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Lifestyle - Rencontre

La divine May Arida

Elle est le visage lumineux, plus encore, la figure et l'icône du Festival international de Baalbeck. May Arida est également la mémoire de ces moments sacrés, des images indélébiles dans lesquelles elle figure et demeure, cinquante-trois ans après sa création, une immuable étoile parmi les étoiles filantes des temples romains de Jupiter et de Bacchus.
« J'ai trois surnoms, avoue-t-elle d'emblée, avec la franchise qu'on lui connaît : Oum el-bannet », la mère de ses quatre filles Amal, Joumana, Linda et Carla Maria, « et je suis aujourd'hui arrière grand-mère ! », ajoute-t-elle fièrement. « Bulldozer, parce que rien ne m'arrête pas, et enfin Madame mauvais caractère ! »
May Arida n'y va pas par quatre chemins. Comme toujours, elle préfère affronter, au risque d'agacer, imposer, au risque de déplaire. Perfectionniste, impatiente, omniprésente aux répétitions, aux réunions, aux représentations, aux mondanités qui s'y attachent, elle passe des nuits entières à dépouiller le courrier qu'elle reçoit de producteurs, de fans, d'artistes et d'amis. « S'il y a quelqu'un qui prend ce festival à cœur, c'est bien moi. Cinquante-quatre ans que je suis là-dedans ! Je le considère comme un petit enfant que j'ai élevé, avec, il est vrai, une équipe de dames, d'assistants, d'amis, de ministères, d'associations et de sponsors indispensables. »
Durant des années, certains l'ont également surnommée en chuchotant, impressionnés par sa beauté, « la divine ». Les magazines de mode internationaux ont approuvé ces superlatifs en affichant son élégance en couverture de leurs numéros. Christian Dior, devenu un ami, a souligné ses atours en créant les plus belles de ses robes, « que je porte encore aujourd'hui ! », précise-t-elle. La présidente, nommée en 1972, a fait du festival, comme de tous ses combats pour les causes qu'elle a défendues (le Liban-Sud, le sport), une affaire personnelle. Pendant ces trente étés où les temples, « mes merveilleux temples » de Baalbeck - « nous l'écrivons avec un c », aime-t-elle à rappeler - ont brillé de mille feux, avec un arrêt forcé de 21 ans pour cause de guerre libanaise, elle a tissé des liens profonds avec les plus grandes figures musicales et artistiques : Rostropovitch, Richter, Von Karajan, La Callas ou son « très regretté » Béjart, « nous avons correspondu jusqu'à sa mort ». Elle a rencontré Ella Fitzgerald, Joan Baez, Margot Fonteyn, Noureev et, plus tard, Sting et Mika, venu en collaboration avec le Festival de Beiteddine, poursuivi ses amitiés avec de grands noms littéraires tels Aragon et Cocteau qu'elle a eu le plaisir de recevoir au Liban. Elle a réussi, enfin, à offrir aux 40 000 spectateurs mélomanes Dizzy Gillepsie, Charles Mingus, Oum Koulsoum et Feyruz. Même auprès des rois Hussein de Jordanie, Felipe d'Espagne, le shah d'Iran, l'Aga Khan et les présidents du monde, elle a toujours trouvé sa place naturellement, sans effort et sans aucune appréhension. N'est-ce pas d'ailleurs de son amitié avec Zalfa et Camille Chamoun, alors ambassadeur du Liban à Londres, de ces affinités culturelles communes et un amour immodéré pour le pays, qu'est née l'idée d'un festival artistique qui transformerait le Liban en plate-forme culturelle du Moyen-Orient ?

Premières notes
À peine élu à la présidence de la République en 1952, le président Chamoun s'attelle, entouré de ces deux belles femmes, et la complicité de plusieurs amoureux de musique, de théâtre et de danse, à « faire renaître l'acropole de Baalbeck ». Les représentations de coutumes et traditions locales en 1955 sont vite rejointes, les années suivantes, par le théâtre, le jazz, la musique classique et pop. En 1956, Chamoun fonde le Festival international de Baalbeck, géré par douze membres bénévoles. Le premier comité, présidé par Aimée Kettaneh, sera composé de Salwa Saïd, Nina Jidéjian, May Arida, Jean Fattal, Jean Skaff, Élia Abou Jaoudé, Samir Souki, Camille Aboussouan, Khalil Hibri, Salim Haïdar et Fouad Sarrouf. « Tout, je veux tout », avait souhaité le président. Et il aura le meilleur. Des artistes et un public de connaisseurs qui viendront chaque année savourer la musique, la poésie et la magie des lieux. S'envoler et toucher le septième ciel de Baalbeck.
Jamais May Arida ne se lassera de raconter l'éclosion de ce rêve fou, devenu brusquement une évidence. Même si, précise-t-elle, « je ne donne pas d'interviews, ou très peu ». Jamais les journalistes ne se lasseront de lui demander de dire et redire les débuts, les moments forts, les émotions et les difficultés. Les fantaisies des uns, la fidélité des autres. Les nuits magiques, les inoubliables performances, la qualité des individus. L'histoire, s'il fallait la conter avec tous les détails dont elle se souvient encore parfaitement, meublerait plusieurs chapitres d'un livre que beaucoup attendent. « Je n'ai pas le temps de le faire ! Le jour où je quitterai la présidence du festival, je pourrai enfin vivre un peu, voir mes petits-enfants plus souvent, et écrire... » Quitter ce festival, même si la grand dame y songe sérieusement, même si certains seraient tentés par la relève, c'est comme ôter son nectar d'un fruit, un refrain d'un chant patriotique. « Les gens m'apprécient parce que je suis efficace. Que je rends possibles des missions impossibles ! »
Cette liberté batailleuse, en toute féminité, cette volonté, un héritage familial partagé avec son frère Simon Khoury, « que le sport a forgé en nous, lui champion mondial de ski nautique et moi championne de ski au Liban », ont permis de réveiller un festival tombé dans le silence de 1975 à 1997. Les projecteurs éteints, les ruines mythiques, devenues les ruines des jours heureux, tombés entre les mains des barbares de la guerre, May Arida poursuit son combat culturel, tente de calmer sa colère, organise des concerts à Paris et à Beyrouth. Pour que continue de vivre le festival.
En 1994, et grâce à la grande contribution de Nazek Hariri et celle de Ghassan Tuéni, un livre sur « les riches heures du festival », publié aux éditions Dar an-Nahar, a pu rappeler au monde qu'en dépit de toutes les violences, le Liban est également le pays du miel et de l'encens. En 1997, le Festival international de Baalbeck revient au devant de la scène avec la troupe Caracalla et, surtout, Rostropovitch, l'ami qui a tenu à partager le bonheur de ce grand retour. Les années suivantes, Nina Simone - « sans doute la plus capricieuse des stars qui sont venues à Baalbeck ! » -, Charles Aznavour, Sting, Johnny Hallyday, Placido Domingo, Gilberto Gil, Angela Gheorgiu et Robert Alagna, ou encore l'orchestre de chambre Franz Liszt ont confirmé, d'une seule voix, que le Festival international de Baalbeck restait l'incontournable rendez-vous annuel des mélomanes.
Dans les bureaux du festival, les affiches des années 60 et 70 témoignent en silence de ses riches heures. Quels artistes rêve-t-elle encore d'avoir, dans les années à venir ? « Béjart, qui était venu à trois reprises, en 1963, 1966 et 1972. Nous lui rendons un hommage cette année avec le Béjart ballet Lausanne. Cocteau, Rostro, Karajan, Ella Fitzgerald, Margot Fonteyn. Je rêve, ils ne sont plus là !... »
« J'ai tout fait, je ne regrette rien », conclut la belle May Arida.
« J'ai trois surnoms, avoue-t-elle d'emblée, avec la franchise qu'on lui connaît : Oum el-bannet », la mère de ses quatre filles Amal, Joumana, Linda et Carla Maria, « et je suis aujourd'hui arrière grand-mère ! », ajoute-t-elle fièrement. « Bulldozer, parce que rien ne m'arrête pas, et...

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