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Nos Lecteurs ont la Parole

Si la légalité et la justice ne servent pas la vérité...

Par Dr Riad JREIGE
Si la légalité et la justice ne servent pas la vérité, à quoi donc servent-elles ? La mise en garde de Hassan Nasrallah vise tous ceux qui ne se sentent pas concernés par la vérité, spécialement le TSL et tous ceux qui lui font aveuglément confiance, soit par immaturité politique, soit par intérêt.
L'acte d'accusation du TSL à l'encontre du Hezbollah est déjà prononcé. Le Hezbollah est le « coupable idéal », mais est-il le coupable ? Les questions fondamentales à se poser sont : 1) Qui ou quelle organisation, quel pays avaient intérêt en 2005 à éliminer Rafic Hariri ? 2) Qui ou quelle organisation, quel pays
trouvaient intérêt aux conséquences politiques d'un tel séisme ? Sachant qu'Israël avait évacué quasi totalement le Liban depuis mai 2000 alors que la Syrie y était encore établie le 14 février 2005.
Se pose ainsi la question de la place du TSL quelques mois après l'attentat de la Saint-Valentin, il y a bientôt six ans. Vouloir expliquer la raison d'être de ce tribunal en particulier, suite à un assassinat aussi énorme, répond à une justification, pour ne pas dire une volonté, qu'il serait prudent d'aller fouiller, pour comprendre, dans les stratégies des différentes puissances régionales qui ont su se partager l'influence sur la scène politique et militaire libanaise.
Le Liban était depuis le milieu des années 70 le théâtre d'une guerre fratricide opposant les Libano-progressistes aux côtés des combattants palestiniens, qui avaient fui en 1970 la répression violente du roi de Jordanie en septembre de cette même année, aux nationalistes phalangistes et libéraux, qui ne se laisseront pas faire.
Nous étions nombreux à avoir été pris dans cette bipolarité qui consistait à être forcément d'un côté ou de l'autre de cette logique binaire meurtrière, réduisant le conflit qui se jouait chez nous à une simplissime opposition, certes très violente, entre deux factions à l'armement finement dosé pour qu'il n'y ait de supériorité dans la puissance de feu ou dans la nuisance.
J'avais 11 ans, je croyais fermement qu'il y avait d'un côté les bons, c'est-à-dire le nôtre, et de l'autre, comme il se doit, le camp des mauvais.
Les miliciens s'organisaient pour défendre les civils, il fallait donc qu'ils soient les maîtres du quartier, du village, de la ville ou de la région. L'armée que je n'évoque pas, je ne l'évoquais pas non plus à ce moment-là. Elle s'était disloquée rapidement, au point de devenir, une fois chaque militaire dans sa communauté, plusieurs milices aux couleurs de la cause qu'ils croyaient défendre. Les uns voulaient se regrouper pour se protéger, au prix de massacres et de déplacement de populations, c'était le cas de notre région (la région chrétienne). Elle devait être nettoyée de tous ceux qui ne faisaient pas partie de ce groupe communautaire. Était appliquée, sans que nous le sachions vraiment, la politique du « regroupement communautaire » qui ne pouvait que faire plaisir à un pays. C'était d'ailleurs ce pays qui avait fortement armé les miliciens chrétiens, en tout cas à égalité de ce que la Syrie et la Libye avaient octroyé à l'autre camp. Il s'agissait de maintenir un équilibre tout en augmentant la puissance de feu. Il y avait des limites à ne pas franchir comme si à cette partie-là on pouvait jouer à condition que l'on ne fasse pas du mal à ceux qui le permettaient. Mais les règles devaient être dictées et un contrôle devait se faire à ce niveau. L'armée syrienne était entrée officiellement en 1976, à la demande des chrétiens par la voix du président de la République de l'époque qui ne pouvait plus contenir les assauts des combattants palestiniens, menaçant la présence des chrétiens au Liban. Cette Force arabe de dissuasion portait bien son nom puisqu'il fallait dissuader les belligérants de dépasser certaines limites. Pratiquement la moitié du pays avait été envahie par ces troupes, qui avaient commencé par calmer le jeu en arrêtant la progression des combattants palestiniens et en soulageant les forces chrétiennes. Cette force, dont le mandat avait un terme, sans cesse repoussé, puisque sa présence s'était rendue indispensable pour éviter des tensions qui ne pouvaient que surgir au moment où on s'y attendait le moins. D'ailleurs, des personnalités politiques de haut rang étaient menacées
et même pour certaines liquidées sans que le ou les coupables n'aient jamais été identifiés ; valait-il mieux qu'il en soit ainsi ? Les fedayine devaient trouver dans le sud du pays le terrain propice pour des attaques contre le nord d'Israël, en représailles à la création de cet État sur la terre de Palestine d'où ces combattants avec leurs familles avaient été chassés en 1948 puis pendant et après les différentes guerres arabo-israéliennes qui avaient suivi ; leurs maisons furent détruites ou occupées. L'armement qu'ils utilisaient était celui autorisé par ce jeu aux règles bien précises, mais ignorées par les civils qui ne faisaient que subir les assauts aériens quasi quotidiens de l'armée ennemie, laquelle ne faisait aucune distinction entre civils et miliciens, libanais et palestiniens. La pression exercée par les fedayine sur le nord d'Israël devenait gênante, ce qui avait poussé le gouvernement israélien à envahir le Liban-Sud pour le « nettoyer » des combattants palestiniens et s'y établir malgré les injonctions de l'ONU, à coups de résolutions que ce pays se faisait un honneur de ne pas respecter - au point que c'était devenu sa marque de fabrique.
Cela se passait au printemps 1978 et Israël était la deuxième puissance régionale après la Syrie à envahir le Liban. Cette fois à partir du Sud, alors que la Syrie, elle, avait envahi l'Est et le Nord, laissant la Montagne libanaise comme un État indépendant, sans aucune communauté autre que chrétienne. D'anciens miliciens chrétiens, dont l'un des chefs, continuent aujourd'hui encore de rêver à un Liban, minuscule certes, mais un Liban chrétien.
Israël, plutôt que de s'embourber au Liban-Sud, préférait se retirer incomplètement, laissant une milice libanaise, à sa solde occuper cette zone évacuée mais administrée par elle. Les fedayine poursuivaient leurs attaques sur le nord d'Israël, la présence de l'Armée du Liban-Sud ne l'en dissuadant pas. Cela a duré jusqu'en 1982, date à laquelle le Premier ministre et le ministre de la Défense israéliens décidaient d'envahir le Sud, de pousser jusqu'à Beyrouth, d'en faire le siège jusqu'à en déloger et en expulser les cadres de l'OLP et leur chef charismatique qui avait réussi à mettre à genoux la population de Beyrouth-Ouest. Et l'occupation du Liban-Sud, aux yeux des Israéliens, ne pouvait avoir de sens en termes d'efficacité que s'ils y restaient. Ils l'avaient fait jusqu'en mai 2000.
Les Israéliens sont des gens pragmatiques. Perdre au Liban plus de soldats que durant les quatre guerres arabo-israéliennes réunies est un calcul facile à faire, dont l'État hébreu n'allait pas tarder à tirer les conclusions. Alors que les Palestiniens avaient été expulsés du Liban, une farouche résistance se concrétisait dès juin 1982, aidée en cela, sur le plan logistique et en armement, par d'autres puissances régionales : Syrie et Iran, pour ne pas les nommer. Autrement dit, ces deux pays s'attaquaient désormais indirectement à Israël. Le Hezbollah revendiquait, à juste titre, la victoire contre l'envahisseur sioniste. Ce parti devenait de plus en plus puissant et ses revendications de plus en plus libanaises. Il s'agissait d'un discours unificateur. Pour Israël, la persistance de la présence syrienne au Liban qui continuait d'alimenter, et être le lieu de transit en armes et en argent, l'existence du Hezbollah est inimaginable au point de représenter un véritable danger pour Israël. La présence syrienne au Liban n'était plus du tout souhaitable, il fallait la faire partir. La Syrie entre-temps s'était alliée aux USA lors de la coalition contre Saddam Hussein en 1990 et la première guerre du Golfe, les accords de Taëf l'avaient consacrée au Liban. Officiellement rien ne pouvait plus la déloger, il fallait un séisme qui l'obligeât, sans aucune condition, à dégager rapidement le Liban. Le séisme a eu lieu le 14 février 2005 : l'attentat contre Rafic Hariri.
Si la légalité et la justice ne servent pas la vérité, à quoi donc servent-elles ? La mise en garde de Hassan Nasrallah vise tous ceux qui ne se sentent pas concernés par la vérité, spécialement le TSL et tous ceux qui lui font aveuglément confiance, soit par immaturité politique, soit par intérêt. L'acte d'accusation du TSL à l'encontre du Hezbollah est déjà prononcé. Le...
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