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Liban - Rassemblement

Place des Martyrs, une foule qui croit toujours au changement

« Je suis libre, je suis démocrate, je suis pluraliste, je suis libanais ». Ce calicot brandi par les supporteurs du Mouvement de l'indépendance venus de Zghorta el-Zaouyé résume probablement le sentiment des centaines de milliers de Libanais qui ont convergé samedi vers le centre-ville pour la quatrième commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri.
Après les funérailles de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri à la mosquée Mohammad el-Amine, après les manifestations hebdomadaires organisées tous les lundis suivant le lundi 14 février 2005 jusqu'au rassemblement du 14 mars de la même année et qui avait mobilisé plus d'un million de personnes, après les obsèques de Bassel Fleyhane, Georges Haoui, Samir Kassir, Gebran Tuéni et Pierre Gemayel, qui s'étaient tous tenus dans des églises du centre-ville, et après trois commémorations de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, samedi dernier, encore une fois, les Libanais étaient au rendez-vous du centre-ville de Beyrouth.
Des centaines de milliers de manifestants, venus de toutes les régions du pays appartenant à toutes ses communautés religieuses, tous partisans du 14 Mars, se sont dirigés vers la place des Martyrs pour rendre hommage à Rafic Hariri et à toutes les victimes tombées depuis quatre ans : Bassel Fleyhane, Georges Haoui, Samir Kassir, Gebran Tuéni, Pierre Gemayel, Walid Eido, Antoine Ghanem, François el-Hajj et Wissam Eid.
Venus du Akkar, de Bécharré, de Tripoli, de Zghorta, de Batroun, du Chouf, du Metn, du Kesrouan, de l'Iqlim el-Kharroub, de Saïda, de Jezzine, de Rachaya, de la Békaa et d'autres cazas du Liban, beaucoup de manifestants - hommes, femmes et enfants - ont pris la route très tôt le matin, voire à l'aube, pour se rendre au centre-ville. Certains convois ne sont pas arrivés à temps à Beyrouth ; dès 8 heures 30, des embouteillages avaient commencé à se former au niveau des principaux axes routiers menant à la capitale.
Ces centaines de milliers de Libanais ont constitué probablement le rassemblement le plus important des partisans de la majorité depuis le 14 Mars 2005. Ils sont venus brandissant les drapeaux du Liban ou ceux de leur parti, arborant des emblèmes et des symboles de leur mouvement, certains datant de février 2005 - mois marquant le début de la révolution du Cèdre - comme le foulard blanc et rouge propre au mouvement du 14 Mars ou encore les casquettes rouges portant l'inscription Indépendance 05.
Il faut probablement être libanais pour comprendre cette ténacité, cet esprit de défi et cette foi en une cause capable de transcender la souffrance en volonté de vivre. Ceux qui ont pris la rue samedi savent que « les martyrs ne meurent jamais », qu'au contraire ils peuvent alimenter des causes - des décennies durant - et donner du courage à ceux qui restent, du courage pour changer les choses, du courage pour vivre dignes, libres et souverains.

« Nous avons chassé les Syriens »
La foule qui a déferlé samedi place des Martyrs a rappelé à ceux qui voulaient l'oublier que « c'est grâce à ses rassemblements en février et mars 2005, que les soldats syriens avaient quitté le Liban après trente ans d'occupation ». Elle a rappelé aussi qu'avec le début des travaux du Tribunal spécial pour le Liban, « l'impunité ne régnera plus dans ce petit pays du Moyen-Orient ». Et si cette foule manifeste encore, c'est aussi pour rendre hommage à « ses martyrs » mais aussi pour rappeler qu'il y a encore beaucoup à faire, notamment « le désarmement du Hezbollah » et «l'édification d'un État de droit ».
« Nous sommes là par respect pour nos martyrs. Ils ne sont pas morts pour rien. Nos manifestations ont aussi changé les choses : les Syriens sont partis », souligne Hala, de Deir Amar, arborant le drapeau bleu du Courant du futur.
Beaucoup de manifestants, agitant des drapeaux FL, Kataëb et PSP, croisés au centre-ville et venus d'autres régions du pays, sont du même avis. Un partisan FL venu de Biakout affirme : « Le sang de nos martyrs n'a pas été versé en vain. Nous nous sommes sacrifiés durant trente ans pour le Liban. Nous sommes une résistance, la résistance chrétienne. Il faut du temps pour que les choses changent. Nous avons réussi, grâce à nos manifestations, à chasser les Syriens du Liban. Le tribunal international pour le Liban sera opérationnel dans deux semaines. Je suis sûr, même si ça prendra encore des années, que nous édifierons un État de droit. »
Salam est venue de Tripoli avec son mari et son fils, âgé de cinq ans. Pour l'occasion, elle a tricoté au petit Mahmoud un pull aux couleurs nationales. « C'est une occasion pour que les Libanais de toutes les communautés se côtoient », souligne cette femme voilée. « De plus, avec notre manifestation pacifique nous prouvons que ce n'est pas avec les armes que nous protégeons notre pays », ajoute-t-elle.
Une octogénaire au chignon blanc, s'appuyant sur une canne, venue de Jdeidet el-Metn et portant un pull bleu aux couleurs du Courant du futur affirme : « En tuant Rafic Hariri, ils ont cru qu'ils pouvaient tuer le Liban. Or, nous sommes là chaque année pour montrer notre volonté de vivre. »
Ibrahim, qui appartient au mouvement Inkaz (dissident du PCL), a pris place devant le siège du parti Kataëb à Saïfi. Il compte ses camarades croisés par hasard. « Ils sont assez nombreux », dit-il fier. « Nous sommes là pour soutenir l'État ainsi que la souveraineté et l'indépendance du Liban », ajoute-t-il.

Une foule galvanisée
La foule grossit de plus en plus place des Martyrs. Elle déborde jusqu'à la place Riad el-Solh et les ruines devant le bâtiment d'an-Nahar. Loin de la tribune, il y a ceux qui dansent la dabké, qui jouent du tambour et qui entonnent des chants partisans. Certains tentent en vain de protéger leurs enfants en bas âge - certains âgés de quelques mois - du soleil. Le ring Charles Hélou croule sous le poids des manifestants.
À la tribune de la place des Martyrs, une chorale entonne l'hymne national et l'Ave Maria. Des chants patriotiques sont diffusés. Six écrans géants montrent les images de la foule qui déferle sur Beyrouth. La scène rappelle étrangement le 14 mars 2005.
À midi, les orateurs se relaient à la tribune : la vice-directrice générale d'an-Nahar Nayla Tuéni, l'ancien président de la République Amine Gemayel, le député de Baabda Bassem el-Sabeh et le chef du PNL Dory Chamoun. Le chef du PSP Walid Joumblatt, le président du comité exécutif des FL Samir Geagea et le chef du Courant du futur, Saad Hariri, prennent tour à tour la parole. Ils galvanisent la foule.
À deux reprises, Saad Hariri arrête son discours pour répondre aux partisans qui scandent : « Nous donnerons notre âme et notre sang pour toi. » Il leur répond : « Nous donnerons notre âme et notre sang pour le Liban. » La forêt de drapeau place des Martyrs danse frénétiquement.
Fin de la cérémonie, à la tribune Hariri, Gemayel, Joumblatt, Geagea et les autres personnalités saluent une dernière fois la foule.
La marée humaine de samedi a prouvé, s'il en était encore besoin, que la révolution du Cèdre n'est pas morte.
Après les funérailles de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri à la mosquée Mohammad el-Amine, après les manifestations hebdomadaires organisées tous les lundis suivant le lundi 14 février 2005 jusqu'au rassemblement du 14 mars de la même année et qui avait mobilisé plus d'un million de personnes, après les...
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