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Nos Lecteurs ont la Parole

La laïcité au Liban, un objectif réaliste ? (I)

Omar BAZ
Après l'indépendance acquise en 1943, les deux protagonistes de cet événement historique, les présidents Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, ont trouvé une formule qui prenait en compte l'hétérogénéité confessionnelle et les divergences d'opinion entre Libanais. Cette formule nommée « pacte national » consistait en un compromis oral et provisoire qui devait réunir les Libanais sous un seul drapeau. Ce compromis entérinait l'attribution des postes sur des critères confessionnels, tout en prévoyant un comité national attaché à la suppression de ce confessionnalisme. Par la suite, le Liban a connu la guerre civile et religieuse qui a pris officiellement fin le 13 octobre 1990, suite à un deuxième accord intercommunautaire dit de Taëf.
Malheureusement, après presque 67 ans de guerre et d'instabilité politique, le Liban ressemble toujours à un clandestin qui n'a aucune identité. Cet aperçu historique nous rappelle que notre pays n'a pas réussi à résoudre son problème de cohabitation entre les différentes communautés. Ce problème communautaire persiste malgré les deux accords et les nouvelles générations d'hommes et de femmes politiques dont on présageait qu'ils seraient les initiateurs d'un changement. En réalité, ces deux accords sont des pansements à l'hémorragie, mais nullement le remède. Ils ont été indispensables pour sortir le pays d'une situation de crise, d'instabilité et de guerre. Nécessairement limités par leur caractère « provisoire », ces accords doivent être complétés par une politique volontariste, juste et raisonnable pour supprimer cette dépendance entre politique et religion, afin d'élire nos responsables uniquement sur leurs compétences.

La nécessaire laïcité
Bien que les deux accords aient évoqué le passage d'un État communautaire à un État séparant religion et politique, le réflexe communautariste n'a pas cessé de se détériorer depuis l'indépendance, la guerre civile, la domination syrienne. Jusqu'à présent, nous n'avons pas bénéficié d'une stabilité politique permettant d'entamer sereinement un vrai débat sur la laïcité dans nos institutions. Certes, les deux conditions d'une société solidaire et forte résident généralement dans le partage d'une même langue et religion. Dans notre cas, c'est dans l'hétérogénéité des religions que réside notre talon d'Achille, d'ailleurs toujours exploitée par les perturbateurs externes et internes. Nul ne pouvant imposer sa religion, la solution pour surmonter cet handicap serait d'aboutir à un État véritablement laïc.
La laïcité se définit par l'autonomie de l'État par rapport à la religion, la neutralité confessionnelle, la reconnaissance de la liberté de culte (y compris la liberté des agnostiques et athées). Au niveau individuel, les individus sont juridiquement égaux, quelles que soient leurs croyances. C'est exactement ce système qui permettra de résoudre nos problèmes hérités depuis des décennies, afin de supprimer notre identité communautaire au bénéfice d'une unique identité libanaise.
Aujourd'hui, on entend à nouveau parler de la séparation entre politique et religion. Ce discours reflète l'hypocrisie de ceux qui le prononcent, souvent les responsables de l'aggravation du fossé communautaire. Chaque responsable politique joue toujours le rôle de « galvaniseur communautaire » pour s'attirer les faveurs de sa communauté et rester sur les devants de la scène. Nos hommes politiques oublient les dommages considérables que provoque leur discours politique, basé sur le racisme et la haine entre les différentes communautés. Le meilleur exemple récent est dans la division de l'opinion libanaise à l'occasion des manifestations des 8 et 14 Mars. Le plus grand défi aujourd'hui, c'est de pouvoir réunir les Libanais, quelle que soit leur religion, par un discours patriotique et non communautaire.
Évidemment, il est encore prématuré d'espérer aboutir à un État laïc puisque la laïcité est une chose abstraite, un comportement au quotidien, une vision d'égalité entre tous les citoyens. La laïcité est dans chaque individu, dans chaque maison. Le passage à un État laïc requiert une pédagogie à l'échelle nationale et individuelle, dans chaque foyer. Cet esprit laïc est encore loin de nos mœurs, comme le montre notre incapacité à imposer un mariage civil ignorant par définition l'appartenance religieuse des conjoints. Tant que les citoyens libanais éprouveront un manque de confiance et auront un comportement réfractaire à l'égard de leurs compatriotes appartenant à une autre communauté vivant sur les mêmes 10 452 kilomètres carrés, le changement à l'échelle nationale  se fera longtemps attendre.
La marche à suivre pour aboutir à une société faisant abstraction de l'appartenance religieuse et communautaire est longue. Mais avec ténacité, volonté et courage, le changement aboutira. Ces problèmes de confiance peuvent être traités sous plusieurs aspects : un premier aspect politique, un second aspect lié à l'éducation et la connaissance mutuelle des religions, un troisième aspect médiatique, un dernier aspect concernant l'organisation de la pratique des religions.

Omar BAZ
(à suivre)
Après l'indépendance acquise en 1943, les deux protagonistes de cet événement historique, les présidents Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, ont trouvé une formule qui prenait en compte l'hétérogénéité confessionnelle et les divergences d'opinion entre Libanais. Cette formule nommée « pacte...

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