Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Une normalisation qui conforte le rééquilibrage politique libanais

La longue parenthèse sombre est maintenant fermée. Aoun est rentré et Geagea est sorti. Pour prononcer un discours rassembleur applaudi par un large éventail de forces politiques. Et, à propos de forces, il va en reprendre un peu en Europe, avec suivi médical, avant de se lancer derechef dans l’action publique. S’adressant aux Libanais, Geagea a tourné la page pour les engager à entamer une ère nouvelle de coopération nationale. Redisant, après Saëb Salam jadis, après Mgr Sfeir naguère, que le Liban ne peut prendre son envol, son essor, qu’avec ses deux ailes. Pour ce nouveau départ, comme l’a dit Farès Souhaid, Geagea, qui était entré en prison en tant que leader chrétien, en sort onze ans après en tant que leader national. Cette mutation, parallèle à celle du pays dans son ensemble, signifie que le rééquilibrage interne prend corps, loin de la discrimination, de la marginalisation, de l’oppression subies pendant si longtemps par le camp chrétien, réduit à ce que l’on a appelé « ihbat », sinistrose. Aujourd’hui, Kornet Chehwane et l’ancienne opposition élargie dite Rencontre du Bristol, qui avaient été au cœur de l’intifada du 14 mars, ont pratiquement rempli tout leur contrat. Retrait syrien, commission internationale d’enquête sur l’assassinat du président Hariri, neutralisation du système militaro-sécuritaire, nouvelle Chambre, nouveau gouvernement, retour de Aoun et libération de Geagea. Certaines fractions, notamment les joumblattistes, peuvent faire valoir que le tableau n’est pas tout à fait complet, puisque le régime et d’autres symboles de l’ancien système restent en place. Mais cette revendication, on le sait, n’a en réalité jamais été avalisée par la Rencontre du Bristol en tant que telle. Et elle se trouve moins que jamais de saison, après la visite rendue à Lahoud par Condoleezza Rice. Et aussi après la désignation, au sein d’un cabinet Siniora (et c’est tout dire), de ministres lahoudistes. Qui ne semblent pas plus prêts à défendre l’ancien système que leur chef de file, détail important à relever. C’est donc là aussi un élément du rééquilibrage global en faveur du camp chrétien. Qui, dans le fond, renforce son retour sur scène en ne se refermant pas sur lui-même, en s’ouvrant sur les autres composantes du pays. Il se confirme de la sorte que les alliances conclues par les Forces libanaises (avec Hariri, avec Joumblatt) n’étaient pas uniquement d’ordre électoral, mais s’articulaient sur un projet politique commun. Il y a là un brassage national qui fait échec aux tentatives de promouvoir un fédéralisme communautaire. Une perspective que certaines parties extérieures auraient envisagée un certain moment, comme solution virtuelle à des problèmes de cohabitation confessionnelle rencontrés en Irak ou ailleurs. Localement, après les remous désagréables des élections, des efforts ont été déployés pour déconfessionnaliser le débat politique. Pour l’articuler plutôt sur les projets de redressement et de réforme. C’est ce que relèvent des sources parlementaires FL qui soulignent que du même coup, les différends, ainsi déconfessionnalisés, ont peu de chance, ou de risques, de se transposer au niveau de la rue. Comme cela a pu être le cas durant les élections. En fait, selon ces sources, les divergences doivent être traitées par un dialogue positif au sein des institutions, le Parlement et le Conseil des ministres. Un point du reste souligné dans le discours de Geagea. Est-ce que l’accord avec Hariri et Joumblatt signifie l’hostilité avec Aoun ? Pas du tout, répondent les sources parlementaires FL qui confirment que Geagea a eu des rencontres avec des députés aounistes qui lui avaient transmis un message d’ouverture du général, dont l’absence à l’aéroport s’explique par des raisons sécuritaires. Mais l’ancien président du Conseil va, selon des sources concordantes, tenir une longue réunion de travail avec le docteur, après le retour de ce dernier. Sur un autre plan, les Forces libanaises travaillent pour récupérer le statut de parti autorisé, la licence ayant été détournée en direction de Fouad Malek et de son groupe. On se demande d’ailleurs si Geagea va vouloir ou non récupérer, réintégrer les dissidents et les transfuges. Ou se contenter des fidèles restés autour de Sethrida Geagea. Comment il va agir, ou réagir, par rapport au groupe Malek ou encore par rapport à son ancien vice-président, Pakradouni. Qui, comme d’autres cadres, n’a pas été invité à l’aéroport. Par contre, Geagea doit en rencontrer d’autres, en Europe, et ils pourraient retourner à Beyrouth avec lui, car la plupart d’entre eux ne font pas l’objet de condamnations judiciaires. En tout cas, il est presque certain qu’à son retour, Geagea rendra au patriarche Sfeir une visite de remerciement. Il devrait recevoir un accueil populaire et se rendre sur la tombe du président Hariri. Avant d’aller prier en l’église Notre-Dame de la Délivrance puis de gagner son nouveau domicile de la région de Sehaylé, dans le Kesrouan. On aura enfin remarqué que Geagea n’a pas cité Lahoud dans son discours, ne l’a pas remercié d’avoir signé l’amnistie, alors qu’il a exprimé sa gratitude à Sfeir, Joumblatt, Hariri et Aoun. Et la plupart des observateurs doutent qu’il visite Baabda. Philippe ABI-AKL

La longue parenthèse sombre est maintenant fermée. Aoun est rentré et Geagea est sorti. Pour prononcer un discours rassembleur applaudi par un large éventail de forces politiques. Et, à propos de forces, il va en reprendre un peu en Europe, avec suivi médical, avant de se lancer derechef dans l’action publique. S’adressant aux Libanais, Geagea a tourné la page pour les engager à...