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Nos Lecteurs ont la Parole

Cheikh Zayed vu par Caracalla

Par Dr Mirna WAKED SBEIH
Il fallait le génie libanais, celui de Caracalla en l'occurrence, haut en couleur et en mouvement, pour essorer une histoire simple née dans le désert arabe et en sortir une myriade chatoyante de nuances. Technicité à l'appui, trompe-l'œil génial de modernité, costumes flamboyants, chevaux sur scène, documentation poussée : tous les ingrédients étaient là pour faire du nouveau spectacle de Caracalla un chef-d'œuvre de l'art.
Mais, hélas, dans le choix d'exécuter ce travail en hommage à un grand homme,  Cheikh Zayed ben Sultan al-Nahyane, le risque de glissement était au rendez-vous : vers le culte du personnage, et l'assujettissement de l'art au service de l'hypertrophie posthume de l'ego... Une œuvre simpliste en ressort alors, dans la conception même de l'hommage. Cheikh Zayed aurait pu s'établir en filigrane d'un songe dans le désert, mais non, la pièce est restée dans la tradition du « madih » poétique arabe, au strict sens du terme. Dans le premier acte, à court d'inspiration, pour avoir exécuté le tout dans la mentalité du documentaire fidèle, l'action sur scène est paradoxalement statique. À l'arrière-plan, les images projetées piétinent. Du coup, les danses ne sont pas des danses ; elles sont là pour remplir la scène. Elles s'inspirent du folklore bédouin de ce coin du monde, mais ne soutiennent en rien la tension dramatique, inexistante, du spectacle. Elles ressortent à répétition des corps qui plient sous le soleil de plomb du désert, et on assiste à l'absence d'innovation à partir du deuxième tableau.
D'autre part, surgi d'une confusion historico-culturelle, un druide digne des forêts brumeuses de Bretagne fait la narration emphatique et exagérée de l'histoire de cheikh Zayed. Une voix qu'on aime, professionnelle à gogo, celle de Gabriel Yammine, le talentueux, ne suffit pas à nous capter. Et voilà que dans le deuxième acte, surgis d'une illumination imparable, les Émirats sont. On ne dit pas que c'est grâce à l'art de la diplomatie de cheikh Zayed, à sa sagesse, à son pacifisme, sa culture du simple, à son destin de visionnaire ayant à ses pieds l'or noir qui deviendra monnaie universelle... Rien de tout cela ne ressort du texte parlé ou chanté, naïf et enfantin.
La finale conclut cette approche épidermique. Les Émirats se transforment alors en berceau des cultures, d'Occident et d'Extrême-Orient. Celles-ci coexistent artificiellement, mais finissent par nous émerveiller dans cette infime partie du spectacle. Elles ont résisté à la sélection naturelle de l'histoire de l'art tout comme notre dabké, relookée depuis un moment par notre Caracalla national. Finalement, cheikh Zayed en est sorti encensé certes, mais éphémère. La Zanoubia, le Fakhreddine, la Reine de Pétra sont pourtant restés éternels et à la hauteur de leurs destins fabuleux dans le théâtre musical des Rahbani. Abdel Halim Caracalla le magnifique les a côtoyés et a travaillé avec eux. Mais comme le disait Assi Rahbani : « Le génie n'est point contagieux, ni héréditaire... ».
Il fallait le génie libanais, celui de Caracalla en l'occurrence, haut en couleur et en mouvement, pour essorer une histoire simple née dans le désert arabe et en sortir une myriade chatoyante de nuances. Technicité à l'appui, trompe-l'œil génial de modernité, costumes flamboyants, chevaux sur scène, documentation poussée :...

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