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Liban - Éclairage

Mikati et ses partenaires : une alliance minimale...

Plus que jamais le Premier ministre Nagib Mikati constitue une énigme pour ses partenaires au sein de la majorité actuelle. S’il fait l’objet de critiques depuis quelque temps déjà de la part du général Michel Aoun et de son bloc, il doit maintenant affronter la déception du président de la Chambre Nabih Berry, qui faisait pourtant partie de ses principaux appuis. À ceux qui s’impatientaient des atermoiements du Premier ministre, Berry a longtemps répondu qu’il fallait comprendre ses considérations sunnites et sa volonté de ne pas indisposer cette communauté, assurant à tous ceux qui se plaignaient de « l’obsession sunnite » de M. Mikati que la politique suivie par ce dernier est sage et qu’il faut lui donner du temps pour absorber la protestation de la rue. Il a même défendu la politique du « maintien à l’écart » face aux développements en Syrie, prônée par le Premier ministre et justifiée par la division intérieure du pays sur ce dossier. Mais désormais, les proches de Nabih Berry confient que le président de la Chambre n’arrive plus à comprendre les motivations du Premier ministre. Selon ses proches, le président de la Chambre aurait même dit : c’est comme si le rêve de Nagib Mikati est de présider un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, tellement il refuse de prendre la moindre décision.


En réalité, les principales parties au sein de la majorité actuelle ne cachent plus leur impatience. Elles considèrent avoir tout fait pour faciliter la mission du Premier ministre, levant devant lui un obstacle après l’autre, quitte souvent à faire des concessions énormes pour maintenir la cohésion du gouvernement. Mais face à chaque dossier réglé, le Premier ministre s’empresse de soulever un nouveau problème, fermant pratiquement toutes les portes que ses partenaires tentent d’entrouvrir. Les piliers de la majorité ont ainsi accepté que le gouvernement verse la part du Liban dans le financement du Tribunal spécial, ils ont aussi renoncé à soulever le dossier des faux témoins, tout comme ils ont accepté de ne pas s’en prendre aux responsables sunnites désignés par les équipes de Fouad Siniora et de Saad Hariri.

 

Ils ont encore sacrifié le ministre du Travail Charbel Nahas et chaque fois qu’il le faut, le président de la Chambre s’est arrangé pour sortir le gouvernement du pétrin, face à une opposition déchaînée. Mais en contrepartie, Nagib Mikati, lui, ne semble pas prêt à faire le minimum, selon eux. Pendant toutes les séances parlementaires plénières, il est bien présent, mais se fait le plus discret possible, refusant souvent de défendre son gouvernement et surtout de prendre la moindre initiative, notamment de procéder à l’adoption des décrets d’application de la loi sur les gisements gaziers, alors que ce secteur est de la plus haute importance pour le Liban. C’est Nabih Berry lui-même qui a fait le gros du travail en se rendant à Chypre et en établissant des pourparlers avec les responsables chypriotes. Malgré cela, le Premier ministre n’a pas encore réagi. Tout comme il se garde bien de nommer des fonctionnaires dans la soixantaine de postes sunnites vacants, alors que de telles mesures seraient de nature à consolider son influence au sein de l’administration et par conséquent à amplifier sa popularité. Mais même dans ce domaine, Mikati ne réagit pas, se contentant de s’opposer et de mettre des entraves à tous les projets des ministres du bloc du Changement et de la Réforme, de multiplier les critiques discrètes au ministre des Finances Mohammad Safadi (pourtant son allié à Tripoli) et de se cacher derrière le conflit entre le président de la République Michel Sleiman et le général Michel Aoun pour ne pas procéder à des nominations administratives importantes.


Que veut donc Mikati? s’interrogent de plus en plus des piliers de la majorité actuelle qui cherchent désespérément à améliorer les prestations du gouvernement. Certains estiment que le Premier ministre s’est engagé envers des responsables saoudiens et occidentaux à ne pas permettre à la majorité actuelle de fonctionner et que ceux-ci le tiennent avec ses nombreux intérêts économiques à l’étranger. Le message principal serait le suivant : le Liban est un pays de consensus et aucune partie ne peut prétendre le gouverner seule. D’autres pensent plutôt que Nagib Mikati garde en tête l’idée d’une alliance avec le courant du Futur au Nord pour les prochaines législatives, s’il ne parvient pas d’ici là à améliorer le taux de sa popularité. Au cours de l’un de leurs entretiens, Nabih Berry lui avait pourtant conseillé de ne pas miser sur une telle éventualité, précisant que quoi qu’il fasse, le courant du Futur ne lui pardonnera pas d’avoir accepté de remplacer Saad Hariri à la tête du gouvernement. Mais le Premier ministre semble avoir d’autres indices et souhaiterait garder la porte ouverte à toutes les éventualités, quitte à déplaire à ses alliés au sein de la majorité. Il devrait en tout cas se charger lui-même de répondre à ceux qui le critiquent dans le cadre de son entretien télévisé avec la LBC demain, puisque désormais, les débats se font par médias interposés.


Toutefois, ses proches affirment que le maintien en place de ce gouvernement est une nécessité absolue dans les circonstances actuelles et que, par conséquent, ses partenaires, aussi bien que ses adversaires, ne peuvent que le critiquer, sans être en mesure de le pousser à partir. Au pire, le président de la Chambre pourrait décider la tenue d’une séance parlementaire consacrée à un débat de politique générale, qui se transformerait en lynchage du gouvernement et de son chef. Mais pour l’instant, aucune décision n’a été prise à ce sujet, sachant qu’au fond, ce gouvernement arrange particulièrement l’opposition, laquelle est en train d’améliorer sa crédibilité auprès des électeurs, chaque fois que le gouvernement montre ses divisions internes, sa fragilité et son inertie. Le pays se trouve donc dans une spirale improductive, sur fond de calculs électoraux.

Plus que jamais le Premier ministre Nagib Mikati constitue une énigme pour ses partenaires au sein de la majorité actuelle. S’il fait l’objet de critiques depuis quelque temps déjà de la part du général Michel Aoun et de son bloc, il doit maintenant affronter la déception du président de la Chambre Nabih Berry, qui faisait pourtant partie de ses principaux appuis. À ceux qui...
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