ce cadre, le PNUD apporte un appui au Liban, depuis deux décennies déjà, par des politiques de sensibilisation et des projets concrets, a-t-il dit. L’inauguration du projet de réhabilitaion de ce dépotoir concentre en lui toutes ces valeurs et toute notre détermination. »


Mme Hariri a insisté sur la « longue attente » des habitants de Saïda. Elle a annoncé que le traitement de ce dépotoir s’accompagnera de programmes de sensibilisation de la population à la bonne gestion des déchets, ainsi que des programmes éducatifs dans les écoles, afin que « les nouvelles générations grandissent avec des principes sains et que ce désastre ne se répète pas ».


Enfin, Mohammad Saoudi, président du conseil municipal de Saïda, a estimé que « la signature de ce protocole (entre le ministère et le PNUD) est une garantie que la réhabilitation du dépotoir sera réalisée suivant les critères internationaux ». « Cela est une preuve du sérieux avec lequel ce projet est mis en place », a-t-il ajouté.

 

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